Les directives étaient limpides : faire cesser ces messages, sans pour autant nuire à l’image de protecteur de l’Ange, avec fermeté définitive, mais sans prêter le flanc aux critiques de la censure ou de la brutalité. « Autrement dit, démerdez-vous ! », comme le résuma habilement le commissaire Bougrel.

La fameuse PISE, la police des mœurs et de la morale, le MI6 et l’Association des policiers retraités bénévoles se réunirent, estimant inutile de perdre du temps à se faire la guerre. Le déplacement de la troupe dans un endroit moins plaisant, voire même dénué de charmes, plus une délégation de force menée par des hommes, des vrais, testostéronés et bodybuildés devraient remettre ces petits cons dans le droit chemin.

La psychologie des forces de police, même soutenue par des LIA montraient toujours des faiblesses. Les quatre lascars en avaient marre de se faire rôtir la couenne au fort de B. Leurs parents, associés, sous-traitants et bénévoles n’étaient pas considérés comme pouvant exprimer un avis. Le déménagement au fin fond du plateau de Millevaches fut considéré comme une faveur. Les remontrances viriles furent écoutées avec ce dédain des conseils propre à la jeunesse. Seule Matou tomba sous le charme de leur commandant, ce qui désorganisa la mission, jusqu’à ce qu’il revienne en se rhabillant.

L’affaire était terminée et les félicitations de mise.

La troupe reprit ses tournées, déclenchant la même hystérie et les mêmes conséquences en nombre de morts et de blessés. Les messages restaient en l’air, sans effleurer ces foules, contrairement aux oreilles inamicales qui travaillaient pour les puissances occultes, toujours et encore irritées.

Une série d’attentats terroristes, soigneusement ratés, contre la PAV, lui firent comprendre que de vraies décisions devaient être prises.

Par un bienheureux hasard, l’Agence d’Optimisation des Déplacements et des Énergies, organisme indépendant visant la préservation des ressources, supprima juste à ce moment-là les autorisations de circulation de l’Ange et des deux cent trente-deux personnes de sa troupe. Pas de chance, d’autant que la motivation restait absconse : « déplacements sans intérêt ». Il en fallait plus pour décourager la jeunesse militante. Les réseaux sociaux relayèrent les discours et les freins mis pour empêcher les fidèles de rencontrer l’Envoyé.

Des regroupements spontanés se firent, selon les recommandations de lieu et d’heure indiquées par Suzon et son chargé de communication. Ces réunions se transformèrent en manifestations, puis en émeutes. Les nombres de morts et de blessés dépassèrent la normale, pourtant révisée annuellement à la hausse depuis l’apparition de l’Ange.

Par malchance, le réseau tomba en panne sur le plateau. Rien que de bien normal, puisque cela arrivait régulièrement depuis la plantation du premier poteau télégraphique, il y a si longtemps. La région était déserte depuis au moins aussi longtemps, hormis quelques fous et quelques illuminés, peu intéressés par la communication avec leurs semblables.

La fougue ne reculant devant rien, la petite troupe partit à pied, vers des cieux plus cléments et plus adaptés à la transmission des messages.

Après trois jours de marche et autant de coups de pied au cul d’Uriel qui ne comprenait pas ce besoin de s’agiter, la petite troupe arriva à Limoges, un sacré port de mer, il faut le reconnaitre !

Uriel fut costumé et ils défilèrent lentement au sein de la vieille cité, agrégeant tous ses habitants, habitués de longue date aux carnavals.

Cette réapparition miraculeuse fit le tour de la Terre et Limoges fut déclarée ville sacrée. Toute la province sembla se déverser dans l’humble ville manufacturière. Le nombre de morts grimpa, la vente de médailles grimpa, tout allait bien. Décidément, le pouvoir était dépassé.