Une vie en photos

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Il pleut sans discontinuer depuis la veille au soir. Philippe et Mireille avaient prévu de faire les courses pour la semaine, mais ont finalement renoncé ; ce n’est vraiment pas un temps à mettre le pied dehors. Tant pis, en attendant que la météo redevienne clémente, ils se contenteront des fonds de placard et de quelques plats surgelés.

Voilà longtemps déjà que Mireille songe à ressortir les vieux albums photos. Le moment est idéal. Après un Monopoly animé ce matin et deux parties de Scrabble aux scores serrés en début d’après-midi, une petite séance souvenirs avant le dîner lui semble une bonne idée. Philippe ne s’y oppose pas, après tout, ça ou autre chose, il s’en fiche.

Mireille ouvre la grande armoire, grimpe sur le marchepied et du regard organise une sélection. Après trois allers-retours entre le bureau et le salon, la table basse est à présent recouverte d’une quinzaine d’albums étiquetés de l’année de leur création.

— Regarde, Philippe, comme nous étions beaux le jour de notre mariage, et si jeunes ! s’exclame-t-elle en pointant son index sur plusieurs clichés.

— C’est sûr, cinquante ans en arrière, on avait le teint frais, répond son mari, un brin taquin.

— Tu te souviens, à cette époque c’était plusieurs fois par jour, n’importe où et à la moindre occasion.

— Eh oui, et pas qu’à cette époque, dès qu’on s’est connus, on partait au quart de tour, c’était plus fort que nous !

— Et ces photos-là, c’était en août 1973, durant les vacances à La Baule. Les enfants étaient si petits encore. Cet été-là, je me souviens, nous n’arrêtions pas toi et moi.

— Ah c’est vrai ça, je m’en rappelle très bien. Si c’était pas toi qui me cherchais, c’était moi.

— Euh… oui, mais c’était surtout toi, et tu me trouvais à chaque fois. En tout cas, on faisait attention à ce que les enfants ne nous entendent pas, hein chéri ? Nous étions particulièrement prudents.

— Faut reconnaître qu’on a toujours été vigilants, on a su préserver les chastes oreilles de nos gamins.

Mireille ferme un album, en ouvre un autre. Commentaires, remarques et regards complices continuent de s’échanger.

— Ici, nous sommes en 2011, juste avant Noël. Nous venions de prendre notre retraite. On se retrouve en tête à tête. Rien que toi et moi. Et nous remettons ça de plus belle, après quelques années plus… disons un peu plus calmes, soupire Mireille, nostalgique.

— Hmm… alors juste un p’tit peu, parce que je me souviens qu’avant cette période, quand ça nous titillait, on se privait pas. Surtout les mois qui ont suivi le départ des enfants de la maison. Là ça y allait !

— Et je constate qu’aujourd’hui c’est encore le cas, on ne change pas une équipe qui gagne, comme on dit, même si ça nous arrive moins souvent. Avec les années on s’est assagis, c’est normal, mon Fifi.

— C’est très juste, Mimi, le temps a finalement eu raison de notre fougue. Ben tu vois, on peut dire que la pluie a bien fait de s’inviter ce week-end, elle nous aura permis de faire un p’tit bilan et de nous rendre compte qu’à chaque étape de notre vie de couple, on n’a jamais raté une seule occasion de nous engueuler !

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