Balade nocturne
Manelle s’élance ; graciles et légers, ses pas foulent les trottoirs humides des dernières averses diurnes. Papillon noctambule, son corps fluet déambule du crépuscule à l’aube orange.
Le faisceau des réverbères révèle l’ombre de sa silhouette, vestige fugace, sillage périssable.
Aux heures où d’autres dorment d’un sommeil placide, la marcheuse se glisse dans les coulisses de la ville assoupie. Dans ces lieux singuliers, arcades, passerelles et ruelles secrètes se transforment en scènes de théâtre.
Sous le Pont Rialto enfin libéré de ses hordes de touristes, l’onde apaisée de la lagune fredonne ses chants de clapotis nocturnes.
Au bord du Grand Canal, les façades enluminées des palais dessinent les reflets étranges de leurs reliefs sur les pavés luisants. Amarrées au quai, des gondoles soupirent de solitude.
Manelle progresse, sinue au sein d’un labyrinthe de venelles désertes, de passages étroits cernés de murs de pierres antiques et de canaux ténébreux. À sa droite, parée de mosaïques et coiffée de dômes, la basilique Saint-Marc s’impose au cœur de la cité des doges. Majestueuse, la place endormie reprend conscience un instant au son des coups sonnés depuis le balcon de la tour de l’Horloge.
La nuit, Venise redevient ville mystère où s’égarent les âmes somnambules.
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