Tisserand 8
Hênn-fia carcha une phrase, et le silence se fit. Hérissé, pétrifié d’une rage soudaine, Ssdvenna’êk l’assassina du regard. D’une voix haineuse, il siffla une réponse que la blonde interrompit. Il bondit sur ses pieds, poings serrés, un filet de bave goutta d’un croc, tandis que tête basse il écoutait la naine. Ses griffes traversées de spasmes semblaient capables de broyer Hênn-fia, pourtant il ne s’en servait pas.
Ombre observa avec intérêt cette escalade d’hostilité. Ia’kveh approcha, et ajouta de l’huile sur le feu. Jusqu’à présent, le tisserand était parvenu à dissimuler une partie de sa colère, quand cette nouvelle indésirable arriva il déploya ses ailes et les étendit de manière à se rendre imposant. Quand il posa les yeux sur Ia’kveh, il releva la tête d’un coup et lui adressa une affreuse mimique qui traduisait toute la haine qu’elle lui inspirait. Puis il s’adressa de nouveau à la guérisseuse, la tête basse, les crocs plus couverts.
La grande brune parla, et bondit en arrière quand Ssdvenna’êk avança d’un pas dans sa direction, une lueur meurtrière dans le regard. Hênn-fia, statique, n’eut qu’à s’exprimer en nommant Isséri pour que le traducteur recule avec impuissance. De rage, il cracha sa bile au sol. Silencieux, il subit les paroles de ses deux harceleuses, écumant en silence.
Son odeur commençait à changer. Ombre reconnut celle du meurtre, et se leva à son tour pour se ranger au côté du traducteur. Les deux dragoniennes l’avaient déjà vu manier la lame, et savaient qu’elles ne faisaient pas le poids. Légèrement devant Ssdvenna’êk, elle les défia du regard, la main sur le pommeau. Ia’kveh brandit une griffe dans sa direction et cracha :
- Uskelvenna’k ornéfhel Ssdvenna’êk iôss nervess !
L’interpelé rétorqua dans le même langage entre les crocs, Ia’kveh se permit de parler en même temps en s’adressant à Ombre. N’ayant aucune chance de comprendre, cette dernière lui répondit avec un regard froid et une mine neutre. Au ton employé, elle supposait que Ia’kveh réitérait ses mises en gardes au sujet du dragonien derrière elle, et cherchait à la convaincre de se retourner contre lui.
- Quels griefs nourrit-elle à ton égard ? finit-elle par demander.
- Âle a connou… mâme… causs… cauchemar que môa. Et âle hât… hômmmmmes. Sourtout môa.
- Et Hênn-fia ?
- … Je… pas saveuhar.
Les deux dragoniennes reprirent longuement leurs invectives à l’encontre du tisserand, qui, cette fois se sentant soutenu resta plus stoïque. Le reste du clan les ignora sans y accorder la moindre attention, à l’exception de St’iorvi qui se tendait de plus en plus. Plusieurs fois, Ombre surprit ses regards inquiets adressés à sa protectrice, puis angoissés dirigés vers le dragonien.
Au bout d’un moment, lassée des tons menaçants, Ombre dégaina avec lenteur, et prit position pour s’en prendre à Ia’kveh. Cela interrompit les antagonistes, puis les deux dragoniennes perdirent de leur verve. De toute évidence, les actes de l’étrangère les perturbaient. Elles ne pouvaient plus cracher leur venin impunément en l’absence d’Isséri. Quelqu’un le soutenait, autre que leur cheffe, et savait déjà s’imposer.
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