Traquée par les résistants, la militaire portait ce jour-là sa tenue de sport règlementaire constituée du débardeur blanc et d'un short noir. La jeune femme coupa à travers bois et happée par le brouillard, s'évapora sans crier gare.

S'élançant sur le pont de pierre, Ada franchit l'ouvrage délabré en quelques foulées, s'envolant vers sa destinée. Sitôt après son passage, les feuilles rousses de l'automne reprirent mollement leur conversation sur la pierre moussue du pont. 

Creusé jadis par un peuple désormais oublié, le fronton monumental de l'édifice réverbérait sa sombre magnificence jusqu'aux tréfonds des âmes.

Apprivoisée par des esprits altiers, la prodigieuse cascade originelle avait été scindée en sept autres plus petites. Chutant des hauteurs ennuagées en grondant, l'eau alimentait un vaste réseau de bassins reliés par des canaux. Ada s'accroupit au bord de l'un d'eux, se mira un instant sans parvenir à distinguer son reflet. Elle plongea une main délicate dans l'eau fraîche et soupira.

Abandonnant ses vêtements moites, l'allemande se glissa dans la pièce d'eau, nagea vers le fond. Un bref instant elle fut saisie d'effroi. La placide naïade décida de regagner le ciel embrumé.