Doutes

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Gurval marchait dans les rues de Lyon en songeant à son incompétence. Les meurtres s'enchaînaient et l'enquête n'avait pas avancé d'un pouce. Aucune piste et pas d'indice, ce tueur semblait sans faille. Il s'en voulait particulièrement pour Cassie et Marianne, c'était des jeunes femmes pétillantes et superbes, mais il n'avait pas réussi à les sauver. Sera-t-il capable d'arrêter ce tordu ?

Depuis qu'il avait stoppé la boisson, son flair légendaire s'était estompé et il n'était plus que l'ombre de sa gloire passée. Si cette enquête s'éternisait, les morts s'accumuleront et il ne pourra pas le supporter. Fallait-il s'autoriser un verre pour éviter d'autres découvertes macabres ?

Gurval songea à sa fille, il ne voulait pas la décevoir, c'était elle qui à la mort de sa femme l'avait sorti de l'alcoolisme. Juste un petit verre, elle n'en saura rien ? Au coin de la rue, l'œil assoiffé de Gurval repéra un bar. Hésitant, il s'approcha, puis il inspira profondément avant de s'engouffrer dans l'établissement.

Guidé par de vieux réflexes, il se dirigea en direction du comptoir puis en regardant le barman, il demanda :

— Un double whisky s'il vous plaît.

— Et, voilà pour vous monsieur !

Gurval empoigna son verre et il l'agita doucement. Il observait le liquide alcoolisé danser, quelle grâce !

Obnubilé par cette substance, il l'approcha de sa bouche, puis il l'absorba. Inexorablement, dans sa gorge sèche, le whisky ruissela , quel plaisir de retrouver les sensations d'antan.

Comblé, il laissa vagabonder son esprit, ses sens s'émoussaient, mais des intuitions émergeaient. L'auteur de ces crimes atroces était costaud et extrêmement mobile, sûrement un homme sportif. Les yeux de Gurval étincelèrent, Ed avait sûrement croisé le tueur en revenant de la boulangerie. Il fallait l'interroger ! Sans attendre, il passa plusieurs coups de téléphone au commissariat, l'objectif, c'était de convoquer le jeune homme en vue d'une audition.

Après avoir payé sa conso, il quitta le bar pour continuer sa promenade. Se sentant coupable d'avoir craqué, il broyait du noir en imaginant le pire. Il se voyait déjà retomber dans la spirale infernale de l'alcool, il frissonna en songeant que cette fois, sa fille l'abandonnerait à son triste sort.

La sonnerie criarde de son téléphone le tira de sa torpeur. Il décrocha puis écouta attentivement son interlocuteur. La nouvelle était alarmante, Edward était injoignable. La mort de Marianne l'avait bouleversé, le psychologue l'avait jugé très fragile, mais il était livré à lui-même. Gurval craignait le pire et si le témoin principal s'était suicidé ? Il devait le retrouver ! Quitte à paraître ignoble, il devait rester impartial et envisager d'autres possibilités. Une hypothèse tangible, c'était la fuite ! Peut-être que dans cette affaire, le jeune homme avait des choses à se reprocher ?

Dans tous les cas, la réactivité était la clé du succès et au risque d'enfreindre la loi, Gurval devait prendre une décision. Il eut une pensée pour Cassie et en un instant son choix était fait.

***

Trévoux, deux heures du matin, une voiture arriva doucement en bord de Saône. Le moteur s'arrêta et un homme de noir vêtu descendit du véhicule. À grandes enjambées, en se fondant dans les zones obscures tel un caméléon, il fila en direction de la place de l'Horloge. Arrivé dans la grande rue, l'homme se fit aussi discret qu'un chat et à pas de loup, il continua sa progression. Sa main effleura une poignée de porte, avec ses gants en cuir, il ne laissera aucune trace. Délicatement, il actionna le mécanisme vétuste, quelques grincements retentirent et l'homme se faufila derrière le battant pour s'enfoncer dans l'obscurité. Il grimpa les escaliers avec une facilité déconcertante, puis il termina sa course devant un palier. C'était ici qu'habitait Edward !

Gurval avait emmené ses instruments pour crocheter les serrures, ce n'était jamais gagné d'avance mais un large sourire fendit son visage, la porte n'était pas fermée à clé. Sans hésiter, il se glissa à l'intérieur, puis à la lueur de sa lampe torche, il inspecta l'appartement. C'était le foutoir et ça puait, mais la bonne nouvelle, c'était que les stores étaient baissés. Gurval enfila sa cagoule puis dans la pièce principale, il alluma la lumière. Sans tarder, il constata que l'odeur pestilentielle provenait d'un sac en carton souillé par du vomi. Sur la table Gurval repéra le téléphone portable du jeune homme. Il dégaina un stylet puis il fouilla à l'intérieur. De nombreux appels en absence et très peu de contact, à première vue, Ed était introverti. Dans son journal d'appel, le numéro d'une dénommée Gisèle revenait régulièrement. Peut-être qu'en rencontrant cette personne, il pourra en apprendre plus ?

Après avoir noté le numéro, il reposa le smartphone sur la table et il remarqua un trousseau de clés ! De toute évidence, Edward semblait être parti précipitamment. Tellement rapidement qu'il n'avait pas pris le temps de fermer son appartement ? En inspectant les autres pièces, il trouvera peut-être des éléments de réponses. Dans la chambre Gurval marcha sur des morceaux de verre, au sol, un cadre photo abritant un cliché de Marianne était cassé. Bon Dieu ! Qu'est-ce qui s'était passé dans cet appartement ?

Dans la salle de bain, les serviettes étaient encore humides, il n'a pas pu aller bien loin, surtout sans sa voiture. En retournant dans la pièce principale, son œil s'arrêta sur un caméscope trônant au milieu du canapé. Entre ses mains, il observa l'objet, puis il l'alluma. Il restait peu de batterie, mais suffisamment pour regarder quelques vidéos, il lança la dernière en date. Intrigué par cette personne recouverte d'un drap, il n'arrêta pas la lecture et sa surprise fut totale quand le linge retomba sur lui-même. C'était quoi le délire ?

Quand Marianne pris la parole, Gurval eu sa réponse, il s'agissait d'une dématérialisation ! Mais personne en ce monde n'était capable d'une telle chose ? Lorsque la jeune femme révéla qu'Ed était Sadjo Bel, son esprit scientifique fut rassuré et il salua les prouesses de cet illusionniste formidable. Il s'entraînait donc chez lui... Quant à son secret personne ne l'avait percé !

La vidéo commençait à être intéressante, puis passionnante quand Marianne parla d'une petite vendeuse de billet de tombola. Elle ouvrit la porte et Gurval observa l'enfant attentivement. L'homme à la hache arriva soudainement et le reste virait au massacre. Face à ce spectacle écœurant Gurval resta sans voix, et il fut sidéré en découvrant l'identité du tueur. Afin d'encaisser le choc, de sa veste, il sortit une petite fiole qu'il porta à sa bouche, un remède maison contre l'anxiété. Ce changement de personnalité et cette insensibilité malsaine, Edward était un grand malade... Schizophrène ou psychopathe, quelle importance ? Il en avait assez vu et il se jura de l'attraper ! Son tord-boyaux commençait à faire effets et des envies de vengeance émergèrent !

***

Le lendemain, Gurval retourna dans l'immeuble de Marianne pour interroger le voisinage. Tous répondirent aux questions et la conclusion était alarmante, aucun d'entre eux n'avait eu la visite de la petite fillette vendant des billets de tombola. Pourquoi cette gamine avait frappé exclusivement chez Marianne et comment était-elle entrée ? Le bâtiment était protégé par un interphone... Gurval commençait à comprendre, cette gamine était uniquement l'appât d'un plan machiavélique...

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