Chapitre 4 :
Je quitte la fac en faisant bien attention qu'il n'y ait personne aux alentours...
Un sourire de triomphe se dessine sur mon visage et je sens que ce ne sera pas le dernier. De toute façon, je ne pense pas qu’il ripostera . Je connais bien Bruno, il ne le laissera jamais s'embarquer dans un tel danger. Lui, il sait très bien de quoi je suis capable lorsque je suis à bout.
Je prends enfin le métro et rentre chez moi pour préparer le dîner.
Une fois arrivée, je me change pour me mettre à l'aise et me rends dans la cuisine. Comme d'habitude, je réussis encore une fois à tacher mon legging en préparant mon plat préféré.
Lorsque la cuisson est sur le point d'être à mon goût, je décide de mettre la table.
Une demi-heure plus tard, la sonnette de ma porte retentie. Je sens mon estomac se nouer. Je ne sais pas si je suis prête à affronter la vérité. Malgré le stress qui m'envahit, j’ouvre la porte et acceuille Gill à l'intérieur. Il s'avance timidement, tout en observant le décor. Je le guide jusqu'au salon pour qu’il puisse s’installer. Mes murs sont ornés de papier peint rose pale, avec des tonnes d'étoiles jaunes et des mickey miniatures. Une petite table basse rose et blanche traine au milieu de la salle pour combler le vide.
On s'installe sur le canapé et évitant soignesement son regard, je lui demande ce qu'il préfère. Manger ou parler. Bien évidemment, il me répond qu'il préfère d'abord dîner car les sujets que nous allons aborder pourraient bien nous couper l'appétit.
Je ne bronche pas, et lui demande de me suivre jusqu’à la cuisine où j’ai dressé la table. Il s'assoit et je m'installe face à lui. Je sers le repas et nous commençons à déguster chacun de notre côté sans que l'un d'entre nous ne prononce un mot.
Le silence devient tellement lourd que je décide de le briser. Tout en regardant mon assiette je lui pose cette fameuse question qui me perturbe depuis ce matin :
- Tu savais qu’il a un fils ?
- De qui parle tu ?
- De ton ex-gendre, de Bruno ...
- Oui je le savais... en te recherchant j'ai du passé par lui... mais toi, comment le sais-tu ?
- Comment te dire qu'il n'a pas fait un acte très réfléchi en l'inscrivant à la fac où je suis ...
La fourchette lui glisse des mains et heurte son assiette. Un bruit sourd résonne dans toute la cuisine. Il lève la tête pour me regarder. Il a l'air tellement choqué... Je mets un petit moment pour comprendre la raison de sa stupéfaction. Mais, en me remémorant le sale coup que j'ai fait à Matt aujourd'hui, je pense savoir ce qui lui passe par la tête. Sans que je ne puisse ajouter un mot, il reprend la parole :
- T... tu... l'a rencontré ?
- Bien sûr que je l'ai rencontré et je peux te garantir qu'il a déjà regretté lui dis-je avec un grand sourire sur le visage
- Qu’est-ce que tu lui a fait ?
- Ohh rien de grave…
- Sheila, dis-moi ce que tu lui a fait !
- Non, personne ne le saura et puis on est pas là pour discuter de ça et tu le sais très bien.
- Que veux-tu savoir ? Pose moi toutes tes questions qu'on en finisse.
- Je voudrais d'abord en apprendre plus sur la jeunesse de ma mère car elle, elle ne voulait jamais m'en parler. Ensuite je voudrais en savoir plus sur mon géniteur aussi...
- Je ne sais vraiment pas par où commencer. Tu sais c'est vraiment difficile pour moi d'en parler. Je ne veux pas vraiment me remémorer ces moments difficile que l'on a vécu ...
- Si tu ne veux vraiment pas en parler, ce n'est pas grave, de toute façon je trouverais bien un moyen pour savoir.
- Non, je préfère te le raconter moi-même. Mais est-tu vraiment sûr de vouloir savoir toute la vérité sur ta mère ?
- Oui, même si je m'attends au pire, je veux tout savoir. Je ne peux pas continuer à vivre dans le doute ...
- Ok, alors écoute bien…Petite, ta mère n'était pas comme les enfants « normaux »... elle était toujours à l'écart. Son isolement a duré jusqu'à ses seize ans. Nous avons essayés de lui venir en aide pour la rendre plus sociable mais en vain. Puis, petit à petit on l'a vu changer. Elle devenait de plus en plus agressive, distante et arrogante. Elle passait son temps à nous demander de l’argent. Au début, nous n'avons rien dit et lui avons donné ce qu'elle voulait car nous avions confiance en elle. Mais, au fur et à mesure la somme augmentait et cela commençait à m'inquiéter. J'ai donc décidé de faire le détective et de la suivre pendant quelques temps. Je découvris à mon plus grand malheur qu'elle ne fréquentait pas des personnes commodes. Au fur et à mesure, je compris qu’elle utilisait son argent pour pouvoir se procurer de la drogue. Avec ta grand-mère, nous avons décidés de l'envoyer dans un centre de désintoxication. Au début elle n'accepta pas mais au final elle n'eut pas le choix. Evidemment, aucun traitement ne dure éternellement. Une fois rétablie, elle rentra à la maison et nous l'avons accueilli à bras ouverts. Seulement elle, elle n'était pas aussi contente de nous revoir. Elle nous répétait sans cesse que quand elle aurai ses 18 ans elle quitterait la maison.
Plus le temps s'écoulait et plus notre relation devenait de plus en plus dur. Un jour, en me rendant à mon lieu de travail, j'ai entendu des bruits venant d'une petite ruelle délaissé. Je décidai de m'y aventurer pour voir ce qu'il se passait. En m'approchant, j'ai pu discerner le visage de ma petite Emily. Mon petit bébé se blottissait dans les bras d'un jeune homme que je ne tardais pas à reconnaître vu sa réputation. Mais par-dessus tout, je vis aussi tous les produits illicites qui se trouvaient autour d'eux. Sans faire un bruit, je me suis éloigné et je suis allé travailler comme si de rien était. Je ne lui est jamais parlé de ce moment-là. Déjà que nous nous entendions plus très bien les derniers temps, je n'ai pas voulu enfoncer le couteau dans la plaie. Maintenant, je regrette car quelques temps après son anniversaire où elle eut 17 ans, elle nous annonça qu'elle était enceinte. Bien sûr je savais très bien qui était le géniteur. Mais, cela fut la goutte qui fit déborder le vase. Et de toute façon tu connais la suite, je n'ai pas besoin de te réexpliquer comment la haine prit le dessus jusqu'à ce que je la vire de la maison...
Une larme roule sur ma joue, et je tourne la tête pour que Gill ne s'en aperçoit pas. Je n'arrive pas à y croire, ma mère une toxico ? Non, ce n'est pas possible. Je dois sûrement rêver. C'est la seule explication cohérente.
Pourtant, une part de moi veut savoir la suite. Donc sans me démonter je lui demande de continuer.
- Après avoir appris la mort de ta mère j'ai déménagé à Marseille, et j'ai commencé à chercher Bruno car je savais que c'était le meilleur moyen de t'atteindre. J'ai eu beaucoup de mal pour le retrouver. Mais j'y suis arrivé. Il m'a indiqué ton adresse et pendant quelques temps je t'ai observé de loin. J'ai préféré attendre le bon moment pour me montrer car je savais que ça n'allait pas être facile pour toi... Tu m'a demandé de te parler de ton géniteur. Je ne peux pas vraiment t'éclairer sur ce sujet. La seule chose que je sais, c'est qu'il ne ta pas assumé de peur de devoir s'engager avec ta maman. Mais si tu veux en apprendre plus sur lui, tu devrais aller voir Bruno car lui connaît toute la vérité...
- Jamais ! tu comprends ? Jamais je n'irai le voir même si je dois rester dans le doute toute ma vie... c'est à cause de lui que ma mère est morte !C'est à cause de lui que je suis seule maintenant ! C'est à cause de lui que ma maman ne verra jamais ma remise de diplôme, mon mariage, mes futurs enfants ! C'est à cause de lui que je vis chaque jour comme un cauchemar !
Sur ces mots je fonds en larmes et ne pouvant résister, Gill me prend dans ces bras. Je ne riposte pas. Cela fait tellement longtemps que je n'ai pas senti une chaleur humaine me réconforter... je me laisse aller et je pleure toute les larmes de mon corps.
Une fois calmée, nous passons la soirée à discuter pour apprendre à mieux nous connaître. Il commence à se décrire en premier et je l'écoute sans rater une miette de ses paroles. Les descriptions basiques s'enchainent et je n'ose pas le couper dans son élan. J'ai l'impression que ça fait une éternité qu'il attend cet instant. La joie se lit dans ses yeux...
Au bout d'un moment, il arrête de parler et cette fois ci, c'est moi qui prends la parole. Je ne lui dévoile pas grand-chose à mon sujet. Bruno a déjà dû lui en raconter beaucoup sur moi...
Soudain, il se lève, fouille dans son sac et revient avec un petit album... il commence à me montrer les photos de leur jeunesse... durant quelques heures, les images défilent. Des rires se faufilent au travers de nos lèvres et il évoque chaque souvenir se ramenant à chaque cliché. Le temps passe extrêmement vite et il est déjà vingt-trois heures. Lorsqu’il se lève et qu’il commence à ranger ses affaires, je comprends qu’il se prépare à partir. Mais, je ne veux pas et lui propose de rester dormir. Il refuse gentiment en prétextant qu'il a beaucoup de chose à faire demain et que ce serait pour une autre fois. Je l'accompagne jusqu'à la sortie puis, une fois parti je m'allonge sur mon lit et essaye de m'endormir. Mais avec toutes les pensées qui me trotte dans la tête j'ai vraiment du mal.
Je ne sais d'ailleurs pas vraiment quoi penser... je me sens bien aux côtés de mon grand-père mais certains actes qu'il a commis dans le passé me paraissent impardonnable. Je pense qu’il me faudra un peu plus de temps pour l'accepter complètement mais surtout pour réfléchir et prendre une décision correct que je ne regretterais pas dans le futur.
Après un sommeil très agité, je me lève de mon lit. Je suis fatiguée comme si je venais de courir un marathon. Je me prépare et prends le métro pour me rendre à la fac. Je me languis de voir la tête de ce petit Matt...
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