Nous sommes sans initiatives. La restriction comme moyen de survie. Ceux qui n’ont pas supporté sont morts, les autres se sont adaptés. Vois-tu, toi aussi, le spectre des associations disparues, quand tu te tâtes à répondre à un projet absurde présenté par l’état ? Voici un autre gouvernant qui n’est pas toi : la peur pour la survie.

Alors on accepte.

On accepte que l’éducation populaire ne soit pas une militante. Qu’elle serve seulement à sensibiliser sans conclure, sans s’opposer à rien par « bon goût ». On a accepté de se dépolitiser, d’abandonner la critique. Puis de ne plus aller vers le public, mais de laisser l’état le choisir pour nous.

On a vendu notre âme conquérante. Oui, mais pourquoi ?

Nous, agitateurs populaires, forgerons de l’esprit critique, voici ce que nous sommes devenus : des gestionnaires de la misère au secours d’une société répugnante ; des activistes pour que le bénévolat remplace le service public ; à la fois la bonne conscience et la serpillère du capital.

Nous servons un unique intérêt : celui de l’élite marchande, nos ennemis premiers.

Voici le drame.

Nous avons vendu notre institution aux plus organisés – nous voilà dépossédés. Pire : devenus acteurs et au service de forces qui nous dégoutent. Veux-tu la vérité ? Nous sommes le bras droit de ceux-là qui détruisent tout. Nous sommes des militants politiques, de fait des promoteurs du capitalisme en alimentant son spectacle idiot, en l’empêchant de s’effondrer par ses propres contradictions.

Nous avons trahi. Nous avons oublié qu'abandonner la défense de nos intérêts, ce serait de fait en servir d’autres. Nous avons oublié notre répugnance originelle : au point d’être fièrement dressés à ses côtés, grand sourire.

À une époque où le capitalisme est meurtrier, nous sommes devenus ses complices.

Chantage au salariat ou non, c’est ce que nous sommes.

Sommes nous prêts à l’accepter ?