Chapitre 13 - Liam
25.01.22
Wymountain school, LONDON – 9:23 am.
— Si tu parles de samedi soir, je te tue !
Je ne peux pas m'empêcher de sourire en m'approchant de mes amis. Luna me regarde sévèrement et ses yeux me menacent clairement. En plus de l'uniforme obligatoire, elle a passé un serre-terre en tissu aux couleurs du lycée dans ses cheveux de sorte qu'ils lui dégagent le visage, comme pour me montrer davantage qu'elle était prête à en découdre. Moi-même, j'avais noué un foulard autour de mon cou pour apporter une touche un peu plus originale à ce sempiternel accoutrement.
Je lève les mains en l'air pour lui signifier que je me rends.
— Je ne dirai rien du tout, promis !
Elle me lance un regard suspicieux.
— Je ne sais pas où t'as trouvé cet alcool mais bon sang qu'il était fort !
— Tu as surtout vidé presque toute une bouteille à toi toute seule, la morigène Chloe.
— Et alors ? Je tiens bien l'alcool.
— On voit ça, raille Tobias qui s'attire automatiquement un regard noir.
Je m'assois sur un des petits canapés et pose les pieds sur la table en face de moi.
— En tout cas, les choses ont avancé entre Oscar et moi, lancé-je, l'air de rien.
Mes amis me regardèrent tout en s'approchant de moi.
— Comment ça ? Vous avez... ? demande Luna, curieuse.
Je lui lance mon plus beau sourire.
— Oui madame ! J'ai cru à un moment qu'il serait bien trop arraché pour ça, mais finalement je l'ai sous-estimé. Il a le compas dans l'oeil et un sacré coup de rein.
— Liam, putain ! grogne Tobias en se détournant. Fais nous gré des détails.
Je hausse un sourcil.
— Tu ne disais pas ça samedi. T'étais même prêt à nous faire un numéro d’exhibitionniste.
À peine finis-je ma phrase que je me reçois un coup sur le bras.
— Ferme ta gueule, Liam, me lance Chloe.
Mais je vois qu'elle est embarrassée de la situation. Si elle croyait qu'il avait été discret, c'est raté. Même Oscar les avait vus.
— On s'en fout de ça, nous coupe Luna. Alors ça y est, tu t'es tapé le petit boursier. Il te mange dans la main ?
— Si ce n'est pas encore le cas, ça le sera bientôt. J'ai bien fait d'organiser cette petite soirée, il se considère maintenant des nôtres. Ça sera plus simple de les piéger lui et sa sœur.
— En parlant d'elle, intervient Tobias. J'ai fini de préparer notre exposé avec Sarah. Je ne pense pas que le courant passe forcément, elle est timide et on n'a fait que de parler de notre travail.
— De toute façon, je ne pense pas qu'elle fasse des vagues. Le plus coriace, c'est Oscar, décrète Luna.
— Liam ! Les pieds sur la table ! s'écrie alors une voix masculine.
Je tourne le regard pour apercevoir M. Brandt, le directeur du lycée. Je courbe la tête et enlève mes pieds.
— Excusez-moi monsieur.
— Je préfère ça. Ce n'est pas la première fois que je te prends la main dans le sac et tu sais pourtant que c'est interdit.
— Oui, je ne le ferai plus, promis-je humblement.
Je comprends qu'il ne me croit pas à son petit regard en coin. Il a bien raison.
— Vous n'avez pas classe ?
— Bientôt, répond Luna de sa voix mielleuse. Nous n'allons pas tarder à rejoindre la salle.
Il hoche la tête et nous jette un dernier regard avant de s'éloigner les mains dans les poches de sa démarche droite.
— Ça lui suffit pas de nous prendre tout notre argent, il faut aussi qu'il vienne nous dicter notre conduite. Ce n'est pas comme si ce n'était pas nous qui payons le mobilier.
— C'est un emmerdeur mais le mieux est de nous le mettre dans la poche.
— Avec tout ce que tu fais comme conneries, Liam, il est carrément dans ton caleçon, là.
Je jette un regard désapprobateur à mon meilleur ami.
— T'es dégueulasse, Tobias.
Il lève les yeux, peu touché par ma remarque.
Un silence s'installe où chacun est plongé dans ses réflexions. Les miennes se tournent vers la nuit partagée avec Oscar. Je ne lui ai pas menti quand je lui ai dit que j'ai aimé couché avec lui. Il a l'air d'avoir un petit côté dominant qui n'est pas pour me déplaire. Rien que d'y repenser, je commence à bander. Je change de position et pense à autre chose.
Ce que je n'ai pas compris, par contre, c'est le câlin que nous nous sommes fait juste après. Je n'ai clairement pas pour habitude de faire ça avec les gars, je tire juste mon coup et c'est tout. Il faut croire que l'alcool et la fatigue a joué. Surtout que je n'allais pas le mettre dehors après ça.
En parlant de foutre dehors, je n'ai pas répondu à son message. J'avoue avoir été un peu surpris quand je me suis réveillé seul dans le lit. M'enfin, ce n'est pas comme si j'allais m'inquiéter pour si peu. Il fait ce qu'il veut.
Soudain, je lève les yeux et aperçois Arthur dans le couloir. Je me souviens des histoires l'an dernier entre Tobias et lui. Depuis, il nous évite comme la peste.
Il discute avec deux autres gars de la classe, des gens qui m'intéressent peu. Ils sont plus plutôt renfermés et la nature ne les a pas gâtés même si Arthur a un visage avenant. Mais on dirait que la puberté l'a esquivé, je me demande si sa... Ah j'en étais sûr ! La boursière allait forcément apparaître et... le frère avec. J'ai l'impression qu'on ne peut pas voir Arthur sans les deux autres, en ce moment.
Je les observe quelques instants : à peine Sarah l'a rejoint qu'Arthur se désintéresse de ses amis pour entamer la discussion avec elle. Oscar est un peu en retrait mais semble y participer aussi. Il porte le même uniforme que moi ce qui lui donne un petit air sympathique, presque candide. Je souris à l'image de nos ébats de l'autre soir. « Candide » n'est définitivement pas un adjectif qui lui sied.
Oh bon sang, il vient de me regarder. Et il s'approche de moi. Qu'est-ce qu'il me veut encore ? J'espère qu'il ne va rien dire à propos de l'autre soir...
— Salut, on peut parler en privé, s'il-te-plaît ?
Mes amis se tournent vers lui, surpris.
— Si t'as quelque chose à dire, tu peux le dire maintenant, réponds-je.
— C'est à propos d'hier soir, (il fait la moue) mais si tu veux...
Je me lève aussitôt et lui saisis le bras.
— Viens.
Oscar se dégage et je sens derrière moi les regards suspicieux de mes amis posés sur nous jusqu'à ce que je tourne à l'angle du couloir. Je rejoins un renfoncement près des casiers et me tourne enfin vers lui.
— Alors, qu'est-ce que tu veux ?
J'essaye de ne pas rendre ma voix trop agressive ni sèche à cause de la surprise. Mais je ne m'attendais pas à ce qu'il veuille me parler. Je ne vois pas ce qui peut être sujet à l'être.
— Déjà, je voudrais m'excuser d'être parti comme un voleur. Mais tu n'as pas répondu à mon message...
Il laisse la phrase en suspens, comme s'il attendait une quelconque réponse de ma part. Je m'en contrefous qu'il se soit barré, moi. Et je n'avais pas de raison de lui répondre.
— C'est pas grave, et tu t'es déjà excusé donc je ne voyais pas ce que j'aurais pu te dire.
Ses yeux, jusque-là ancrés sur moi, se détachent et fixent un point derrière moi. Il n'a pas l'air d'apprécier ma réponse. Puis, il me regarde à nouveau et se racle la gorge :
— Du coup, on fait quoi ?
Je fronce les sourcils, perplexe.
— Tu parles de quoi ?
Il se balance sur ses jambes, mal à l'aise.
— On a... (il hésite, cherche le bon terme) couché ensemble.
Je me mords la lèvre pour résister à l'envie de rire.
— Oui, je pense que ça c'est plus que clair. À partir du moment où tu me baises comme tu l'as fait, je ne pense pas qu'on peut donner une autre définition.
Il ne se démonte pas mais je vois que sa mâchoire se contracte.
— Très drôle, raille-t-il. Ça veut dire quoi ? Qu'est-ce qu'il y a entre nous ?
Je comprends maintenant où il veut en venir. Cette fois-ci, je ne peux pas m'empêcher d'éclater de rire. Il ne s'imaginait quand même pas que ça allait changer notre relation ?
Oscar me fixe intensément et je finis par reprendre mon souffle.
— Tu t'attends à quoi, pretty boy ? Que je te dise que je suis tombé sous ton charme et pas que, et que je veux que tu sois l'homme de ma vie.
Je me rapproche de lui et nos visages ne sont qu'à quelques centimètres l'un de l'autre. Oscar se décompose lentement à chacune de mes paroles :
— Il n'y a clairement rien entre nous, et il n'y aura jamais rien. Toi et moi, c'est juste pour le cul. C'était sympa cette petite partie de jambes en l'air, mais ça s'arrête là. T'as juste de la chance d'être mon type de mec. Quoique, je les préfère plus vieux.
Je lui adresse un sourire salace et mets fin à la discussion sans attendre de réponse. De toute façon, à voir la tête qu'il tire, il n'en a pas. J'en retire une certaine satisfaction : pour une fois, c'est moi qui le plante comme un idiot. Je ne fais que lui rendre la monnaie de sa pièce.
Je rejoins mes amis et leur dévoile la discussion.
— Mais à quoi s'attendait-il ? ricane Luna. Il a pété les plombs, le petit boursier.
— Bien joué, Liam, me félicite Tobias. Il te mange carrément dans la main, là.
Je fais une petite moue.
— T'as peut-être raison mais je n'y suis pas allé trop fort ? J'ai peur qu'il nous échappe, maintenant.
— Aucun risque, me rassure ma meilleure amie. Il est comme une mouche attirée par un pot de miel : il reviendra bien vite ramper à tes pieds. Et même si ce n'est pas le cas, il a eu une bonne leçon...
— Il a compris que ce n'est pas lui qui fait la loi ici, complète Chloe. Il est mignon quand même.
Elle glousse.
Je jette un coup d'œil à Oscar. Il est revenu vers ses amis et ne semble pas être dans son assiette. Il est plus tassé lui-même et évite de regarder sa sœur. Sarah se tourne vers moi et soutiens mon regard quelques instants, impassible, avant de prendre la main de son frère.
Mes mots me reviennent en tête et mon estomac se serre. La question d'Oscar m'a pris à dépourvu, je n'aurai jamais pensé qu'il voulait peut-être quelque chose de plus sérieux avec moi. On n'a rien en commun, pourquoi croit-il que je m'intéresserais à lui ?
J'y suis peut-être allé un peu fort.
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