Psychose

2 minutes de lecture

Aux proches de mon ami Pierrot, leur regard porté sur lui pourrait changer après avoir lu la révélation suivante ; mais tant pis, je prends le risque.

Depuis tout petit, Pierrot reste convaincu que, à l’image des humains, les objets, les végétaux, la nourriture, éprouvent des sentiments.
Par exemple, chaque soir après l’avoir refermé, il s’en veut d’abandonner son roman sur la table de chevet. Alors, pour se rassurer, il imagine que les personnages de l’histoire se réunissent afin de discuter ensemble. Sa femme lui dit que leurs bavardages incessants sont responsables de ses insomnies. Elle adore le taquiner…

Au moment de prendre un pull-over dans son armoire, Pierrot craint la jalousie des chandails et autres tricots de laine, contraints de patienter avant d’affronter la froidure de l’hiver.

Mettre ses vêtements dans la machine à laver relève d’un cas de conscience. Et si ses chemises de tous les jours se vengeaient de celles qu’il choisit de porter pour les grandes occasions ?

Dimanche dernier, alors qu’il bricolait, son fils est venu le prévenir qu’un bataillon de chaussettes s’entre-déchiraient dans le sèche-linge. Ce garçon a le goût de la plaisanterie…

Un jour où une tempête sévissait dans la région, Pierrot a fait part de ses craintes à son voisin. Si les branches des arbres de son jardin ploient sous le souffle du vent violent, elles doivent connaître des douleurs terribles. Le voisin a éclaté de rire puis lui a lancé : abats-les tes arbres, ils arrêteront de morfler et toi tu nous les briseras plus avec tes conneries ! Cet homme est délicat…

Lorsqu’un manifestant lance un pavé sur les forces de l’ordre, mon ami se demande toujours qui du pavé ou du policier souffre le plus. Son voisin étant flic, il devient facile de deviner où va sa préférence.

S’il lui arrive de se cogner contre son fauteuil, Pierrot lui présente ses excuses puis le caresse pour apaiser son stress. Quand il a raconté ça à son frère Jacques, celui-ci a répondu qu’il ne pourra plus jamais péter dans le sien sans penser aux désagréments causés. Jacques est un poète…

Voilà ce qu’il lui en coûte de confier aux uns et aux autres ses manies et délires, chacun les tourne en dérision ou se moque ouvertement de mon meilleur ami.
Dans le fond, il a bien conscience de l’absurdité de ses croyances, mais il ne peut s’en empêcher. Sans doute est-ce dû à l’imagination fertile du gamin fantasque encore vivant en lui.

Alors, sur l’insistance de son entourage soucieux de sa santé mentale, il a fini par consulter. Après l’avoir écouté longuement en hochant la tête de haut en bas, le médecin lui a annoncé que sur l’échelle de gravité des psychoses, Pierrot se situait tout en bas.
Mais pourquoi vouloir placer mon pauvre Pierrot sur une échelle, lui qui jamais n’a osé grimper sur la sienne de peur de blesser ses barreaux ?

Annotations

Vous aimez lire Mac Aroni ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0