Métamorphose
Le monotone bruit de roulement du train berçait les passagers, conduits vers leurs destinations. La routine quotidienne avait relâché l’attention de ces travailleurs, pressés et préoccupés, dont les objectifs étaient autant d’oeillères sur le monde.
Pourtant, ce matin, ce soporifique train voyagerait dans un espace qui briserait le rythme de l’ennui.
— Maman, maaaamaaaan ! C’est quoi dans le ciel ?
— Des nuages, Henri. Fais attention où tu mets les pieds.
L’enfant était figé, incapable de détacher son regard de ce ciel, si étrange.
Éléna se rendit soudain compte que son fils ne la suivait plus. Elle était tellement absorbée par les notifications de son smartphone, qu’elle ne pouvait surveiller son enfant.
— Qu’est-ce que tu fais ? Viens, on va être en retard.
— Mais, maman, regarde, il y a la maison du Père Noël dans le ciel. Dit-il, en pointant du doigt, la brume qui se confondait avec l’horizon, et glissait vers le sol comme une lourde vapeur. D’immenses bâtiments surplombaient cette étrange brume. Une immense ville dans le ciel les observait.
Le monde se couvrait lentement de cette cape, qui fit entrer l’humanité, dans une expérience étrange.
Le train s’enfonça subitement dans la brume.
Les corps furent secoués d’une puissante détonation, puis s’en suivi une chute, rapide, violente, intense, qui retourna les coeurs, et d’un coup, éveilla les âmes dans un univers inconnu. Tout était brillant. Le wagon était éclairé d’une si puissante lumière que les passagers n’avaient d’autre choix que de mettre leurs mains devant leurs yeux, pour éviter d’être aveuglés, comme si le soleil avait pris place dans ce voyage.
L’agitation fut rapidement remplacée par une forme d’apaisement. Le silence était surprenant. Le vide était à présent, le maitre des lieux. Tous se regardèrent, étonnés, ils étaient incapables de parler. Du moins, aucun son n’était émis de leurs terreurs, llorsqu’ils virent disparaitre devant eux, certains de ces inconnus qui peuplaient ce wagon.
Des passagers se consumèrent dans des éclairs de feu, alors qu’un petit groupe d’enfants, blottis ensemble dans le fond du train, disparu dans le scintillement d’une étoile naissante dans le firmament.
C’est alors que la brume se dissipa, et le paysage qui se découvrit, fut celui d’un autre monde, bien étrange.
Le train continuait à se déplacer, sur des rails qui n’étaient plus. Il flottait dans l’air, en silence. Autour de lui, se dessinait un décor contrasté, où deux mondes semblaient cohabiter, et les passagers naviguaient à leur frontière.
Tous comprirent en un instant, où les voyageurs disparus avaient été emportés; car d’un côté brûlait un paysage, tout droit issu de l’Enfer dantesque de la Divine Comédie, et de l’autre, son exacte opposé, où le vert intense de la nature se mêlait à l’uniforme perfection du dégradé de bleu qui teintait le ciel.
De part et d’autre, volait des êtres mystérieux, parfois beaux, souvent terrifiants; et lorsque l’un d’eux croisait le regard d’un des passagers trop curieux, il se produisait invariablement le même phénomène. Ce voyageur se figeait alors dans sa position, et les pupilles de ses yeux grandissait tellement, que ses globes en devenaient noir, comme le vide astral. L’âme et le coeur étaient ainsi sondés, et lorsque le jugement était réalisé, cette victime disparaissait, emportée au loin, dans le monde qui lui était destiné.
Pendant ce temps, les habitants de la planète vivaient le même jugement.
La course des aiguilles de l’âge était alors arrêtée, suspendu à l’action de cette brume, qui faisait descendre sur la Terre, un monde effrayant pour la plupart de ses habitants.
Soudain, tout s’arrêta.
La brume disparu comme elle était arrivée, silencieuse et inattendue.
De son passage sur Terre, la brume n’avait rien modifié ni détruit, sauf les être humains. Quelque chose de profondément terrifiant s’était imprégné au fond de ces êtres, dont la vocation première était de consommer, au détriment de la vie.
Seuls ceux dont la noirceur était si prégnante, ne revinrent du voyage dans la brume. Leur absence était devenu le témoignage de ce qui venait, et qui ne pourrait être combattu, ni évité.
Il était ainsi entendu, que la vie des Hommes devait être reconsidérée dans son fondement primordial. Chacun avait désormais pour responsabilité, de revoir sa façon de vivre, s’il souhaitait perdurer sur cette planète, car tous ressentirent cette même urgence, et cette menace lancinante et intensément vécu dans les chairs. Les excès égoïstes valaient-ils la douleur de l’éternité ?
Étrangement, des métamorphoses intervinrent sur ces êtres les plus malsains. Il était ainsi sanction plus grande, que l’enfer de la Divine Comédie. La douleur de rester debout les frappèrent intensément. Ils n’avaient d’autre choix pour se déplacer, que de se mettre à quatre pattes, tels des animaux sans fourrure. Alors, des attributs surgirent, et en remplacèrent d’autres, avec force et douleur. Des pieds de cochon poussèrent aux goinfres, des queues de rats aux avares invétérés et des groins de phacochères aux fornicateurs. Quant aux médisants, ils se virent offrir l’étrange bouche des poissons, puis devinrent muets, alors que les voyeurs, eurent droit au masque des taupes, devenus aussi aveugles qu’elles.
Le monde se peupla alors d’un étrange bestiaire, où cette thérianthropie ne pouvait être renversé que par la correction des actes les plus néfastes des Hommes, sans quoi, l’animal ainsi transformé, finirait ses jours dans la torture de son vice le plus grand.
Toutefois, l’Homme avait un égo tel, que la Nature reprit peu à peu ses droits, et du souvenir de ce jour brumeux, les enfants, rendus maîtres de la planète, eurent pour obligation de respecter les animaux si nombreux qui les entouraient; car une légende racontait, qu’il fut un temps où ces êtres étaient humains, mais que leurs penchants pour les vices les plus grands, les avaient rendus comme des bêtes.
C’est ainsi que la Terre fût offert aux êtres les plus sensibles et les plus purs, qui n’auront de cesse, de respecter la Nature et de voir en l’autre, autant de frères et de soeurs, alors que les animaux n’auront de cesse de pleurer leur condition d’infortune, tout en perdurant dans leurs vices qui les avaient conduits à leur perte.
Annotations
Versions