Chapitre 11 :
Mais soudain, je le vois trébucher et tomber par terre. Ne pouvant m’empêcher de rire, je me plie en deux pendant quelques secondes. Ayant l’habitude de ces injures, j’attends qu’il m’en balance des centaines au visage.
Cependant, le silence qui règne autour de nous n’est brisé que par les échos de mon rire de sorcière. Je lève alors la tête et aperçois la tête de Matt baignant dans une flaque de sang. Un haut le cœur me prend à la gorge et mon cœur se resserre. Sans attendre une seconde, j’appelle les secours et m’accroupis à côté de lui.
La dernière fois que j'ai ressenti ce sentiment de culpabilité, c'était à la mort de ma mère. Je ne me suis jamais pardonné le fait de n'avoir pas réussi à la sauver... Je ne veux pas qu'il arrive quelque chose à Matt à cause de moi. Surtout pas à cause d'un jeu débile ! Certes je veux les faire souffrir, cependant je ne souhaite pas pour autant que quelqu'un meurt par ma faute !
Petit à petit, je reprends mes esprits et sors un paquet de mouchoir de mon sac. Je m'en sers pour faire des compresses. Le sang ne s'arrête pas et coule de plus en plus chaque minute. Mon cœur bat de plus en plus vite. L’espoir me quitte petite à petit jusqu’au moment où la sirène des pompiers vrille mes oreilles. Alors, je me lève brusquement et cours pour les guider vers Matt. Je manque de tomber deux ou trois fois mais je m'en contre fiche !
Les secouristes s’approchent et me demande ce qu'il s'est passé tout en le mettant sur une civière. Aucun son ne sort de ma bouche. Seules mes larmes se frayent un chemin sur mes joues. Je tremble comme une feuille et mes jambes menacent de me lâcher d’une minute à l’autre. Voyant mon état, ils n’insistent pas et m’aident à grimper à bord. Une dizaine de minutes plus tard, nous arrivons à l'hôpital et plusieurs médecins accourent pour prendre Matt en charge. Un d'entre eux me demande gentiment d'attendre dehors et sachant que je n'ai pas le choix, je capitule.
En attendant une réponse, j'envoie un texto à Célia et lui dis de venir le plus vite possible. Je ne veux en aucun cas rester toute seule. Une multitude de sentiments se mélangent en moi et je n'arrive pas à me ressaisir. Une bouffée de chaleur m'envahit et m’empêche de respirer correctement. Mes poumons me brulent et des points noirs dansent devant mes yeux toujours remplis de larmes.
Pile au moment où mon corps décide de ne plus m’obéir, Célia accoure et me rattrape. Elle m’aide à m’assoir et à boire un peu d’eau. Je reprends mes esprits peu à peu et lorsque mon regard croise le sien, je peux y lire une profonde inquiétude. Ça me déchire le cœur. Je sais à quel point elle est attachée à Matt ce qui accentue ma culpabilité. Je baisse les yeux en guise d’excuse et elle le remarque. Elle prend mon menton entre son pouce et son index puis relève ma tête pour que je la regarde en face. Elle souffle un bon coup et se lance :
- C’est pas ta faute ma belle ok ? Il ne va rien lui arriver ! C'était juste une mauvaise chute !
- Bien sûr que si c'est ma faute ! Je n'aurais jamais dû me lancer dans ce jeu cruel ! Et si ça coute la vie à Matt ? Qu'est-ce que je vais faire ? Ma conscience ne supportera pas !
- Sheila, calme-toi ! Je te promets qu'il ne va rien se passer ! Matt est un garçon très fort, il va surmonter tout ça !
- Merci d'être venue en tout cas ! J'avais vraiment besoin de toi !
- Ya pas de quoi ma belle ! Allez viens là !
Elle me reprend dans ses bras et me serre très fort. Son parfum fleuri atteint mon nez et mes muscles se détendent enfin.
Sans que je ne puisse profiter de ce moment, j'entends quelqu'un crier mon prénom au loin. Je saute littéralement de ma chaise lorsque j'aperçois Bruno, le père de Matt, avancer vers moi. Mon cœur se resserre, mes mains deviennent moites, les larmes me reprennent et j'ai juste envie de m'échapper. Sans que je ne puisse l'en empêcher, il s'approche de plus en plus de nous. Je n'arrive pas à soutenir son regard. Je sais que je suis coupable et les paroles qu'il prononce me le confirme :
- Comment as-tu fait ça Sheila ? Comment as-tu pus faire du mal à mon fils ? Tu es contente maintenant ? Tu as obtenu ce que tu voulais ? Tu m’as volé une partie de moi ! Et s’il lui arrive quelque chose ? Vas-tu pouvoir te le pardonner ? Ce que je ne comprends pas, c'est pourquoi lui ? Il est encore trop jeune ! Tu t'es trompé de cible. C'est à moi que tu dois t'attaquer, pas au reste de ma famille
Les mots ne veulent pas sortir de ma bouche. J'ai l'impression qu'on m'a coupé mes cordes vocales. Les larmes coulent sur mes joues et voyant que je suis pétrifiée, Célia prend la parole :
- Ecoutez monsieur, je suis désolée pour votre fils mais ce n'est en aucun cas la faute de ma meilleure amie ! Certes, elle voulait le faire souffrir mais elle n'a jamais voulu le tuer ! Il faut être réaliste, il est tombé tout seul, ce n'est pas Sheila qui lui a fait un croche-pied ! Donc, vous n'avez aucunement le droit de l'accuser !
N’ayant rien à dire, il s'éloigne de nous et s'assied sur une chaise pour attendre le médecin. Nous l'imitons avec Célia. Les minutes défilent et nous paraissent interminables ! Une bonne demi-heure plus tard, le docteur s'approche de nous. Nos regards se fixent sur cet homme en blouse blanche qui détient toutes les réponses. Sans trop nous faire patienter, il déclare :
- Le jeune homme a perdu beaucoup de sang... Son diagnostic vital n'est pas engagé, toutefois, je ne peux pas vous dire précisément quand il se réveillera... Vous avez le droit de rentrer le voir un par un mais ne rester pas trop longtemps à ses côtés. De plus, il est évident que vous ne pouvez pas entrer comme ça dans la chambre donc demander d'abord à une infirmière de vous préparer. Je vous souhaite une bonne soirée.
Après cette annonce, je souffle un bon coup. Il n'a pas de risque vital, pour moi c'est l'essentiel. Je me sens toujours autant coupable mais au moins mon cœur est un peu moins lourd.
Avec Célia, nous décidons de rester toute la nuit à l'hôpital. Le sommeil ne toquera pas à notre porte ce soir.
Une bonne heure plus tard, les infirmières nous autorisent à entrer. Bien sûr, la première qui entre dans la chambre, c'est sa mère. Ensuite son père prend le relais. En sortant, il autorise Célia à entrer et tout en me regardant dans les yeux il me dit :
- Toi, tu n'entreras pas !
- Ne me fait pas ça Bruno ! Je t'en supplie ! J'ai besoin de voir qu'il va bien !
- Il va très bien ! Tant qu'il est loin de toi !
- Bruno...
- Tu vois ce que ça fait de parler, de supplier à une personne qui s'en contre fiche de ce que tu dis ? Bah c'est ce que tu me fais depuis la mort de ta mère !
- Mais toi tu es coupable ! Nous le savons très bien tous les deux ! Je ne dis pas que je suis blanche comme neige mais moi au moins, c’était pas voulu !
- Je ne veux même plus en parler Sheila... Le jour où tu te rendras compte que tu ne sais rien et que tu seras prête à m'écouter, je t'expliquerais tout... Maintenant, je veux juste me reposer.
Je ne peux pas lui en vouloir. Si j'avais été à sa place, j'aurais agit exactement de la même manière. Personne ne voudrait que l'ennemi de son enfant s'approche de lui. Mais je n'arrive toujours pas à m'y faire. J'ai besoin de le voir.
En attendant que Célia sorte, je vais à la cafétéria de l'hôpital pour me prendre un thé.
Célia :
J'entre dans la chambre de Matt et m'installe sur la chaise située juste à côté de son lit. Je le regarde un petit moment et analyse toutes ces machines auxquelles il est relié. Mon cœur fait un bond dans ma poitrine et les larmes coules sur mes joues. Je n'aurais jamais pensé le voir comme ça un jour. Je l'avais pourtant dit à Sheila, je lui avais dit que ce jeu allait finir mal ! Mais, comme d'habitude, elle n'en a fait qu'à sa tête et ne m'a pas écouté.
Je ne sais pas si j'ai le droit de le toucher cependant, en ce moment même, j'en ai besoin. Je veux ressentir la chaleur de son corps pour me convaincre qu'il est bien vivant. Donc, j'approche ma chaise de son lit et pose la paume de sa main dans la mienne. Je continue de le regarder un instant et lui chuchote :
- Reviens parmi nous Matt ! Je t'en supplie ne nous laisse pas ! Nous avons tous besoin de toi ! Tu sais, il y a quelques heures, je m'apprêtais à te dévoiler que j'avais un faible pour toi mais, je n'avais jamais pensé que je ferais ça ici, dans une chambre d'hôpital alors que toi tu es profondément endormi ! Je ne sais pas si tu m'entends, mais je l'espère ! En tout cas sache que nous serons toujours là pour toi !
Je serre sa main un peu plus fort et m'approche pour y déposer un baiser. Mes larmes continuent de dégouliner, mais cette fois ci, elles atterrissent directement sur ces doigts. Le temps d'un instant, j'espère que ce contact va entrainer une réaction chez lui mais rien.
Soudain, alors que j'allais continuer à parler, je vois ses lèvres bouger. N'ayant pas entendu, je m'approche de son visage. Malgré tous mes efforts, je n'arrive toujours pas à déchiffrer.
Je reste comme ça, à quelques centimètres de son visage durant quelques minutes, ne comprenant toujours rien, je me dirige vers la porte pour appeler une infirmière et la prévenir de l'évolution.
Cependant, lorsque je m'apprête à tourner la poignée, j'entends sa voix très nettement et ce qui sort de sa bouche me clou au sol.
Sheila :
Je vois Célia sortir de la chambre, donc je dépose mon thé sur ma chaise et m'approche d'elle. Plus je m'avance et plus je m'aperçois de son teint atrocement livide. Elle me regarde avec des yeux vides. Cela ne lui ressemble pas du tout. Commençant à m'inquiéter, je lui demande si tout va bien. Sans me répondre, elle va s'asseoir. M'inquiétant de plus en plus, je m'accroupis devant elle et lui redemande si ça va. Cette fois ci, elle lève la tête et dit :
- Matt... Il a parlé...
- Mais c'est génial ça !
Bruno intervient aussi et lance :
- Qu'est-ce qu'il a dit ?
Célia nous regarde tour à tour et nous dit tout en effaçant une larme :
- Sheila... c'est la seule chose qu'il a prononcé en boucle...
Lorsque j'entends mon prénom sortir de la bouche de ma meilleure amie, le monde s'arrête littéralement de tourner. Le temps ne défile plus pour moi.
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