17. Un Choix Difficile - Partie 2
C’est donc d’un pas plus que déterminé que Dorian rejoignit la chambre de la jeune femme. Il devait discuter, quitte à lui donner toutes les raisons de son choix. Il fallait continuer à se battre. Il approchait des appartements de sa belle quand soudain, une étrange alarme monta en lui. Un pressentiment inexplicable lui intimant de rester dans l’ombre. Il ne se posa pas de question et fit confiance à son instinct en se fondant dans un recoin du couloir. La porte de la chambre de la jeune femme s’ouvrit alors. Elle avait discuté avec un homme, dont, d’où il était, Dorian ne voyait le visage. Firiel semblait plus apaisée, elle souriait à son interlocuteur. Dorian tendit l’oreille pour capter des bribes de leur conversation.
- Je vous remercie beaucoup pour votre aide et votre présence, disait la douce elfe.
- Les mages sont une grande famille et nous devons tous nous aider.
Le mot mage fit sursauter Dorian, à part Elminster et lui, il n’y avait qu’une poignée de novices qui vivaient au palais et il les connaissait tous, il les aurait identifiés même de dos. Cet étranger l’intriguait. Peut-être était-ce un ancien de la Tour Blanche ? Dorian savait que son père avait fait un travail formidable à ce niveau et que leur nombre se comptait à présent sur les doigts d’une main. Il vit Firiel et le mystérieux enchanteur se faire une accolade amicale puis la jeune femme retourna dans ses appartements tandis que son invité quittait les lieux. Quand il discerna ses traits, le choc fut tel que son sang se figea dans ses veines. Il reconnut immédiatement ce visage carré, ces cheveux devenus argentés, ce regard de glace, même si, la vieillesse s’était installée, Dorian n’eut aucun doute sur l’identité de l’hôte. Ce portrait avait hanté ses pires cauchemars : Zorgal passa devant lui sans même s’en rendre compte. Une incommensurable inquiétude monta alors en lui, Zorgal était à la solde de Drake. Cette visite faisait partie du plan de leur ennemi. De deux choses l’une : soit il avait distillé assez de poison mental pour que Firiel le repousse à jamais, soit il venait de lui faire du mal. Les deux options vrillaient le cœur du jeune mage. Il ne cessait de se répéter qu’il aurait dû le tuer quand il en avait eu l’occasion. Dorian décida de suivre son ennemi jusqu’à une petite pièce isolée où Zorgal contacta Drake pour lui annoncer qu’il avait réussi sa mission et qu’il rentrait. L’alarme que Dorian avait dans son âme se mua soudain en une peur panique. Il tourna les talons et courut aux appartements de Firiel. Là, il cogna violemment à la porte en intimant à la jeune femme de lui ouvrir. Son cœur s’accéléra quand l’elfe l’éconduisit, prétextant qu’elle ne voulait pas le voir. Devant ce refus, Dorian essaya d’entrer pour constater qu’elle était verrouillée. Faisant fi du rejet de sa compagne, le mage usa de son pouvoir pour pénétrer et se précipita vers sa belle :
- Qu’est-ce qu’il t’a fait, la poussa-t-il ? Dis-moi, il t’a envoyé un sort, il a fait quelque chose ?
- Dorian, je t’ai dit que je ne voulais pas te voir, explosa l’elfe.
Le mage sentit une colère froide l’envahir. Il plaqua la jeune femme contre le mur lui interdisant tout mouvement :
- On ne joue plus, Firiel, siffla-t-il entre ses dents, le type que tu viens de recevoir est un de nos ennemis, alors qu’est-ce qu’il t’a fait ?
- Zorgal est de notre côté, se défendit Firiel, il m’a expliqué comment c’était horrible quand il était prisonnier de Drake, nous avons parlé.
- Zorgal est le Mage Noir qui a tué ma sœur. Il voue une jalousie incommensurable à ma famille et depuis quelque temps fait tout ce qu’il a en son pouvoir pour la détruire. Il vient de faire son rapport à Drake jubilant d’avoir réussi sa mission et puis est rentré à sa forteresse en bon petit prisonnier qu’il dit être.
Dorian se calma soudain quand il vit la terreur dans le visage de l’elfe.
- Il m’a envoyé un sort de protection, chuchota-t-elle d’une voix blanche.
Dorian usa de son don magique pour ausculter Firiel. Hormis un lien puissant entre la mère et son enfant, il ne découvrit rien. Ceci le déstabilisa tellement qu’il refit sa vérification deux fois sans plus de résultat. Quand le jeune homme déclara qu’il n’y avait rien, les émotions de Firiel se rompirent et elle laissa échapper toute sa peine. Elle désarma Dorian par ses pleurs incontrôlés.
- Je veux garder cet enfant, Dorian, avoua-t-elle en sanglotant.
Le jeune mage eut une moue triste et la prit délicatement dans ses bras en lui avouant :
- Moi aussi, mais ce n’est pas possible.
Il laissa la jeune femme exprimer sa peine en la berçant silencieusement puis, plongeant le regard dans le vide, expliqua :
- J’ai fait tout ce que j’ai pu pour trouver une solution à ce problème. Je suis même allé voir Gaïa en personne. Elle m’a avoué que cet être faisait partie d’un équilibre précaire entre la vie et la mort. Il n’y a que très peu d’options : soit l’enfant trépasse soit c’en est un autre.
- Mais pourquoi le nôtre ?
- Sans doute à cause de moi, Gaïa n’était pas ravie de me rencontrer. Après tout, je ne suis pas censé arpenter ce monde. Elle est tellement persuadée que je suivrai les pas de mon père qu’elle a exigé une compensation qui serait catastrophique. Gaïa est formelle, si notre enfant voit le jour et vit, alors l’être amené à rétablir l’équilibre en ce royaume mourra. Je sais que pour nous, c’est la plus horrible des épreuves à traverser mais jamais je ne ferai ça à ce monde, jamais je ne ferai ça à Lucinda.
Il se sentit presque soulagé d’avoir ainsi libéré sa conscience et surtout, malgré la peine qui l’envahissait alors, il fut consolé de voir que Firiel restait lovée dans ses bras. Certes, elle pleurait chaudement mais elle était là.
- On traversera cette perte, ensemble. On s’en sortira grandi. On goûtera à nouveau au bonheur, lui promit-il.
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