Je sens encore le goût métallique, pourtant ça fait un moment que ma bouche a arrêté de saigner. Je ne sais pas depuis quand je marche au travers de ce champ infini mais je l’entends encore me répéter de continuer d’avancer.

 - Tu vas voir, me disait-il, continue d’avancer et tu verras.

Mais à part ces fichues blés je ne vois rien d’autre. Je sais que c’est quelque part, caché au milieu de ces brins blonds que la porte sur l’Autre Monde est là, à attendre que je passe à travers, que je tombe dedans comme la dernière fois.

« Un Monstre » « Une erreur de la Nature » « Radiée ! » « Dégage ! » « Va mourir ! » « Tueuse ! » « Assassin ! »

Je n’y fais pas attention, j’ai l’habitude même si le sentiment m’est étrange. Je ne devrais pas les entendre ici.

Non, ici c’est les Terres libres. C’est le Passage. Un endroit de paix que celui qu’on nomme le Rêveur ou le Créateur de Mondes a construit avant qu’on puisse accéder à l’Assemblée.

Je m’arrête. Les voix ont disparu et le silence s’installe. Je déploie mon ouïe. Non. Rien. Il n’y a rien ici, je suis seule.

Puis dans le coin de mon regard je l’apperçoit.

Will.

Il se tient debout face à moi.

 - Will !

Je sourie. Comment je pourrais m’en empêcher ? Il est venu à moi, il est revenu. Je marche dans sa direction avant qu’il ne disparaisse.

 - Will ?

Je l’aperçois derrière moi, bien plus proche.

Il y a quelque chose qui cloche. Je ne sens pas sa présence. Je n'entends pas ses battements de cœur. Je ne le sens pas.

 - Will ?

Il baisse son regard vers mes mains, ce que je fais à mon tour. Je les lève vers moi. Elles sont imprégnées de sang et le liquide descend maintenant le long de mes bras.

 - Tueuse. Tueuse, me répète-t-il.

Je relève les yeux pour le voir désormais devant moi. Ses yeux sont plongés dans une aura noire qui se propage doucement sur son visage.

 - Tu n’es pas Will.

Il me sourit et son sourire s'étend jusqu'à ses oreilles.

 - L’Aube…

 - Meure !

Ses mains s’emparent de mon cou et j’ouvre les yeux.

Le lit est imbibé de ma sueur.

Un rêve… Juste un rêve.

 - Idiote, j’échappe toute seule de la petite pièce sombre.

Tu ne peux pas y accéder. Ils t’ont radiée, ils t’ont bloquée l’accès. Tu ne fais plus partie de la race.

Will… Je n'ai plus accès à toi.