Enterrement.

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Le trajet jusque Lampaul fut long. Camille ne voyait pas à deux mètres. Elle roulait lentement, très lentement. De toute façon la vieille guimbarde ne dépassait pas le 50. Elle se gara près de l'église. En sortant de la voiture elle vacilla. Un mal de crâne lancinant l'obligea à fermer les yeux quelques secondes.

Elle sentit son portable vibrer dans la poche de son manteau. Elle avait complètement oublié son téléphone. La jeune femme regarda rapidement ses messages. Trois sms d'un numéro inconnu. 

"Rappelez moi s'il vous plait."

"Il faut que l'on se revoit, C'est important."

"Je suis disponible ce matin"

Sans doute une erreur.

Après un passage au distributeur de billets, elle descendit la grande pente qui longeait le cimetière.

Camille entra dans le Ty Butun, elle voulait prendre le journal. Quelques assoiffés se désaltéraient devant un demi en regardant la télé. Ils se retournèrent de concert et la dévisagèrent quelques secondes puis plongèrent leur nez dans leur verre. Elle avait oublié que les jours de brouillard l'avion qui livrait les journaux ne venait pas. Il fallait attendre le premier bateau qui n'était toujours pas là. Elle s'arrêta un instant pour saluer la patronne du bar, une amie de sa mère, qui lui présenta ses condoléances sans grande conviction. Le paternel n'était pas aimé ici. Elle ne resta pas longtemps.

Camille fit un arrêt à la boulangerie deux mètres plus loin, la seule de l'île.

En sortant elle eut envie de se balader un peu avant de rentrer. Plus bas après la poste et le "Huit à Huit", le port de Lampaul et ses fameuses algues rouges. Elle flâna jusqu'au bout de la jetée malheureusement elle ne put qu'imaginer le panorama depuis le port. Elle pensa à ce film qu'elle avait vu il y a quelques mois avec une espèce de brume surnaturelle. C'était terrifiant. 

De son enfance Camille ne se souvenait que de ses refuges. La plage de Corz juste après Lampaul. Le minuscule port de Bougezen et Le fort de Locqueltas. C'étaient ses endroits secrets. A chaque fois qu'elle venait sur l'île, c'était son pèlerinage. Elle terminait par la pointe de Pern qui était à ses yeux le plus bel endroit du monde.

Le brouillard était de plus en plus épais si bien qu'elle renonça finalement à aller vers Corz. Elle fit donc le chemin inverse. Le bourg était vraiment désert ce matin. Elle longea à nouveau le grand mur du cimetière. L'enterrement avait commencé. Discrètement elle jeta un oeil. Le curé et deux personnes étaient présentes. Le maire sans doute et une femme que Camille ne connaissait pas. Peut-être la femme de l'élu. Elle ne s'attarda pas. Il ne méritait pas sa présence. Son père essayait de renouer des liens depuis quelques temps mais Camille en était incapable. Ne serait-ce que pour sa mère qui vivait un enfer au quotidien. Elle remonta dans la voiture qui démarra au quart de tour et rentra jusque Locqueltas. Il était midi et le smog ouessantin ne s'était pas levé.


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