Salomé
Quand tu fermes les yeux, la tête en arrière, elle t’apparait en phosphène sur ton gris illusoire. C’est ta petite fille fidèle qui court autour de la terre et si elle se sent joyeuse, rebondit sur l’étoile. Elle est marchande de sable aussi, experte en import-export, et l’or coule à flots. Sa vertu est voilée de nuages, ses cratères estompés par le cambouis atmosphérique. Une mère calme, qui ne tourne jamais le dos. La houle qui te berce.
Mais ce soir… comme son regard est froid.
Elle s’est aspergée d’un fard écarlate et ses veines s’éclatent ; nuancier inquiétant. Elle sait ce qu’annonce sa couleur, et le destin qu'elle te réserve. Elle saigne sa peine sur la Voie lactée, les astres se noient. Tu te couvres de l’ombre pour ne pas qu’elle ceigne ton corps de sa lueur terne.
« Je veux te voir. »
Trop tard, tu n’échapperas pas à ses rayons. Yeux ouverts, yeux fermés, elle est gravée au fer rouge sur le fond de ta cornée. Son emprise t’écrase les poumons, rampe jusqu’à tes pensées. Il n’y a plus l’image d’une tête coupée, de lèvres trempées de vin. Iel a les cheveux comme des grappes de raisin, le front clair et les paupières closes.
Iel est à toi maintenant.
La témoin cruelle de la perte de ta raison s’esclaffe. Le son plus blanc que la neige, plus tranchant qu’une obsidienne, te transperce ;
« Tu es un monstre. »
Elle l’a voulu ! Elle t’a—
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