La légende des siestes
Accablé de paresse et de mélancolie,
Je rêve dans un lit où je suis fagoté,
Comme un lièvre sans os qui dort dans un pâté,
Ou comme un Don Quichotte en sa morne folie…
Ces vers de Saint-Amant trottent dans ma tête tandis que je tiens à peine dans mes mains, le livre de Gontcharov “Oblomov” que je lis d’un œil qui parfois se ferme. J’ai l’image d’Oblomov étendue sur son divan, enveloppé dans sa robe de chambre, un bras sous la tête, le regard vague, perdu, songeur, indécis. Tout somnole dans son appartement ; les meubles, la poussière les personnages. Le lecteur que je suis est hypnotisé par la voix de l’auteur qui m’emporte dans les profondeurs du rêve.
Tout à coup je glisse, je m’enfonce, je sombre, bercé par le tic tac de l’horloge. Je pénètre dans l’appartement d’Oblomov. Je vois maintenant dans les moindres détails, les bibelots, les tapis ternes, les tableaux aux couleurs fatiguées, le désordre, le négligé. Ici tout n’est que paresse, langueur et oisiveté. Qu’il fait bon dormir et rêver dans le calme de son gîte.
Quoi de plus agréable et de plus apaisant que de voyager dans sa bibliothèque, de choisir un livre et de se laisser guider vers des horizons inconnus. Partager et accepter le sort des personnages qui vous entraînent aux frontières du possible. Me voici transporté dans une autre époque, dans un lieu lointain et mystérieux. Je peux voir et sentir, toucher et entendre, ce n’est pas une illusion. Je comprends toutes les langues et tous les destins, je navigue solitaire, mais entouré, je ressens le tumulte, mais il ne m’atteint pas. Le croyez-vous ? Et si c’était vrai ?
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