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Sous l’effet du choc, je m’arrête instantanément et je tente d’assimiler cette information aussi vite que mon cerveau le permet. Faire le lien du mieux que je le peux… Tout se bouscule dans ma tête.
- … tu peux répéter ? dis-je tout en me retournant.
- Stacy est ma sœur !
Malgré la distance qui nous sépare, je peux lire une profonde sincérité émaner de son regard. Connor semble vraiment honnête. Telle une évidence, tout me revient en mémoire. Un subtil « oh » se dessine sur mes lèvres, lui indiquant que je me sens soudainement très stupide. Personne ne m’a clairement fait par du lien qui les unit. C’est à force de déductions que je suis arrivée toute seule à la conclusion qu’ils étaient sortis ensemble et qu’une forme de jalousie s’était installée entre Stacy et moi.
- Abby, je pensais que tu savais… tente-t-il de se justifier.
Je me rapproche lentement de lui.
- Non… Mais, maintenant que tu en parles, ça peut rationnellement expliquer son comportement.
Un sourire en coin s’étire sur mon visage. Connor, quant à lui, semble soulagé. Ses traits sont plus détendus.
- Tu sais, commence-t-il avec un instant d’hésitation, elle me connaît par cœur. Ok, parfois il lui arrive de raconter de la merde. Mais je suis le premier à reconnaître qu’elle n’a pas toujours tort.
Qu’entend-il par là ? De toute évidence, il me manque un bout du puzzle. À ce stade, je décide d’éclaircir un peu plus la situation.
- Tu peux m’expliquer ce que voulait dire Olivia ? Elle a dit que Stacy en avait bavé l’année passée.
- C’est assez compliqué, élude-t-il.
Il m’emmène plus loin et nous passons un long moment à discuter. Il me confie avoir vécu par le passé une relation néfaste pendant quelques mois. La fille est finalement partie brutalement, emportant avec elle les miettes de son cœur, ce qui a poussé son entourage à le surprotéger et à veiller sur lui. Maintenant, je comprends mieux les réactions de Stacy. Elle ne se méfie pas de lui. Il est évident qu’elle protège son frère.
Dans la foulée des confidences, je décide courageusement de me livrer un peu plus à lui. Si je veux avoir la chance de garder sa confiance, il est important que je lui cède une part de moi. Il est vrai que parfois je peux paraître froide ou marquer la distance avec certaines personnes. C’est même ce qui m’a souvent empêchée de nouer des liens solides avec les gens.
- Pour une personne dont les pommettes rougissent aussi joliment, je ne te trouve pas froide.
Connor est tellement attendrissant. Je me noie dans ses paroles si paisibles et néanmoins arrosées d’un soupçon d’humour. J’aimerais qu’il connaisse celle que j’étais auparavant. Une Abby pétillante et heureuse, pleine de joie de vivre. Je sais que les choses redeviendront telles qu’elles l’étaient à l’époque. Il me faut seulement un peu plus de temps…
Quand je me décide à lui confier le vide qu’a engendré la disparition de mon père, il n’hésite pas à me prendre dans ses bras réconfortants. J’ai besoin d’affection. De sonaffection. Meg est admirable. Elle se comporte comme une véritable amie, prête à m’épauler en de nombreuses occasions, mais cela fait plusieurs jours qu’elle évite toute conversation profonde avec moi. Je sais que je n’ai aucune raison de lui en vouloir. Les raisons de sa fuite sont évidentes. Elle doit se sentir dépassée depuis que je lui ai fait part de mes derniers rêves.
Déjà lorsque nous étions plus jeunes, elle ne se sentait pas à l’aise avec les cauchemars qui me submergeaient. Meg préfère largement baigner dans un monde de gentillesse et de gaieté plutôt que d’être confrontée à des aspects trop sombres ou trop effrayants de la réalité. M’accompagner dans le processus de deuil a déjà dû beaucoup lui coûter. Il est hors de question que je lui impose une charge émotionnelle supplémentaire qu’elle ne saurait gérer.
Submergée par mes émotions, je fonds en larmes, blottie contre le corps de Connor. Il n’ajoute rien et se contente de m’enlacer tendrement, avec compassion.
- Je sais ce que ça fait de perdre quelqu’un, Abby…
Il me serre un peu plus contre lui et il s’écoule un long moment avant que mes hoquets ne s’apaisent. C’est fou comme cette fin d’après-midi a pris une tournure étrange. Un instant je tente de le fuir, le prenant pour le plus horrible des monstres, et l’instant d’après je me retrouve en totale confiance dans ses bras comme si nous nous connaissions depuis toujours.
Courageusement, je me décide enfin à lui parler de ce qui perturbe tant mes nuits et de la thérapie que, selon ma mère, je dois entreprendre. Le moment est propice aux confidences. J’espère juste ne pas trop en dire au risque de le faire fuir. J’évite de ce fait de trop en dire sur Matt et m’attarde plus sur l’atmosphère générale de mes songes.
Connor s’avère très compréhensif. Je sens pour la première fois depuis longtemps que quelqu’un est capable de me comprendre et de m’accepter tout entière, sans craintes de ce que je pourrais devenir. Contre toute attente, il se propose même de rester présent à mes côtés tout au long de ma démarche, que ce soit en tant qu’ami, ou peut-être un peu plus.
En ouvrant la porte du studio, la scène à laquelle nous assistons est tellement surprenante que nous éclatons de rire. Ethan se laisse tomber par terre et Meg se redresse brusquement sur son lit.
- Ben bravo ! balance Connor en flattant son ami d’une tape dans le dos.
Les joues d’Ethan prennent feu. Il embrasse rapidement Meg, me salue d’un geste timide et réunit ses affaires avant de se diriger vers la sortie.
Connor le freine dans son élan.
- Eh, ça ne vous tenterait pas qu’on aille se manger un truc tous les quatre ? Y’a un concert au Music Café.
L’idée détend tout de suite l’atmosphère. Il propose aux tourtereaux de se remettre de leurs émotions avant de nous rejoindre devant le bâtiment.
En les attendant, Connor et moi prenons le temps de discuter un peu plus intimement de nos passions et de nos souhaits. Très vite, nous prenons conscience que nous sommes tous les deux bien plus sensibles que nous ne voulons le montrer en société.
Connor est un grand rêveur idéaliste. Dans une autre vie, il aurait aimé voyager dans l’infini de l’espace, ce qui n’est pas sans me rappeler de nombreux livres et films de science-fiction que j’affectionne particulièrement.
Nous passons tous les quatre une agréable soirée. Pendant notre repas, des notes rythmées accompagnent notre pizza. Un groupe de jazz constitué d’élèves entraîne le public avec des reprises de Glenn Miller. Entre nous, le malaise laisse bientôt place aux plaisanteries et à la complicité. J’ai beaucoup d’affection pour ces deux hommes qui sont entrés dans nos vies il y a peu. Ils semblent très proches l’un de l’autre, autant qu’on peut l’être, Meg et moi.
Pour la première fois depuis longtemps, je passe réellement une bonne soirée. Je suis même surprise d’entendre de nouveau le son de ma voix lorsque je m’esclaffe, ce qui réjouit Connor. Les événements commencent vraiment à prendre une tournure plus heureuse, et ce n’est pas pour me déplaire.
Sur le trajet du retour, nous marchons tranquillement derrière le nouveau couple du campus. La tête de Meg sur son épaule, Ethan semble être sur un petit nuage.
- Il n’a encore jamais eu de relation sérieuse, tu le savais ? me demande Connor.
Je réponds en hochant de la tête.
- C’est ce que j’ai cru comprendre. Meg n’a pas eu trop de chance non plus. J’ai l’impression qu’ils se complètent bien. Ça me fait plaisir pour lui. Pour eux…
Attendri par ma remarque, Connor me lance un regard doux et séducteur dont lui seul a le secret.
- Tout le monde a le droit au bonheur, Abby. Même nous… ajoute-t-il en prenant tendrement ma main dans la sienne.
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