C’était d’un pas décidé que Jormag l’Implacable accompagnait la petite troupe vers les confins des terres connues.

Le puissant hersir avançait à l’abri de la voûte des arbres, insensible au froid qui recouvrait peu à peu les plaines et les marécages d’une fine couche de glace. Déjà, les sommets étaient couronnés de neige.

Jormag l’Implacable avait retrouvé la piste des ravisseurs.

Le Nordique passa une énorme main calleuse sur son visage. Les timides rais de lumière qui parvenaient à se glisser entre les branches faisaient étinceler la tête de la gigantesque hache à deux mains posée sur son épaule. Plus rien ne le retenait chez lui, désormais. Dans sa cabane ravagée ne régnaient plus que la solitude et la tristesse.

Jormag l’Implacable avait retrouvé la piste des ravisseurs.

Quelques jours plus tôt, il avait croisé un étrange groupe d’individus. Ces derniers vagabondaient aux abords du campement nordique. Ils s’étaient tenus à distance respectueuse tandis qu’il poursuivait lourdement sa route vers les premiers contreforts de la montagne, à la recherche de gibier et de prunelle, ces petites baies noires dont raffolait son fils, Gisli. Jormag, qui ne craignait personne, était passé devant ces hommes sans se douter un seul instant qu’ils s’apprêtaient à commettre l’impensable. Le lendemain, lorsqu’il était revenu la besace débordante de vivres et de plantes condimentaires, le campement avait été incendié et plusieurs femmes et enfants manquaient à l’appel, dont son fils bien-aimé. Les responsables avaient profité que la plupart des hommes étaient partis chasser pour passer à l’attaque.

Jormag l’Implacable avait retrouvé la piste des ravisseurs.

Sa femme, Inghild, était morte en couches six ans plus tôt, le laissant seul avec leur bébé. Ce petit bout d’homme était ce que le guerrier avait de plus cher au monde. Il lui avait appris à aiguiser une lame et à distinguer les différents types de bois selon l’usage qu’il voulait en faire. Il lui avait enseigné comment chasser dans la prairie et comment survivre dans la montagne. Et voilà qu’il laissait à présent les secrets de la prairie et de la montagne derrière lui, avec pour seule motivation de retrouver son fils ainsi que ceux qui l’avaient enlevé.

Jormag l’Implacable avait retrouvé la piste des ravisseurs.

Mené par les meilleurs pisteurs des terres sauvages, le groupe progressait à vive allure. Les arbres s’espaçaient progressivement, et le hersir su qu’ils allaient bientôt quitter le couvert de la forêt. Ils étaient tout proches de Noirmarais désormais. Il laissa alors un grondement effrayant monter du plus profond de ses entrailles, s’enfler peu à peu et exploser en un terrible rugissement de rage et de colère refoulées. Les grands pins en répercutèrent l’écho et des oiseaux prirent leur envol, apeurés. Le Nordique continua à avancer avec la même détermination, ses doigts se contractant sur la hampe de sa hache, ses yeux réduits à deux fentes injectées de sang qui teintaient de rouge le monde autour de lui.

Jormag l’Implacable avait retrouvé la piste des ravisseurs !

La Marche du vengeur implacable contée par le Rossignol, scalde du clan de l’Ours.