Le mercenaire ne s’attendait pas à ça. Il fut percuté de plein fouet, et chut de sa selle, aux prises avec Ombre qui lui martelait déjà le visage avant même qu’ils ne touchent le sol.

La garde d’élite se servit de sa cible pour amortir sa chute, et lui fracassa le crâne au sol. La force de l’impact les fit rouler à terre. Entraînée, Ombre en profita pour se mettre debout et dégainer, tandis que l’homme roulait toujours, sidéré. Elle lui courut après, le souleva d’une main et lui offrit un uppercut qui le sonna. Elle lui déboîta les épaules. Ne pouvant aller plus loin, la membre de l’élite siffla sa jument, et rejoignit son seigneur.

Quinze encore, dont deux toujours plus proches. Se fiant au sifflement, ils ne tardèrent pas à encadrer les fuyards. La dragonienne dégaina après s’être assurée qu’ils ne possédaient pas d’armes de jet. Ils lorgnaient les rênes, et dégainèrent en remarquant son arme en main.

La petite rousse accéléra encore, faisant du botte à botte avec Gérald.

- Mettez-vous en équilibre.

- Quoi ?

- Mettez-vous en équilibre, je vous rattrape.

Dès qu’elle le vit raccourcir ses rênes et se mettre en position, elle fit claquer son arme sur la croupe du destrier, qui hennit de terreur et de douleur avant de décamper. Les deux hommes les encadrant l’aperçurent, et hésitèrent. Cela laissa le temps à la cavalière pour s’approcher de l’un d’entre eux, et il ne put que sentir une lame lui traverser le genou, au défaut de son armure. Il hurla de douleur, ce qui acheva d’angoisser sa monture, qui fit un écart et partit s’égarer dans les bois. L’humain vida rapidement les étriers, abruti de douleur.

Quatorze. Pas de nouveaux sons de galop. Le témoin de ces actions jugea préférable de fuir. Il hurla :

- Elle sait se battre ! Elle sait se battre !

Pour qui la prenaient-ils ? Ignoraient-ils son appartenance à l’élite ? Pourtant, elle portait l’anneau d’or à son fourreau. Les cris ameutèrent un groupe entier, qui chargèrent avec le témoin. Six. Et ce dernier sept. Qu’il en soit ainsi.

Ombre entendit une flèche se ficher dans un arbre. Alors qu’elle avait amorcé une fuite, elle contraignit Astuce à faire volte face, et la cabra. Tous connaissaient la valeur des chevaux de Xévastre, et désormais ils savaient qu’elle n’hésiterait pas un instant à sacrifier un animal exceptionnel. Le concert de jurons et d’imprécations à son encontre lui fit arborer un sourire sauvage. Qu’ils viennent. Qu’ils osent.

Elle partit à la perpendiculaire des mercenaires, qui lui emboîtèrent le pas. Chargeant en ligne droite, la garde rapprochée contourna une clairière, et vola par-dessus un ruisseau. Derrière, ils tentaient de se déployer.

La dragonienne bondit au sol, et rugit avec défi à l’intention de ses poursuivants. Elle se trouvait dans un cul de sac, cernée de ronciers. Le groupe approchait. Dans leur précipitation, quatre d’entre eux formaient un groupe compact, tandis que trois cavaliers, plus prudents, formaient les ailes et la réserve de la formation. D’un geste, Ombre prévint Astuce, qui coucha les oreilles sur sa nuque, sachant que la suite lui serait très désagréable. Les quatre approchaient toujours, tandis que les trois réservistes, pressentant quelque chose, ralentissaient ou s’éloignaient.

Un son suraigu et sans fin retentit. Les chevaux qui découvraient cette ignominie fuirent, fous furieux. Les humains, du moins les quatre plus proches, ne purent rester sur leurs montures, sonnés. Ombre se rua sur eux, et leur déboîta consciencieusement les membres. L’élite remarqua un cinquième homme à terre, et lui fit connaître le même sort. Restaient neuf hommes à laisser aux loups.

Son instinct attira son attention derrière elle. Un géant la chargeait, faisant tourner un fléau contre lequel son arme ne pourrait rien. Restant immobile, la prédatrice attendit. Le cheval la piétinait presque, lorsqu’elle détendit son bras et décrivit un arc de cercle de bronze. Quelques vermisseaux de sang volèrent avant d’éclabousser les alentours. L’équidé, horrifié, s’enfuit, tandis que la selle et le cavalier poursuivaient sur leur lancée initiale. Empêtré dans une selle à la sangle sectionnée, le mercenaire tomba tête la première au sol, et ne réagit pas à sa chute.

Pour faire bonne mesure, Ombre le désarticula. L’odeur du sang, le son des articulations qui se désassemblaient… Encore. Il lui en fallait encore. Qu’ils sachent. Qu’ils constatent. Huit. Huit témoins. Huit futurs témoins de son art.

Le dernier poursuivant se portait disparu. Ombre rappela Astuce, et partit à la recherche de son seigneur, se guidant au son du galop du destrier, aisément reconnaissable, bien plus lourd que les autres montures.

Il fut pourtant malaisé à trouver, en ces bois épais. À son grand désarrois, Ombre ne croisa pas d’autre mercenaire. À force de recherches, elle repéra enfin l’emplacement de son seigneur, et le rejoignit. Elle attrapa le cheval fou par la bride, et prit son temps pour le cajoler, l’apaiser. Peu à peu, il cessa de galoper. Couvert de sueur et d’écume, il passa au trot, puis au pas.