19.    Un Odieux Chantage - Partie 2

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À des dizaines de lieues de là, Drake regardait l’imposant bloc de glace qui venait de se matérialiser au beau milieu de sa salle du trône. Le squelette ne put masquer un odieux sourire, quand Zorgal lui avait exposé son plan, il se souvient d’avoir ri. Il n’imaginait pas le jeune mage aussi faible. Il ne s’attendait pas à ce qu’il fasse revenir si rapidement sa belle. Quelques heures, Dorian n’avait réfléchi que quelques heures avant d’accepter l’abject chantage. Le sacrifice de Zorgal n’avait pas été vain, à présent, il aurait le plus redoutable lieutenant. La guerre était gagnée, la Reine était partie, son écervelée de sœur avait pris sa place, elle avait chassé Elminster, la seule ombre qui aurait pu modifier l’issue du combat. Et à présent que Dorian était facilement domptable, les chances de victoires du camp elfique s’amenuisaient. Drake posa les mains sur la glace et invoqua la chaleur. Le bloc commença doucement sa fonte jusqu’à révéler un visage. Il ne fallut que quelques instants pour que les paupières du prisonnier s’animent, révélant des yeux rouges sang.

***

Au fil des semaines, Dorian retrouva peu à peu sa place dans le palais elfique. L’animosité entre lui et Céleste était toujours aussi palpable mais l’intervention de Gaïa avait désamorcé une situation qui aurait pu s’avérer gênante. Firiel semblait amoureuse comme au premier jour, elle avait, comme bon nombre de généraux présents, interrogé Dorian sur ce qu’il s’était passé mais le jeune mage était parvenu avec brio à éluder les questions embarrassantes. Il avait même réussi à taire le retour de Valérian. Cependant, le fait de se retrouver, de nouveau, devant lui l’angoissait. Le combat était inévitable mais que pouvait-il faire ? Comment le monde elfique allait-il réagir à cette trahison ? Dorian ne dormait plus, ou quelques heures rythmées au gré de ses cauchemars. Il avait à présent délaissé les couloirs du palais pour hanter les coursives des remparts. Il avait enfoui ce secret au fond de son cœur et personne ne semblait se rendre compte de son amertume jusqu’à ce beau matin d’été où le cri qu’un garde lui glaça le sang.

  • Armée à l’Est !

Dorian se précipita vers la zone mentionnée par le soldat. Il y avait là une poignée de fantassins qui avançaient vers les murs du palais. Le jeune homme usa de ses sens pour s’assurer du camp de ces visiteurs. Son cœur se mit à battre la chamade lorsqu’il reconnut l’aura d’Elminster, le vieux mage accompagnait une troupe elfique. Dorian se précipita vers les grandes portes, adjurant qu’on ouvre à leurs alliés. L’ordre ne fut pas discuté mais quand il vit une armée en piteux état pénétrer sur les terres de la Reine, il ne put que ressentir un horrible mépris pour lui-même. Il y avait une poignée de soldats blessés, quelques mourants et surtout beaucoup de civils. Elminster convergea immédiatement vers son confrère. Il le dévisagea silencieusement mais on sentait une rancœur et un profond questionnement dans son regard. Dorian capta la colère de son homologue et se garda de tout commentaire. Au vu de sa main carbonisée, des ecchymoses sur son visage et du sang qui avait séché dans ses cheveux, le combat avait été rude et le jeune homme n’avait à présent plus aucun doute sur l’identité de leur agresseur. Il inspira profondément avant de commencer son explication mais un soldat le coupa dans son élan. Il héla le vieux mage l’informant qu’elle se réveillait. Elminster chassa alors toute sa morgue pour se retourner vers le groupe d’elfes qui encadrait un blessé. La forme batailla un moment pour s’extraire du cocon qu’on lui avait fait. Dorian reconnut Lucinda à sa chevelure flamboyante, il comprit bientôt pourquoi on l’avait éloigné du combat, elle était enceinte jusqu’aux yeux. Elle portait celui qui apporterait l’équilibre à ce monde, celui pour lequel le mage avait sacrifié son fils. Il chassa rapidement cette pensée car la jeune femme se mit soudain à vociférer. Elle cherchait après un époux qui était visiblement absent. Elminster s’évertuait à lui dire qu’il était resté en dernière ligne pour leur permettre leur fuite. Lucinda était au bord de la crise de nerfs, elle hurlait qu’on devait faire machine arrière, qu’on devait aller le retrouver. Les soldats avaient de plus en plus de mal à la maintenir allongée quand Dorian s’avança. Il prit la jeune femme par les épaules et lui transmit une vague d’apaisement.

  • Je vais le chercher, promit-il doucement.

La voix d’Elminster retentit comme un stentor, refusant fermement l’intervention du jeune homme. Dorian tourna alors un regard déterminé, froid et clairement inquiétant vers son interlocuteur.

  • Elminster, je sais qui vous a assailli, je sais pourquoi on vous a attaqué, je sais même qui en est la cause. Je vais rechercher votre arrière-garde. Il est temps que j’assume mes choix.
  • Il n’en est pas question, trancha catégoriquement le vieux mage.

Dorian planta ses yeux de glaces dans ceux du vieil homme :

  • On a tué ma mère alors que j’étais très jeune. Ce n’était peut-être qu’un accident. Il n’empêche que je sais ce que c’est que de vivre avec un seul parent.

Il soutint un long moment le regard du mage puis se trouvant vers Lucinda, il lui promit de ramener Andromède et disparut sans demander son reste.

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