16. Un Fils - Partie 2
La relation entre Firiel et Dorian devint peu à peu fusionnelle au grand dam de Céleste qui continuait à vouloir les séparer. Au fond d’elle la grande sœur était ravie de les voir heureux mais le funeste dénouement qui les attendait l’angoissait. Le monde semblait avoir trouvé un équilibre à moitié précaire. Drake s’était tu, plus aucune horde démoniaque ne quittait à présent Sorgat. Raven avait mentionné une augmentation de créatures sur les terres du Nord mais l’aura de son Ordre retenait les hérétiques loin du royaume elfique. Il est vrai que leur confrérie avait pris une importance non négligeable ces derniers temps et le chasseur avait acquis une place respectée. La seule chose qui l’ennuyait était un rassemblement de déviants près de Sorgat. Il semblait que les démons aient érigé là-bas une sorte de forteresse et plus personne n’osait à présent s’y aventurer. La vie était devenue calme, si sereine que Dorian accepta de faire sortir Elminster de sa retraite. Le retour du grand mage avait ajouté une nouvelle joie dans le cœur des troupes. Dans cette atmosphère de paix, les armées elfiques qui séjournaient devant la demeure de la Reine avaient peu à peu levé le camp. Il ne restait plus à présent que Calion et ses elfes noirs qui épiaient le couple à longueur de journée. Dorian avait parfaitement compris la jalousie du général et se gardait bien de le provoquer. Par une belle matinée de printemps, Dorian et Firiel avaient décidé d’aller s’entrainer un peu à l’écart du palais. Il y avait une paisible clairière où personne ne pouvait les déranger. Le combat venait juste de débuter et les deux opposants n’étaient pas encore dissipés : il n’était pas rare qu’un de leurs exercices se termine d’une façon plus friponne. Le couple se battait comme si leur vie en dépendait. Firiel donnait tout ce qu’elle avait pour contrer les coups de son compagnon et Dorian enchainait des puissants estocs. Il décela une faille sous la garde de la jeune femme. L’enchanteur fit une attaque verticale afin d’ouvrir la voie et glissa sa main sur le ventre de l’elfe. Il voulait mimer une décharge d’éther qui aurait éventré son adversaire mais ce qu’il ressentit le troubla. Il ne vit même pas arriver l’épée de Firiel qui lui entailla le bras profondément. Le mage se recula en hurlant de douleur et sa compagne lâcha son arme déstabilisée.
- Je suis désolée, déclara-t-elle. Pourquoi n’as-tu pas paré ?
Dorian resta une longue minute assis au sol, se moquant du sang qui s’échappait de son bras. L’elfe s’en inquiéta aussitôt, jamais son compagnon ne rompait ainsi le combat.
- Dorian, ça va ?
Le jeune homme afficha un visage entre joie et ébahissement et acquiesça silencieusement. Il avisa ensuite sa plaie qu’il cautérisa rapidement puis se releva pour saisir les mains de Firiel.
- Ma Douce, j’ai quelque chose à t’annoncer.
Le visage de l’elfe devint plus intrigué qu’inquiet. Dorian posa doucement la paume de la jeune femme sur son ventre et donna une légère impulsion magique. Firiel retira sa main quand elle sentit quelque chose bouger en elle. Elle dévisagea son compagnon, cherchant à comprendre ce qu’il se passait mais le sourire qu’il affichait à présent finit par la convaincre qu’elle n’avait pas rêvé. Elle laissa exploser sa joie en sautant au cou de son amant pour l’embrasser chaleureusement.
- Ce que je suis heureuse, déclara-t-elle en laissant couler allègrement des larmes de joie.
Dorian serra sa compagne dans ses bras. Le monde pouvait bien s’écrouler. À cet instant il comprit pourquoi son père avait libéré une telle colère contre la Tour Blanche, il saisit ce que pouvait bien signifier le mot famille.
- Il faut que je prévienne mes sœurs, s’empressa de déclarer Firiel.
- Elles vont être ravies, s’amusa Dorian.
Il était certain que Galadrielle accueillerait cette nouvelle avec enthousiasme. Céleste réagirait différemment et le mage ne put s'empêcher de sourire en l'imaginant tenter de dissimuler son amertume sous des couches de joie.
***
Dorian fut étonné par la réaction de la Reine face à cette merveilleuse nouvelle. Elle afficha un sourire joyeux mais quelque chose dans ses yeux s’était, à cet instant, allumé : une flamme de peine. Elle félicita chaleureusement les futurs parents puis prétexta de discuter du plan du jeune mage pour attirer Dorian à l’écart. Quand ils furent isolés, la Reine, tournant le dos au mage déclara d’une voix blanche :
- Nous y sommes, tu as atteint le point de non-retour, Dorian.
Quand elle lui fit à nouveau face, le mage eut un mouvement de recul, jamais il n’avait vu ce visage aussi fermé et sérieux.
- Céleste t’a déjà mentionné l’issue de votre union, continua la Reine.
Dorian acquiesça silencieusement, en d’autres circonstances, il aurait tenté un trait d’humour mais l’instant ne s’y prêtait pas.
- Je suis désolé de te l’apprendre mais il faut que tu saches que l’enfant sera mort-né.
Ce fut comme si tout le poids du monde s’abattait sur les épaules du jeune homme. Il fixa la Reine, avec l’espoir fou qu’elle lui donne une voie à suivre.
- Est-ce que je peux sauver cet enfant ? demanda-t-il.
- Ce n’est pas ce que Gaïa a prévu pour lui.
- Je me fous de ce que Gaïa peut prévoir pour lui, s’emporta le mage d’un coup.
- Je suis consciente que ce n’est pas un choix facile, reprit Galadrielle. Regarde dans ton cœur, parles-en à des gens de confiance mais garde en tête que tout choix impliquera des conséquences.
- Et vous, que me conseillez-vous ?
- Aime-la, répondit laconiquement la Reine avant de s’en aller.
Dorian voulut la retenir mais tous ses mots furent vains. Au bord du désespoir, il disparut afin de réfléchir dans son monde. Syphilis l’accueillit avec joie mais voyant la mine morne de son maître, elle s’enquit immédiatement de son moral. Le mage lui expliqua dans les moindres détails son échange avec la Reine.
- J’ai le pouvoir de faire vivre cet enfant, acheva-t-il.
- Sans nul doute mais les répercussions pourraient être désastreuses. Dorian, ne suis pas la voie que ton père a empruntée. Tu n'aurais pas dû vivre toi non plus. Te sauver fut son premier acte de Magie Noire. On ne va pas à l’encontre de la vie ; pas sans en payer les conséquences. Il a perdu Sarah et Thérésa aussi. Je ne veux pas t’accabler de ces morts mais les choses auraient été différentes s’il avait fait un autre choix.
- Je ne serais pas ici.
- Il ne se serait peut-être pas complu dans cette haine.
- Firiel ne me pardonnera jamais si je ne fais rien, argumenta le mage.
- Explique-lui, elle comprendra.
- Je ne peux pas lui avouer, soupira le jeune homme, il y a tellement de joie dans ses yeux qu’il serait coupable de lui briser son rêve.
- Soutiens-la, sois présent quand elle aura besoin de toi. L’épreuve n’est pas facile et la Reine a raison : il n'y a pas de bonne solution.
Dorian se ferma soudain, son familier, comprenant qu’il avait besoin d’assimiler l’information et surtout de réfléchir. Elle vint se lover dans ses bras, de la tendresse et des conseils avisés, c’était tout ce qu’elle pouvait à présent lui offrir.
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