Chapitre 13 : 

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Il me regarde durant quelques secondes et me demande de m'approcher. J'hésite. Je me sens tellement mal. Le voir entouré de toutes ces machines me fait culpabiliser de plus en plus. Mais, je sais que je ne peux plus reculer. Il faut que je me confronte à la vérité.

Je m'assoie à ses côtés, au bord de son lit et baisse les yeux. Mon cœur bat trois fois plus vite que la normale et mes mains deviennent moite. Je ne sais plus du tout ce que je ressens. En une semaine tout mon monde s'est retrouvé sans dessus dessous. Mes convictions se sont envolés quand je l'ai vu ouvrir ses yeux. Il faut que je me reprenne. Je ne peux pas me permettre de tomber dans ce jeu. Je sais que je n'aurais pas la force de surmonter une énième perte.

Remarquant mon mal être, Matt se racle la gorge. Cela me pousse à le regarder et lorsque je croise ces yeux, les miens se remplissent de larmes. Sans pouvoir me retenir, je déballe tout ce que j'ai accumulé en moi ces derniers jours :

- Je... Je suis vraiment désolé Matt... Je sais que c'est trop tard et que je suis allée trop loin mais il n'y a pas un seul moment où je pensais te faire du mal... Je voulais que tu soufre, je voulais que toute ta famille soufre mais en aucun cas je n'ai voulu ça... Ecoute je comprendrais si tu ne veux plus me parler ou même me voir... En revanche, je voudrais vraiment que tu sache que j'ai enfin compris que...

Je n'arrive pas à terminer ma phrase... Les mots se bloquent dans ma gorge et aucun son ne sort de ma bouche. Je sais que si j'achève mon discours, ma fierté en prendra un coup. Et juste l'idée, me provoque un pincement au cœur.

- Compris que ? J'attends la suite... me répond-il sans montrer aucune émotion.

- J... J'ai compris que... Que c'est moi qui avais tort depuis le début... Je n'aurais pas dû te mêler à nos histoires comme je l'ai fait avec Célia... Mais il faut que tu comprennes que tu es « son » fils et que ça ne changera jamais... Si nous nous étions rencontrés dans d'autre circonstance... Peut-être qu'à ce moment-là les choses auraient été différente...

- Je t'ai déjà pardonné Sheila... Ce qui me fait de la peine c'est le fait que tu te rendes compte de tes torts que maintenant... Fallait-il vraiment que je sois allongé sur ce lit pour que tu comprennes que moi, je ne t'avais rien fait ? Fallait-il vraiment que tu fasses tout ça ? Faire souffrir mon père va-t-il vraiment te soulager ? Je sais ce que c'est que de perdre un être cher... Mais si chacun devait se venger... Et puis le fait que je sois le fils de Bruno ne change strictement rien... Ce n'est pas parce-que je porte son sang que je suis comme lui... Je ne sais vraiment pas si tu vas réussir à le comprendre un jour...

- Tu me pardonne déjà ? Réellement ? Je n'y crois pas une seule seconde ! Après tout ce que j'ai fait, tu dois ressentir un minimum de haine envers moi ! Puis comme je te l'ai déjà dit, je n'ai jamais voulu te voir allongé ici ok ? Et pour répondre à ta question, je ne peux pas savoir si faire souffrir ton père m'aurais soulagé, vu que tu ne m’as pas laissé la possibilité d'essayer !

- Nous savons très bien tous les deux que ce que je ressens envers toi n'est pas de la haine...

- Matt...

- Ecoute je sais ce que tu penses... Tu ne veux pas faire de la peine à Célia, mais j'en ai parlé avec elle, et elle ne souhaite que ton bonheur...

- Mais, Célia n'est pas le seul souci...

- Il n'y a aucune réciprocité pour mes sentiments pas vrai ?

- Je ne sais vraiment pas ce que je ressens Matt... Je n'ai plus aucune haine envers toi mais pour l'instant, je ne suis pas amoureuse non plus...

- Je comprends...

- Déjà essayons de devenir... Ami ? qu'est-ce que t'en dis ? Essayons de faire connaissance et on verra bien avec le temps...

- Ok... Bonne idée...

- Bon, je vais te laisser te reposer... Je reviendrai plus tard... De toute façon nous avons tout notre temps pour reparler de tout ça...

- Ne part pas ...

- Mais il faut vraiment que tu te reposes...

- S'il te plaît... Reste près de moi le temps que je m'endorme...

- Ok...

Matt ne tarde pas à rejoindre les bras de Morphée. Il a l'air tellement paisible. Je regrette énormément ce que je lui ai fait endurer ces derniers jours... Il ne le méritait pas... Mais bon, peut être fallait-il cela pour qu'enfin je comprenne certaines choses...

Profitant de ce moment, je l'observe et l'analyse un peu plus en détail... Son visage est carré mais ses traits son fins. Il reflète la douceur et la dureté simultanément. C'est assez impressionnant. Ses cheveux bruns très foncé, contraste avec sa peau clair et ses yeux verts. A chaque respiration, je vois son torse se soulever et remarque qu'il est assez bien dessiné... Je me surprends soudain à penser qu'il n'est pas si repoussant que ça...

Me rendant compte de ma bêtise je me précipite hors de la chambre et commence à courir vers la sortie de l'hôpital. Il faut que je prenne l'air. Cela va me remettre les idées en places.

Je cours à en perdre haleine. Je traverse des dizaines de couloir et évite de justesse certaines infirmières. Je les entends rouspéter et dire qu'il ne faut pas courir. Mais, elles ne peuvent pas savoir ce que je ressens... J'ai l'impression d'être un poisson hors de l'eau... Je ne respire plus... Je veux hurler à en déchirer mes poumons... Mais aucun son ne sort de ma bouche. C'est la première fois depuis le décès de ma mère que je ressens mon cœur battre...

Une fois dehors, je laisse couler mon chagrin. Cette fois, ce ne sont ni des larmes de tristesse ni de haine... Ce sont celles de la libération... J'ai enfin vu la vérité en fasse... Mais pourquoi je souffre autant ? Pourquoi ai-je autant peur ? Ça fait exactement un an que j'ai refermé mon cœur au sentiment... Je ne veux pas avoir mal comme avant... Je ne veux pas me sentir faible...

Une main se pose sur mon épaule et sans pouvoir voire la personne, je sais déjà que c'est Célia qui se trouve derrière mon dos. Sa façon délicate de m'approcher, je pourrais la reconnaître entre mille. Je me retourne et sans dire un mot, je me refugie dans ses bras. Elle me serre fort et caresse mes longs cheveux. Elle sait très bien ce que je ressens en ce moment. Nous sommes comme deux jumelles. Un lien inébranlable nous relie. Si l'une est peinée, la deuxième le ressens d’une manière décuplée.

Nous nous installons sur un banc et mes yeux se perdent dans le vide. Un volcan s'est enclanché en moi. Tous les sentiments que j'avais enfouis au plus profond de moi refont surface. La haine, la joie, la tristesse, le bonheur, tous, sans exception. Tous mes membres tremblent et je ne contrôle plus ma respiration. Ma meilleure amie le remarque et s'approche un peu plus de moi. Lorsque mon oreille se situe à quelques millimètres de ses lèvres, elle prononce avec douceur :

- Respire Sheila... C'est bon, c'est fini... Tu as réussi... Je sais ce que tu éprouves en ce moment même... Je le subis aussi... Mais vois le bon côté des choses... Tu es enfin libéré...

Ses paroles me calment. Ma respiration redevient normale mais mes tremblements ne cessent pas pour autant. J'ose un regard vers elle et vois qu'elle sourit. Cela me réchauffe le cœur. Elle est mon énergie... Je ne sais pas ce que je serais sans elle. Elle n'a pas tort... Matt a été un élément déclencheur... Il a réussi à faire ce que mon entourage espère voir arriver depuis très longtemps... Il a libéré mes sentiments... Il a brisé la glace qui entourait mon cœur... Au moment où je l'ai entendu prononcer mon prénom, alors qu'il était inconscient, je savais que tout allait changer... La seule chose que j'espère, c'est que ce changement n’entrainera pas ma perte... Si ma mère n'est plus là aujourd'hui, c'est à cause de ça…

Après m'être calmée, Célia me propose d'aller boire un café. J'accepte sans hésitation. Je sais que cela va nous permettre de mettre tout au clair...

Arrivées à la cafétéria, on s'installe à une table un peu isolée des autres et on passe notre commande. Lorsque celle-ci arrive, Célia attend que le jeune serveur parte puis prend la parole :

- Comment tu te sens ? Ça va un peu mieux ?

- Oui... J'ai juste été un peu chamboulé...

- Je te comprends Sheila... Tu sais, c'est normal que tu sois dans cette état... ça fait très longtemps que tu ignores tes sentiments à cause de cette peur qui te hante depuis la mort de ta mère... Matt... Il t'a permis de retrouver ta vraie identité... Je pense que tu devrais lui en être reconnaissante. Je conçois que tu craignes une autre souffrance... Mais, comme on le dit si bien, la peur n'empêche pas la mort... Donc remet toi en question, remet tes sentiments en question et tu verras que tu iras beaucoup mieux. Après, je ne peux pas te garantir une vie sans problème, au contraire...

- Ma vrai identité ? Que veux-tu dire par là ? Et puis je ne sais pas si c'est une bonne chose que je me sois lâchée comme ça... Si tu te souviens de l'enterrement de ma mère, tu devrais penser la même chose... Retrouver mes sentiments peut être encore plus dangereux pour moi et tu le sais très bien...

- Oui ta vraie identité... Depuis la mort de ta mère j'ai l'impression que ma meilleure amie est morte aussi. On s'est promis d'être là dans les meilleurs et les pires moments, c'est bien pour ça que je suis toujours là... Mais cela ne veut pas dire que la Sheila souriante et pleine de vie que j'ai connue ne me manque pas. Tu t'imagines combien de temps j'ai dû attendre pour te voir sourire ? Pour entendre de nouveaux ton petit rire de sorcière ? Pour pouvoir sentir ta chaleur ? Ou même juste pour te revoir pleurer ? Tu ressemblais à un zombie et tu n'avais plus aucun sentiment. Tu étais totalement vide. Même quand on discutait, ta voix était monotone. Si tu veux la vérité, j'avais vraiment l'impression d'avoir enterré ton identité si joyeuse dans la tombe de ta mère. Même si tu t'améliorais de jour en jour, il n'y a qu’aujourd’hui que je t'ai vu exploser. J'ai vu tous les sentiments se mélanger dans tes yeux... Et tu sais ce qui me choque ? C'est que ce soit Matt qui ai été l'élément déclencheur... Je ne m'en plain pas, bien au contraire... Et puis, oui je sais à quel point ça peut être dangereux que tu rouvre ton cœur mais je prends le risque...

- J'ai peur Célia... Pas pour moi... Pour vous... Je suis terrifié à l'idée de vous faire du mal tu ne comprends pas ? Mes sentiments sont destructeurs... J'ai déjà perdu ma mère, je ne peux pas prendre en vue de perdre d'autres personnes... Pourquoi crois-tu que je ne décroche pas les coups de fil de mon grand-père depuis que je suis à l'hôpital ? Car je sais que je peux être très méchante quand on me colle trop... Et c'est vraiment la dernière chose que je veux...

- Et juste parce-que tu as peur, tu vas renfermer tous ces sentiments ?

- Non, je ne ferais plus cette erreur... Certes je suis perdu et je ne sais pas comment je vais contrôler tout ça mais tu seras là toi... Tu m'aideras, je n'en doute pas...

- Exact !

- Quant à ma « relation » avec Matt...

- Ecoute Sheila, comme je te l'ai déjà dit, ne te fait aucun souci pour moi... Mais, la seule chose que je te demande, c'est de prendre soin de lui et de ne pas le faire souffrir...

- De toute façon, pour l'instant nous sommes amis... Je ne veux pas me lancer dans une relation alors que je n’ai pas de sentiments pour le moment... Certes, il n'est pas moche mais je ne le connais pas encore...

- En tout cas sache que moi ça ne me pose aucun souci... Vous voir heureux est la seule chose que je désir.

- Je n'en doute pas une seconde... En tout cas merci d'être là... Je ne sais pas comment je m'en sortirais sans toi...

- Sa sert à ça une meilleure amie.

Je ressens un profond soulagement. Des émotions dont je n'avais plus le goût sont réapparus aujourd'hui. J'ai réussi à arranger notre relation avec Matt et par-dessus tout, j'ai retrouvé ma meilleure amie. Avoir tout mis au clair enlève un sacré poids de mes épaules...

Après avoir échangé quelques paroles, je demande la note pour qu'on puisse enfin remonter à l'étage. Lorsque le serveur arrive à notre hauteur, je lève les yeux et lui fait un beau sourire pour le remercier. Cependant, je remarque rapidement que son visage m’est familier... J'essaye de fouiller dans mes souvenirs pour l'identifier mais rien n'y fait...

Soudain, Célia lève la tête et son visage devient livide lorsqu'elle croise son regard... A ce moment-là ma mémoire se remet en marche et un haut-le-cœur me prends à la gorge...

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