Chapitre 5 - Liam
15.01.21
Wymountain school, LONDON – 11:36 am.
— Laissez-moi parler, je suis le meilleur de nous pour convaincre les gens, lancé-je avec un clin d'œil en direction de mes amis derrière moi.
Luna lève les yeux en l'air. Elle n'a pas fini de me faire la gueule. En même temps, j'ai un peu forcé pour que ce soit chez elle que se déroule la fête. Mais est-ce que j'y peux quelque chose si parmi nous quatre, elle est là seule à posséder une pisicne couverte ?
Nous traversons le couloir du rez-de-chaussée, à la poursuite des jumeaux. Il me semble qu'ils se sont rendus... Ah les voilà. Je les aperçois, assis à une table, des cahiers ouverts devant eux. Enfin, la fille a le nez dans ses bouquins. Son frère se contente de la regarder travailler, se balançant sur deux pieds de la chaise. Il ne manque plus que les pieds sur la table et on jurerait me voir à sa place. Cette remarque me tire un sourire. Tiens, je n'avais pas remarqué qu'Arthur les accompagnait.
— Qu'est-ce qu'on fait là, grommelle Luna tout bas.
Elle n'a pas l'habitude de venir ici. Cette salle est réservée à ceux qui veulent travailler en paix. Aussi grande qu'une salle de classe, il y a pas mal d'élèves qui étudient. Ceux qui doivent redoubler d'efforts pour avoir des notes tout juste correctes.
Je m'approche en direction du trio qui ne m'a pas encore remarqué.
— Salut !
Les jumeaux relèvent la tête de consert. Arthur préfère se tasser sur sa chaise et rentre la tête dans ses épaules.
— Euh... salut, bredouille Oscar.
Il fronce les sourcils lorsqu'il voit mes amis derrière moi. Calmos, nous venons en paix. Je tire à moi un siège de la table d'à côté sans me soucier des regards qu'on me jette, et m’assois à califourchon.
— Vous faites quoi ?
— On bosse. Ça se voit pas ?
Toujours aussi agressif. C'est qu'il mordrait presque, le lionceau. Je me tourne vers mes amis. Je vais avoir besoin d'aide. Aussitôt, Luna vient à ma rescousse.
— J'adore ta coupe de cheveux, Sarah ! Le carré te va tellement bien.
La jumelle s'empourpre sous le compliment de mon amie, touchée.
— Merci, bredouille-t-elle.
Luna lui renvoie un sourire étincelant.
— Tu es sur quoi ? demande-t-elle.
— De la physique. J'aime pas cette matière.
— Je te comprends, moi aussi j'ai du mal.
Faux. Mais bon, ce n'est pas grave.
— Je préfère les matières littéraires.
— C'est vrai ? Moi aussi !
Luna tire une chaise et se place à ses côtés, forçant gentiment Arthur à se décaler. Ce qu'il fait, bien entendu. Elle adopte sa posture préférée lorsqu'elle veut séduire les autres : jambes croisées, penchée légèrement vers son interlocuteur, les yeux grands ouverts, attentive. Je peux la regarder faire toute la journée.
— Luna est très douée, elle manie les mots comme personne, appuie Chloe.
Je lui jette un regard et étouffe un petit rire. Elle s'était penchée sur la table, dévoilant sa poitrine généreuse. Manque de chance, Oscar n'en avait cure.
— Je t'ai déjà dit que je voulais devenir journaliste de renommée mondiale ? Ou bien avocate, je ne sais pas encore. Et toi ?
Sarah est complètement subjuguée. Elle se redresse inconsciemment.
— Je ne sais pas encore, rougit-elle.
— Ne t'en fais pas, tu as encore le temps, la rassure Chloe.
Je décide d'intervenir.
— Vous avez l'air d'être hyper sympa !
— Merci... ?
Oscar est sur ses gardes, je le vois bien. Je me tourne vers Luna. Ma meilleure amie me comprend aussitôt. Elle inspire un grand coup – elle veut montrer son mécontentement – avant de prendre la parole.
— Hé, mais j'organise une petite fête chez moi, demain. Ça vous dirait de venir ?
— Mais c'est une idée géniale ! m'exclamé-je, ravi.
Oscar regarde Sarah. Sarah regarde Oscar.
— Je sais pas trop... commence Oscar, perdu.
Enfoncer le clou.
— Ça sera l'occasion de faire plus ample connaissance. Et puis, ça vous permettra de sortir un peu et de voir autre chose que la formule du mercure et celle de l'eau. Allez !
Oscar se mord la lèvre.
— Pourquoi pas ?
Sarah s'adresse en réalité plus à son frère qu'à nous. C'est bien ce que je pensais. Si la sœur accepte, le frère suivra.
— Et bien sûr, Arthur est aussi invité ! enchaîne Luna en souriant au brun.
— Ça sera cool, Luna a une piscine d'intérieur, on pourra se baigner sans se soucier de la météo.
Tobias y met du sien. Tant mieux.
— Il y aura de l'alcool ? demande soudain Oscar.
Luna éclate d'un rire léger.
— Bien évidemment, mon chou. Vous n'avez pas l'habitude de faire des soirées, ça se voit. Je suppose que ça devait être assez... limité dans votre ancien lycée.
Piqué au vif, Oscar se redresse.
— Qu'est-ce tu en sais, d'abord ?
— Il suffira de ne pas boire si on ne veut pas, Oscar, dit tout bas Sarah.
— J'adorerais que tu viennes, soufflé-je à Oscar.
Il me fixe et je m'aperçois pour la première fois que ses yeux sont très foncés, presque noirs.
— D'accord, on viendra. Merci, ajoute-t-il après un instant comme s'il se souvenait qu'il avait été invité.
Luna se lève, joyeuse.
— Impeccable ! Alors n'oubliez pas d'emmener votre maillot de bain. Ça sera un après-midi d'enfer, vous verrez.
— Merci, lancé-je à Oscar avant de quitter mon siège. On ne va pas vous embêter plus longtemps, on vous laisse travailler. À samedi.
— À demain, me répond poliment Sarah, un sourire aux lèvres.
Une fois sortis de la salle, Luna reprend son masque amer.
— Content ?
— Absolument.
Je dépose un baiser sur sa joue. Ses traits se détendent légèrement.
— Qu'est-ce que je ne ferais pas pour vous...
— Oh arrête ! Comme si l'idée de t'amuser te rebutait au plus au point, lance Tobias, narquois.
Nous éclatons de rire devant la grimace mi-figue, mi-raisin de notre amie. Nous nous éloignons, les filles bras-dessus bras-dessous devant nous, déjà en train de prévoir leur tenue de samedi. J'ai moi aussi hâte d'y être. Mais pas pour les mêmes raisons qu'elles.
XXX
15.01.21
24 Paradise Street, Quartier de Southwark, LONDON – 07:48 pm.
— Chéri, le repas est prêt !
— J'arrive, maman.
Je verrouille mon téléphone, l'enfouis dans la poche de mon short et quitte mon lit. En descendant les escaliers, j'entends la voix de mes parents dans la salle à manger. Je traverse le salon et les rejoints dans la pièce.
Je m'installe en silence à ma place, à la droite de mon père. Ma mère est en face de moi, mon paternel en bout de table. À en juger par son costume, il vient tout juste de rentrer à la maison. Ma mère, elle, ne s'est pas encore changée et porte toujours sa petite robe noire.
— Tu veux de la salade ? me demande-t-elle en suspendant son geste au-dessus de mon assiette.
— Bien sûr.
— Comment s'est passée ta journée ?
Je hausse les épaules.
— Comme d'habitude, la routine.
— Tu as fait la connaissance de ces boursiers qui ont été admis au lycée ? me demande alors mon père de sa voix grave.
Je le regarde pour la première fois de la soirée. Ses yeux gris sont rivés sur moi.
— On a déjà eu l'occasion de parler. Luna organise une fête chez elle samedi, et ils sont invités.
— Ah oui ? s'exclame ma mère. Connaissant Luna, je n'aurais pas imaginé ça d'elle.
Je réitère une nouvelle fois mon geste. Je ne veux pas leur avouer que je suis derrière tout ça.
— Ça sera quel genre de fête ? s'enquit mon père.
Je le regarde étonné de sa question.
— Je ne sais pas, une fête normale, comme Luna a l'habitude d'en faire. Pourquoi tu me demandes ?
J'attends que mon père finisse sa gorgée de vin. Je ne comprends pas où il veut en venir.
— Vous serez nombreux ?
Je fronce les sourcils, de plus en plus étonné.
— J'en sais rien !
— Et des garçons ?
Je pose ma fourchette, comprenant enfin ce qu'il cherche à savoir.
— Je sais que tu es sorti, dimanche soir. Et je sais où.
— Et alors ?
Les muscles de sa mâchoire se contractent sous sa peau impeccablement rasée.
— Tu sais ce que je t'ai déjà dit, Liam... Quand est-ce que tu finiras par comprendre que tes actes peuvent se retourner contre ta mère et moi ?
— Pardon ? Qu'est-ce que tu insinues ? Je te signale que tu es intouchable. Et puis, ce que je fais de mon cul ne vous regarde pas.
Le visage de mon père vire au rouge, signe qu'il commence à s'emporter.
— Baisse d'un ton quand tu t'adresses à moi, Je suis ton père, pas un de tes vulgaires...
— Un de mes quoi ? explosé-je à mon tour. Dis-le, vas-y.
— Philipp, ça suffit, intervient ma mère en lui lançant un regard noir.
— Ton fils doit prendre conscience de ses actes, Elizabeth. Quand est-ce que tu vas arrêter de le protéger ?
Ma mère pose son verre qui résonne sourdement sur la table.
— Je ne le protège pas, Philipp. Et cesse de te cacher derrière de fausses excuses. Vas-tu un jour finir par l'accepter ?
Je souffle avant d'avaler une bouchée de ma salade. Il ne se passe pas une semaine sans que mon père revienne à la charge. J'y suis habitué maintenant et je suis devenu imperméable à ses remarques incessantes.
— Je l'accepte suffisamment. La preuve, il se permet beaucoup de choses.
Mes lèvres s'étirent en un rictus moqueur. Ma mère prenant ma défense, je décide de lâcher la bombe qui me démange depuis tout ce temps.
— T'as raison, papa, je me permets beaucoup de choses. Mais que veux-tu, j'adore qu'on me baise le cul.
Je ne comprends ce qu'il m'arrive qu'au moment où je ressens une vive douleur sur ma joue droite. Je porte ma main au visage, effaré.
— Philipp ! s'écrie ma mère, abasourdie.
— Je ne le répéterai pas : ne me manque pas de respect.
Encore sous le choc, je ne réagis pas. Je me contente de regarder mon géniteur, des éclairs dans les yeux.
Il se lève sans un mot et quitte la table, nous laissant seuls, ma mère et moi. Elle s'approche alors et prend mon visage entre ses mains.
— Ça va, mon chéri ? Ce n'est pas croyable, il ne sait pas se contrôler. Il faut que tu cesses de le provoquer ainsi, tu sais très bien comment tout cela se finit.
Bien entendu, c'est toujours de ma faute !
Je me dégage de son emprise.
— C'est bon, maman. Comme tu dis, j'ai l'habitude. J'y peux rien si papa ne veut pas l'admettre. Je suis comme je suis, un point c'est tout.
Je me lève et repousse les mains de ma mère avant de m'enfuir dans ma chambre. C'est toujours pareil, on ne peut pas passer une soirée normale lorsqu’il est à la maison. Mais cette fois-ci, il a dépassé les bornes en me frappant. De rage, Je claque la porte derrière moi avant de tomber à la renverse sur mon lit. S'il croit que je vais m'empêcher de vivre pour lui, il se fourre le doigt dans l'œil jusqu'à l'anus ! Ça lui fera peut-être du bien.
Une idée me vient en tête et je me redresse brusquement. Je me mets à sourire. Je me dirige vers mon armoire, enfile des vêtements légers malgré le froid mordant de l'hiver, prend une grosse doudoune pour me protéger tout de même, saisis mon téléphone et sort de ma chambre. Il est temps pour la vulgaire pédale d'aller s'amuser un peu.
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