Soyez clair et précis
Dans une pièce sombre et exiguë, un homme était interrogé par un gendarme. Intimidant, ce représentant des forces de l'ordre avait un regard perçant. Dur de garder son sang froid face à un tel personnage. D'un regard noir et d'une voix envoûtante, l'enquêteur déclara :
- Dites-moi tout et ne me cachez rien. Commencez par le début !
Le témoin principal expliqua calmement :
- Hier, j'ai eu un appel de ma fille pour m'annoncer que mes petits enfants avaient trouvé une chèvre lors de leur promenade.
Je suis passée la voir et j'ai tout de suite reconnu la bête. Blanche et tachetée, elle appartenait à Norbert.
- Vous en êtes sûr ?
- Oui ! Je connaissais très bien Norbert, nous étions amis depuis notre enfance. Je passais régulièrement chez lui pour apporter des fruits et légumes de mon potager. En échange, il nous donnait du lait de chèvre. Je les voyais à chaque fois ses biquettes...
Michel pleura et il se frotta les yeux pour essuyer ses larmes. Le gendarme lui laissa quelques secondes de répit avant d'enchaîner :
- Donc après avoir identifié l'animal, vous avez fait quoi ?
- Je suis allé directement chez Norbert avec la chèvre. La porte était ouverte et c'est là que je les ai découverts...
- Il était quelle heure ?
- Entre seize heures et dix-sept heures, je ne sais pas vraiment, je ne porte pas de montre.
- Même les détails anodins peuvent aider à l'enquête. Vous n'avez croisé personne ?
- Non !
- Est-ce que vous avez touché au corps ?
Michel continua difficilement :
- Je n'ai touché à rien ! Norbert gisait au sol dans une mare de sang. Une hache était plantée dans son dos. Quant à Josette, elle était affalée sur le plateau du Scrabble. En voyant ça, j'ai directement appelé la police.
- Est-ce que Norbert avait fait des rencontres étranges ces derniers temps ?
- Non, il était ancré dans son quotidien et voyait peu de personnes. Ah si, ça me revient ! Le baiseur de chèvre !
- Le quoi ?
- Il y a trois semaines, j'étais passé chez Norbert, il semblait inquiet. Je lui avais demandé si tout allait bien. Ce jour-là, il s'était confié et m'avait avoué qu'il avait vécu quelque chose d'incongru !
- Je vous écoute.
- Un soir, il avait surpris un homme en train de fricoter avec ses chèvres. À coups de fusil, il l'avait fait fuir !
- Un fusil vous dites ?
- Oui, il était chasseur ! Il possédait des cartouches à gros sel pour faire déguerpir les rôdeurs...
- Le zoophile, il en avait parlé à d'autres ?
- Je sais pas...
À chaque réponse, Michel se sentait sondé par l'enquêteur. L'homme avait peut-être des doutes sur son témoignage ? Un frisson lui parcourut l'échine. Serait-il le suspect numéro un dans cette affaire ? L'enquêteur grimaça avant de déclarer :
- Monsieur Boutonelier Michel, vous êtes notre témoin principal. Je ne vais pas y aller par quatre chemins. Avez- vous tué Josette et Norbert ?
Le vieil homme devint livide.
- Non ! C'est quoi cette question ?
- Écoutez je vais être franc ! L'arme du crime porte vos initiales.
Le gendarme montra une photo pour appuyer ses propos. Michel avait l'estomac noué. La hache qu'il avait perdue avait été retrouvée dans le cadavre de son ami.
- Vous reconnaissez votre hache ?
Il ne pouvait pas nier l'évidence et la voix nouée, il articula :
- C'est bien la mienne... Je suis dans la merde, hein ?
- Oui, ça se complique pour vous ! Donnez-moi une explication ?
Michel pressa ses mains contre son crâne :
- Il y a une semaine, je devais couper du bois avec Norbert et des amis. En préparant mes outils, j'avais constaté la perte de ma hache. J'ai essayé de la retrouver en vain.
L'inspecteur au regard inquisiteur le dévisagea et d'un ton glacial, il déclara :
- Vous êtes placé en garde à vue et je vous conseille de prendre un avocat.
À cet instant, Michel vacilla. Comment allait-il se sortir de ce guêpier ?
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