Je m'appelle Igmar Azurlosse, j'habite l’alvéole 2347-B-5 du mur n°15, au nord-ouest de la paroi n°977. Je suis au 364ème étage.

Mon alvéole, de trois mètres sur quatre, est bien adaptée pour un jeune célibataire, mais je trouve que c'est un peu exigu quand même. Alors la semaine dernière, j'ai pris le risque de déposer une demande de mutation auprès des services du Grand Régulateur. Si j'ai de la chance, ils pourraient décider de m'attribuer une méga-alvéole de neuf mètres sur sept qui sera en-dessous du 150 ème niveau. Je m'accroche à cet espoir de toutes mes forces.

D'après le dernier recensement, nous sommes un peu plus de 103 milliards d’individus sur la Terre. La situation devient extrêmement inquiétante. La place manque à un point que personne n'avait imaginé.

Il y a deux ans, sans nous demander notre avis, ils ont fait construire ces infrastructures gigantesques de plusieurs dizaines de mètres de hauteur. Elles sont constituées d'immenses murs de béton, d'acier et de plastique qui se chevauchent horizontalement et verticalement et sont percés d'une multitude d'alvéoles.

Ils ont décrété que ces habitations ultra-modernes et fonctionnelles seraient parfaites pour nous. Ils ont dit aussi que la seule solution était d'aller dans le sens du progrès.

Les plus riches, les privilégiés et les pistonnés occupent les dix premiers niveaux de ces ensembles. Ils peuvent encore toucher la terre avec leurs mains et acheter à prix d'or les rares légumes qui existent encore. Mais nous, "les innombrables", nous sommes logés plus haut, beaucoup, beaucoup plus haut, dans une atmosphère chimique et aseptisée qui n'a plus rien d'humain.

Je m'appelle Igmar Azurlosse, j'habite l’alvéole 2347-B-5 du mur n°15 et souvent la nuit je n'arrive pas à dormir car je suis trop angoissé.