° ° °
Tu ne te demandes jamais si tu ennuies la personne à qui tu parles. Pourtant parfois tu m'ennuies. Tu n'as pas mal au ventre en t'apercevant dans la glace. D'ailleurs tu passes devant sans t'arrêter.
Tu ne t'enregistres pas pour entendre le son de ta voix. Tu ne t'empêches pas de rire. Tu ne restes pas debout devant la penderie pendant des heures sans savoir quoi mettre. Tu n'as pas honte de ce que tu es. Ton corps, ton odeur, tes idées, ton sens de l'humour. Tes désirs. Tu parles la bouche pleine et écartes les jambes dans le bus. Tu regardes ce qu'il te plaît et si l'on t'y surprend tu ne détournes pas les yeux. Tu touches ce qui semble agréable. Tu cries quand tu es en colère. Tu frappes. Tu enlèves ton t-shirt s'il fait chaud. Tu n'es pas pudique. Tu n'es pas une salope.
C'est toi qui regardes.
C'est toi qui décides.
Ce que tu aimes, ce que tu méprises. Les autres font avec. Tu ne t'observes pas à travers leurs yeux. Tu ne cherches pas à savoir ce qu'ils pensent. Tu ne cherches pas à plaire. Tu ne rêves pas qu'on t'écrive un poème pour te redécouvrir.
Tu ne connais pas ces choses-là.
Ça me rend tellement malade que j'aimerais t'attraper,
te crever les yeux.
Mais même quand je t'attrape
et te crève les yeux
(dans mon rêve)
et te dis toutes ces choses,
tu n'entends rien
tu gémis
le son de ta voix couvre le mien
et la douleur t'empêche de penser
tu saignes et te débats et hurles
et je suis la méchante ;
tu sais, même sans tes yeux
c'est toujours toi qui regardes
et moi qui suis regardée.
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