La convocation
Ed traversa le couloir puis se dirigea vers la boîte aux lettres. Il y avait du courrier et c’était du sérieux, il était convoqué par l’actionnaire de son entreprise.
Le jour J, à l’heure exacte, Ed parcourait les bureaux de la direction pour s’arrêter dans une pièce.
Une jeune femme l’observa puis articula :
— Vous désirez Monsieur ?
— J’ai rendez-vous avec Roland Bourlet.
— Attendez un moment, je préviens Monsieur Bourlet.
La femme décrocha son téléphone et déclara : « Monsieur, votre rendez-vous est là ». Et elle poursuivit d’un : « je vous l’envoie », puis d’un geste machinal, elle lui indiqua la direction à suivre.
Le bureau était spacieux et parfaitement rangé, sur les côtés, des étagères habillaient les murs. Ed remarqua quelques plantes vertes dans un coin, elles étaient sûrement artificielles. Et maintenant, son regard se focalisa sur le bureau, imposant. L’homme en costard cravate assis sur le fauteuil se leva et un « bienvenue » brisa le silence.
Après une poignée de main protocolaire, l’actionnaire invita Ed à s’asseoir. L’homme ouvrit la bouche et commença :
— Connaissez-vous la raison de votre convocation ?
— Non, je ne sais pas.
— C’est simple, votre comportement nous déçoit.
Vous êtes là pour obéir à vos supérieurs et non prendre des initiatives personnelles. Faites leur confiance, ils sont qualifiés pour cela.
On m’a fait part à plusieurs reprises de votre baisse de motivation. Vous avez été aperçu accoudé sur des tables, on m’a dit que vous étiez nonchalant, et que vous discutiez avec beaucoup de salariés. Or nous avons un carnet de commandes bien rempli. Comprenez-vous qu’un tel comportement est incompatible avec nos intérêts ?
L’homme n’attendait pas de réponse et il continua :
— Vous devez vous investir davantage, être plus réactif et ne dérangez plus vos collègues. Dans l’entreprise, je vous invite à mettre vos sentiments de côté. Ne pensez pas, soyez comme une machine, concentrez-vous sur votre travail et les délais à respecter. Vous avez des questions ?
Edward resta sans voix, le message était clair, il faillait obéir aux ordres, être soumis au système, comme un pantin l’est pour un marionnettiste. Désormais, il sera d’apparence bête et disciplinée, mais au fond de lui brûlera la flamme de la liberté. Il venait de comprendre les rouages de son entreprise, la folie abjecte y régnant. Certains étaient prêts à tous les coups pour gravir les échelons : hypocrisie, égocentrisme et perfidie.
L’actionnaire avait un regard vide, sans émotion. Ed acquiesça, et ne chercha pas à discuter avec cet homme, tous les opposaient, il s’en alla.
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