Démarchage mortel.
— Ah, voilà une bien belle journée qui démarre ! Avec ce soleil, on en oublierait presque que l’on n’est qu’en février.
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— Je ne dois plus être très loin, que dit le GPS ? 2 rue des Hortensias, 250 mètres sur la droite, parfait ! Et il y a une place pour se garer juste devant, c’est royal !
—
— On coupe le moteur et surtout ce coup-ci, on n’oublie pas le frein à main, comme l’autre jour…
— Rohhh satané manteau qui se coince toujours dans la portière ! Aïe ! Mon doigt !
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— Ben dit donc, voilà une jolie maison. Années 1950, je dirais. Un vrai petit bijou, contrairement à l’horrible SUV garé dans l’allée qui est bien des années 2020, lui. Comment les gens peuvent avoir autant de goût pour rénover leur demeure tout en roulant dans un parpaing sur roue ? Même la sonnette est d’époque, c’est mignon…
— Oui ?
— Bonjour madame, vous êtes bien Jocelyne Bachevalier ?
— Oui…
— Toutes mes excuses de vous déranger à l’improviste un matin aussi radieux, mais j’ai une très mauvaise nouvelle à vous annoncer. Me permettez-vous d’entrer ?
— Si vous voulez nous cambrioler, sachez que j’ai deux gros chiens et que mon mari est à l’étage !
— Oh voyons, Jocelyne. Inutile de mentir.
— Quoi ?
— Enfin bref, si vous voulez bien ouvrir la porte, que je puisse entrer recueillir votre âme.
— Vous êtes complètement fou ! Laissez-moi tranquille ou j’appelle la police !
— Ah la la, toujours la même rengaine. Vous vous doutiez bien que ce moment allait arriver un jour ?
— J’appelle la police !
— C’est trop tard, vous n’en avez plus le temps. Dans exactement une minute et quarante-cinq secondes, vous allez vous écrouler, terrassée par une crise cardiaque. Étant donné que vous êtes seule chez vous et que vous avez laissée votre smartphone dans la cuisine, personne ne viendra à votre secours.
— Mais je…
— Faites-moi confiance, rien ni personne ne pourra vous sauver. Alors pourriez-vous m’ouvrir, que j’accomplisse mon devoir ?
— Vous êtes… la Mort ?
— En personne.
— Mais vous êtes si…
— Élégant ? Beau ? Sexy ?
— Eh bien…
— Vous vous attendiez à cette caricature que les vendeurs de costumes d’Halloween ont inventé, je présume. Non, je n’ai pas de faucille ni de cape noire ! Et je ne suis pas un vulgaire squelette ! Parcourir le monde pour l’éternité, grimé tel un membre d’une secte sataniste ! Et puis quoi ? Voler sur un balai ?
— Pardon, je ne…
— Rah… vous ne pouviez pas savoir, vous êtes excusée. Maintenant, puis-je entrer ? Il ne reste que trente-cinq secondes.
— Venez…
— Merci. Vous avez un intérieur charmant.
— Merci…
— Oh… voilà qu’elle pleure maintenant…
— C’est si… soudain…
— Soudain, mais prévisible ! Depuis quand n’avez-vous pas fait un peu d’exercice ? Vous avez vu ce que vous mangez ? Et deux bouteilles de vins par jour n’éloigne pas le médecin pour toujours ! Même à trente-huit ans !
— Vous pourriez montrer un peu de compass… ARG !
— Voilà. Pile à l’heure. Laissez-vous aller tranquillement, ce ne sera pas long.
—
— Jocelyne ? Jocelyne ? Pfiou, quelle pipelette ! Bon, où ai-je encore rangé mon classeur à esprit ?
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