La grande évasion

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  Par la lucarne d’où filtraient quelques rayons du jour, Edmond observait longuement les nuages. Parfois, il assistait au vol hésitant d’oiseaux égarés. Ce morne spectacle n’était pas de nature à dissiper sa mélancolie. Il vivait là, comme un ermite. Son physique lui en donnait toutes les apparences ; le visage émacié de l’ascète, la barbe fournie, une longue chevelure embroussaillée. Sa tenue n’était pas moins austère ; il portait invariablement un pantalon noir et une chemise blanche au col largement ouvert. Ses méditations le ramenaient sans cesse à son grand projet. Depuis des années, il songeait à cette évasion, jusqu’à présent, il n’avait pas trouvé la faille du système qui le retenait prisonnier.

 Mais surtout, la peur l’empêchait d’agir. La peur de l’inconnu, la peur de ne pas savoir profiter de la liberté. Il avait toujours vécu cloîtré dans un univers borné, étouffant, stérile ; entravé, exploité comme une bête de somme et traité avec mépris. Son quotidien le livrait à la soumission et aux compromis. Il ne pouvait plus se plier aux règlements de toutes sortes, obéir aux ordres, subir les brimades des gardes-chiourmes. Non, tout cela lui était devenu insupportable. Il ne méritait pas une telle condamnation. Il voulait jouir pleinement des années qui lui restaient à vivre, le moment était venu de rompre ses chaînes.

 En secret, il commença à noter les idées qui lui venaient. Il passa en revue toutes les solutions. Enfin, il imagina le plan d’évasion infaillible.

 Après des années à traverser les ténèbres, il pouvait graver sur le mur rocheux de sa geôle le mot libérateur : « EURÊKA » ! Edmond venait de trouver la direction dans laquelle il allait creuser son tunnel.

 Il prit une page blanche et commença à écrire avec fébrilité. Il se rendit compte, à cet instant, du pouvoir des mots, lorsqu’ils sont au service d’une volonté inébranlable.

 Une dizaine de lignes, tout au plus, résumaient sa pensée et constituaient la clé qui allait ouvrir la porte de son cachot. Il sentit un sang nouveau affluer dans ses veines.

 Il replia la feuille, la mit dans une enveloppe, puis il se leva et d’un pas décidé porta sa démission à monsieur de Villefort ; le directeur de l’usine où il travaillait depuis plus de trente ans.

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