— Merde ! Qu’est-ce qui se passe ?

À peine j’avais remis mon casque d’écriture virtuelle que tout m’a sauté à la gueule.

Franchement, je n’avais pas besoin de ça ! Je regardais mon casque et hurlais :

— Jérémie !

Mon bambin de quatre ans me regardait avec ses grands yeux, sentant bien mon courroux, mais incapable de comprendre. Il touchait à tout et avait complètement déréglé mon casque. Dire que j’avais payé des milliers de néo-euroubles pour avoir un faux certificat progestatif et ce petit merdeux venait de me ruiner !

J’avais signé pour cinq saisons, soixante épisodes, jusqu’à la mort de l’Ange, nonagénaire et gâteux. Il fallait aborder les questions de société et notamment le gâtisme, qui restait notre principal fléau, les autres ayant été éradiqués.

Je n’eus pas le temps de réfléchir. C’était en direct et ça se voyait !

— Mon petit Jérôme, qu’est-ce qui se passe ?

Rien qu’à la fausse douceur de sa voix, je cherchais mes bouchons d’oreilles, ça allait chauffer.

Rien du tout, Monsieur Wissenberg. Une fausse manœuvre !

(juron, juron, juron… Cinq minutes d’engueulades … juron, juron, juron)

Il était épuisé. Heureusement pour moi. Malgré les bouchons, mes oreilles bourdonnaient encore.

— Ce n’est rien ! Je vais le ressusciter !

— N’importe quoi !

— Mais ça s’est beaucoup fait, avec des héros récurrents dont l’auteur avait marre. Il le fait mourir, mais les lecteurs veulent qu’il revienne.

— Il faut avoir de l’imagination !

— Mais je suis un bon écrivain !

— Mouais ! Tu sais parfaitement que si tu n’étais pas le petit neveu du directeur, tu n’aurais jamais eu le job !

— He ! j’ai gagné le concours !

— Arrangé pour toi ! De toute façon, vu ce qui vient de se passer, c’est fini pour toi.

— Comment ça ?

— Ton espace virtuel réel n’existe plus ! Tu as remarqué ? Boum !

— Attendez ! On peut en créer un autre !

— Désolé. Il n’y a plus de PAV, d’Ange, pfft !

— Mais j’avais un intéressement sur les médailles vendues ! J’ai tout fait pour qu’ils gagnent tous du pognon !

— Bon, tu m’agaces. Ta réalité n’existe plus, et comme tu en faisais partie, tu n’existes plus non plus. Ce dialogue n’existe même pas !

Tchao !