Cette nuit-là, le vent souffla sur la cime des grands pins et le froid n’épargna pas le refuge. Arch se retourna une énième fois à la recherche du sommeil, grelottant. L’incessant rugissement des rafales contre le flanc de la montagne finit par avoir raison de sa patience. Il se redressa et massa ses tempes pour tenter de calmer la migraine qui l’affligeait depuis une heure déjà, en vain. Le garçon attrapa sa gourde puis porta l’eau à ses lèvres. Trois bonnes gorgées englouties, il poussa un profond soupir, avant que ses yeux ne se figent. Plusieurs secondes lui furent nécessaires pour réaliser ce qui se présentait face à lui. La gourde lui échappa alors des mains, répandant son contenu sur le sol.

Près de ce qui restait du feu, un animal humait le sol dans la pénombre : Un grand loup blanc, à la fourrure aussi immaculée que la neige des sommets. Attiré par le bruit, ses prunelles d’un noir de jais s'arrêtèrent sur le jeune mage. Arch voulut reculer, appeler à l'aide, mais aucun son ne parvint à sortir. Ses muscles ne réagirent pas davantage. L’une des branches consumées dans le tas de cendre s’affaissa et quelques braises s’envolèrent, arrachant la bête aux ténèbres. Elles dévoilèrent deux marques d’un rouge rubis sous ses yeux étincelants.

Voyant que l’animal ne bougeait pas, Arch tâcha de garder son calme. Il tendit lentement la main vers son arme mais s’arrêta avant de l’atteindre, les yeux plissés. Des dizaines de vives particules rougeoyantes s’élevèrent progressivement depuis le tas de cendre, dansant les unes autour des autres comme les aigrettes d’un pissenlit. Elles illuminèrent l’entrée de la grotte de reflets éphémères et le jeune mage se perdit dans leur contemplation. L’une d’entre elles vint flotter près de lui. Une insatiable curiosité s’empara d’Arch et bientôt, comme s’il y était obligé, il avança la main vers elle. En l’effleurant, une douce chaleur se diffusa sur sa peau. Il en était certain à présent. Cette sensation, c’était de la magie.

De faibles murmures se perdirent en écho, susurrant des mots qu’il ne comprenait pas. Quelques images apparurent à son esprit troublé, floues et imprécises. Était-il toujours au refuge ? Les montagnes de la vallée, il finit par les reconnaître avant qu’elles ne soient enveloppées de brouillard. Il ne discerna qu’une clairière, entourée de larges piliers de pierre.

— Arch...

Lorsque son nom résonna au loin, le noir se fit. Il ne discerna bientôt plus rien, hormis le grand loup blanc s’éloigner.

— Arch ? Est-ce que ça va ?

Le jeune mage se releva brusquement, percutant Criss de plein fouet. Ce dernier roula sur le côté en grognant de douleur, la main plaquée sur le visage.

— Le loup ! Le…

Haletant, Arch fit volte-face vers le feu et découvrit les lieux vides. Une vive douleur au front se rappela à lui suite au choc. Il poussa un gémissement en plongeant son visage entre ses doigts. Criss se frotta vigoureusement la tête et le toisa, ahuri.

— Par les six bras de Gaïa ! tonna-t-il aussi faiblement que possible pour ne pas réveiller Armin. T’es cinglé ou quoi ? Tu me réveilles en gesticulant de partout, tu baragouines je sais pas quoi et quand je viens voir si ça va t’essayes de m’assommer ?

— Désolé, s’excusa Arch en se calmant enfin. J’ai fait un rêve étrange.

Voyant qu’il ne quittait pas l’entrée du refuge des yeux, Criss soupira en regagnant sa couche.

— Et bien j’espère qu’il en valait la peine parce que cette bosse est pas prête de disparaître. Je te préviens, si tu recommences, c’est moi qui t’assomme. Rendors-toi maintenant.

Il rabattit sa couverture et lui tourna le dos, bien décidé à trouver le repos. Arch hésita à se détacher du seuil de la grotte. Il mourait de chaud, malgré le froid ambiant. Avait-il seulement rêvé ? La sensation qui semblait encore lui courir sur la peau avait été si réelle. Il finit par reposer la tête sur son oreiller, tâchant tant bien que mal d’oublier ce qu’il avait vu. A force d’y penser, la fatigue eut raison de lui et il retrouva le sommeil.