Fernand
Fernand est le diminutif de Ferdinand, ce qui fait de ce chapitre un chapitre sur un surnom. Mais non. Parce qu'on va commencer avec Ferdinand puis aller vers Fernand. Comme avec le premier chapitre de cette Chronique, Léo. Bref, assez digressé.
Ferdinand est un prénom germanique composé de Fried, la paix, et Nanths, courageux. Il est donc éminément positif, que ce soit pour le courage ou pour la paix. J'allais dire que c'était du coup un prénom qui pouvait être donné à quelqu'un aussi bien d'Athènes (spécialité : philosophie, bien que dans les faits ils n'aient pas déclenché moins de guerres que leurs voisins) que Sparte (spécialité : entraînement martial) mais... ben... c'est un prénom germanique, pas grec. Bien sûr maintenant si vous voulez donner ce prénom à un esclave germain servant en Grèce, ou à un étudiant en art qui visite le Parthénon, rien ne vous en empêche.
Sauf, peut-être, qu'il faudrait revoir l'époque à laquelle vous lui faites visiter le Parthénon, parce que Ferdinand n'est pas un prénom très utilisé de nos jours. Sur les cent vingt dernières années, on n'en recense que seize mille, ce qui est certes beaucoup, mais divisé par cent vingt donne... donne... oui, bon, ben on va dire que c'était sur les cent dernières années, et ça donne cent soixante par an (mais du coup sur cent vingt ça donne moins par an, si vous avez bien suivi) et les meilleures années étaient au début du vingtième, donc c'est, grosso modo, no offence etc., un prénom de vieux. Bon ensuite je connais une prof de français qui n'a pas quarante ans dont le fils s'appelle Ferdinand (si ça se trouve il lira ça d'ailleurs) donc Ferdinand n'est pas l'apanage des octogénaires, mais c'est tout de même un prénom un peu poussiéreux, ce qui est d'ailleurs dommage puisque, comme je l'ai dit plus tôt, c'est un prénom éminément positif. Si, si, je l'ai dit comme ça.
Mais voilà, Ferdinand, bien que prénom impérial, n'est plus trop à la mode depuis qu'il n'y a plus... ben, d'empereurs. Pour mémoire, rappelons-nous François-Ferdinand, archiduc d'Autriche assassiné en 1914 à Sarajevo, avec les conséquences qu'on connaît.
Donc, voilà, c'est acté, Ferdinand est un prénom plutôt porté aux dix-neuvième et vingtième siècles que de nos jours, avec peut-être une naissance au sein du Saint-Empire romain germanique médiéval ? Deux Saint Ferdinand existent, mais ils venaient d'Espagne, aux douzième et quatorzième siècles. L'implantation des Wisigoths en Espagne vers l'époque de Charlemagne peut expliquer cette migration, ainsi que celle du prénom Rodrigue (le Cid porte un nom germanique, eh oui ! Votre vie est un mensonge).
Comme vous le verrez dans la rubrique ''les Ferdinand / Fernand célèbres'' qui clôs ce chapitre, c'est principalement un nom princier / royal / impérial. C'est pourquoi, entre son étymologie (courage et paix, si vous vous souvenez bien) et ses précédents, on en fera plutôt un prénom de prince juste et bon, ou du moins d'une figure d'autorité bienveillante et forte.
Sauf que là où ça cloche, c'est que ni le groupe ABBA ni Alexandre Dumas ne suivent mes conseils, et qu'ils n'ont pas fait de leurs Fernando et Fernand des personnages princiers ni bienveillant. Ou plutôt ça dépend de chacun.
La chanson Fernando du groupe ABBA est une chanson d'amour mettant en scène une jeune femme chantant, grosso modo, ''te souviens-tu de ce soir-là, Fernando'', avant de décrire le soir en question : les canons roulaient au loin, mais eux étaient enlacés près du feu... La scène se déroule non loin du Rio Grande, Fernando grattait sa guitare tandis que les clairons sonnaient au loin... bref, on a un cadre qui ressemble à celui de la révolution mexicaine dans les années 1910. Si Fernando n'est pas décrit comme un méchant homme (au contraire la chanteuse dit qu'ils sont désormais mariés, vieux, toujours ensemble, et au départ ils se battaient pour la liberté après tout...) il est loin d'être un prince.
Quant à Fernand Mondego, dans le Comte de Monte-Christo d'Alexandre Dumas, il conspire avec d'autres pour faire injustement arrêter et emprisonner à vie Edmond Dantès, le héros, afin de pouvoir épouser sa fiancée, Mercedes. Il ''parvient'' dans la haute société parisienne, est anobli par je ne sais plus quel gouvernement du XIX° siècle et devient le baron de Mortcerf. Certes il correspond (plus que Fernando en tout cas) au côté princier, de par sa position sociale, mais pas au côté étymologique puisqu'il est loin d'être courageux (bien qu'il soit anobli pour acte de bravoure en Grèce, si mes souvenirs sont bons, il reste celui qui a poignardé dans le dos Dantès, un lâche, donc), quant à la paix... c'est un homme de guerre.
Mais tout va bien ! L'onomastique étant aussi souple qu'un ruban de gymnastique rythmique, elle va s'en sortir (du moins je l'espère, car c'est mon gagne-pain (s) Arsène le Conteur). Car ces deux exemples ne sont pas ceux de gens portant le prénom Ferdinand, mais le diminutif Fernand ! Certes c'est la même étymologie, mais :
- Fernand sonne un peu comme Feignant, donc c'est moins positif
- Donner un diminutif comme prénom est très plébéïen, voire carrément ''gueux illettré'' (no offence à tous ceux qui s'appellent Léo, Théo ou Ben, sans compter les Fernand).
Avec ces deux caractéristiques, nous voilà en mesure de décréter :
(prendre la voix de Claude Piéplu) "D'où théorème" (voix normale) : si Ferdinand peut être utilisé pour un personnage ''éminement positif'' de, par exemple, dirigeant bienveillant, Fernand, lui, sera un prénom attribué plutôt aux personnages moins positifs, et si le Fernando d'Abba se bat ''pour la liberté'' selon la chanson, n'oublions pas que dans une révolution, les impitoyables soldats ennemis, cruels et vicieux, sont juste des personnes comme vous et moi qui font généralement simplement leur travail, et que pour eux, Fernando sera le tueur qui leur arrachera la vie, et donc le méchant de l'histoire. Par ailleurs, des révolutions qui se passent sans bain de sang, il y en a peu, et des mouvements ''pour la liberté'' qui finissent par établir une dictature pire que la précédente, il y en a à la pelle (regarde discrètement en direction de l'URSS et de l'Amérique du Sud, ce qui fait que je louche comme seuls les caméléons sont capables de le faire théoriquement).
Bon, c'est pas bien gai tout ça, donc on va passer maintenant à la catégorie des Ferdinand ou Fernand célèbres :
Ferdinand : un nombre incroyable de princes, empereurs, margraves, ducs, archiducs etc. du Saint-Empire ou de l'Empire Austro-Hongrois.
Fernand : Fernand Mondego, Fernando (chanson d'Abba), dont j'ai parlé plus haut.
Fernand Reynaud, comique français.
Fernand de Magellan, premier homme à faire le tour du monde (même si techniquement c'est son équipage qui l'a fait, et sans lui, car il a été tué pendant le voyage).
Fernand Léger, peintre français.
Fernand Sardou, père de Michel Sardou et lui-même acteur et chanteur.
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