Le soir venu

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Le soir, au cœur d’un village de la Dombes, dans la rue du centre, une jeune femme marchait d’un pas vif. Habillée avec une veste légère et un pantacourt, elle restait vigilante, car l’ordinateur qu’elle portait en bandoulière pouvait attirer bien des convoitises. La demoiselle traversa la place principale pour atteindre les abords de la salle des fêtes. L’ambiance lumineuse se faisait plus sombre, elle franchit une route, puis se dirigea vers le complexe sportif. Une fois là-bas, elle évita soigneusement une bande de jeunes qui parlaient fort. Assis sur un banc, certains fumaient et parfois crachaient par terre, à cheval sur leur scooter, d’autres ricanaient. Leurs comportements ne reflétaient rien de bon et afin de rester discrète, elle s’éloigna. La jeune femme était impatiente, elle n’arrêtait pas de regarder son téléphone. Ses doigts fins et agiles dansèrent sur les touches pour écrire un message : « Tu es où ? ».

Une voix brisa le silence :

— Derrière toi !

Surprise, la jeune femme sursauta et en faisant volte- face elle analysa la situation. En constatant que c’était Ed , elle se jeta à son cou et faussement fâchée, elle lança :

— Tu m’as fait peur espèce de con !

Avec un petit sourire en coin, il rétorqua :

— Je pensais pas te faire une telle frayeur Marianne !

Elle lui asséna une tape sur les fesses et enchaîna :

— J’ai l’ordinateur ! On y va ?

Ils contournèrent le gymnase puis longèrent le terrain de rugby pour emprunter un chemin obscur débouchant sur une ferme abandonnée. Avec des lampes torches, lentement, ils s’approchèrent du bâtiment. Les ronces et les hautes herbes n’étaient pas évidentes à franchir dans l’obscurité. La lumière des lampes ne dévoilait que très peu d’indices sur la ferme : murs tagués, fenêtres et portes condamnées.

Marianne murmura à Ed :

— Je reconnais les lieux, en passant sur la gauche, il y a une ouverture. Et on s’installera juste à l’entrée pour regarder le film.

— Ok, ça me va !

Même si Marianne était déjà venue, Ed n’était pas rassuré ! Les barricades montraient que le propriétaire était contre les visites clandestines. De toute évidence, cette bâtisse abandonnée attirait du monde. Des voyous, des squatteurs et des clochards étaient sûrement déjà passés par là et la police avait dû intervenir pour les chasser. Sans Marianne à ses côtés, il aurait fait demi tour. Main dans la main, ils franchirent le mur et dans un recoin, elle déplia un drap. Ils s’installèrent et dans le noir total, ils allumèrent l’ordinateur. Le film commençait, dehors, le vent se levait, craquement, vibration, la ferme exposée aux rafales s’agitait. Leurs sensations furent décuplées, ils avaient peur. Un gros bruit brisa le silence et effrayés, ils allumèrent leurs lampes. Rien à signaler, il y avait toujours le même désordre dans la pièce. Des fauteuils éventrés, des tables abîmées, un matelas sordide au sol et pas de présence humaine. « Ouf ! » songea Ed !

Soulagés, ils se focalisèrent à nouveau sur le film. Certaines scènes furent difficilement soutenables. Dans cette œuvre, la violence physique et psychologique régnait en maître, une fois la scène finale terminée, ils restèrent troublés, car ce film était malsain de bout en bout. Les tourtereaux entendirent des craquements répétés en provenance de l’extérieur, une personne approchait ? Leurs cœurs s’emballèrent, en une fraction de seconde, l’ordinateur fut plié et le drap rangé. Plongés dans le noir, ils étaient en alerte, prêts à fuir. Une ombre passa devant une fenêtre de la grange. Pétrifiés, ils attendaient. Qu’est-ce qui allait surgir ? Un clochard, un drogué ou un pervers ?

Les bruits de pas se rapprochèrent, une silhouette fit son apparition devant l’ouverture. Une toux rauque et quelques grognements se succédèrent, le type regarda dans leur direction. L’horreur absolue ! Pour Ed et Marianne, le temps s’arrêta. L’homme tourna la tête et reprit sa route. Ils attendirent quelques minutes avant de filer à la hâte, puis une course effrénée commença à travers les grandes herbes, les orties et les chardons. Malgré de multiples égratignures et quelques picotements aux jambes, ils arrivèrent en courant au complexe sportif. D’un bon pas, ils continuèrent à marcher, et arrivé, au cœur du village, Ed embrassa Marianne. Durant les grandes vacances, elle dormait chez ses parents et ils habitaient au bout de la place. Même si ce baiser était exquis, c’était le moment de se séparer et elle détacha doucement ses lèvres de celle d’Ed. Après un gros câlin, elle le salua et continua sa route. Voulant contempler son homme une dernière fois, Marianne se retourna mais Ed n’était plus là, il s’était volatilisé.

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