Agnès est un prénom assez rare de nos jours - environ 400 Agnès par an au milieu des années 80, et en chute libre depuis - et pourtant, c'est un joli prénom, qui évoque l'enfance et l'innocence. Pourquoi ces caractéristiques ? Tout simplement par son étymologie !

Eh oui, rappelez-vous que vous êtes en train de lire des Chroniques de l'Onomastique, ici on s'intéresse aux précédents historiques et littéraires, à l'étymologie, et aux personnages auxquels il serait intéressant d'attribuer le prénom du jour.

Pour l'étymologie, voyons donc ce que signifie Agnès.

Du grec Agnê, sacré, et du latin Agnus, transparent en français, l'agneau, symbole d'innocence, de candeur et de douceur, Agnès n'est pourtant pas un mouton (hahaha ce que je suis drôle !) comme en témoignent les deux histoires qui suivent :

Tout d'abord, intéressons-nous à la première de nos deux Agnès célèbres - quoi que célèbre soit un bien grand mot, elles ont toutes deux une certaine notoriété mais ne sont peut-être pas si connues - qui n'est autre que Sainte Agnès de Rome.

Petite précision : il y a plusieurs versions de sa vie, parce qu'il s'est passé plusieurs décennies avant qu'on ne mette sa vie par écrit, et que les détails oraux ont changé, et qu'elle a pu être confondue avec d'autres martyrs, mais n'allez pas me le renvoyer dans la figure, je suis là pour appuyer ma thèse onomastique, pas pour passer un master d'Histoire Antique.

Née dans une famille patricienne - mais chrétienne -, Agnès est baptisée dans son enfance alors que les persécutions des premiers chrétiens avaient lieu dans Rome. Elle est arrêtée sur dénonciation après avoir été vue participer à la communion chrétienne et on tente de la forcer à abjurer sa foi, mais elle refuse. Elle est finalement décapitée en place publique à l'âge de quatorze ans.

(Certaines versions de sa vie incluent un bûcher qui ne la brûle pas, une humiliation en place publique, un fils de patricien tentant de la séduire pour être finalement étranglé par un démon qui fait accuser Agnès de la mort, des miracles thaumaturgiques, un enfermement dans une maison close pour la priver de sa vertu... mais restons sur la version light de l'histoire)

On retrouve donc chez cette Agnès un aspect commun avec l'agneau dans la symbolique judéo-chrétienne, celle de la victime innocente mise à mort.

Cependant, il est à noter qu'Agnès de Rome, si elle est une victime innocente, a tout de même vu la possibilité de s'en sortir en abjurant, donc en reniant sa foi, et a refusé. Ce n'est pas un mouton qu'on conduit à l'abattoir, un dégât collatéral de l'Histoire. C'est une personne qui a choisi de devenir martyr de sa foi et de ses valeurs, donc une personnalité forte.

Une autre Agnès célèbre qu'on pourrait mentionner est Agnès Sorel. Celle-ci n'est pas une enfant, mais une adulte, et une femme haut-placée, mais qui n'a pas laissé dans l'Histoire une trace de combattante, de politicienne, de femme de lettres, plutôt un rôle plus passif, en tant que maîtresse de Charles VII. Morte assez jeune également, à 28 ans, elle reste connue sous le surnom de Dame de Beauté. Il est à noter qu'elle était d'origine noble, tout comme Sainte Agnès (patricienne).

Que ressort-il de ces deux Agnès ?

Qu'elles meurent jeunes, certes. Mais également qu'elles sont nobles, qu'au moins l'une des deux était belle et qu'au moins l'une des deux était courageuse et intransigeante sur ses valeurs.

Comment appliquer ça à un personnage, me demanderez-vous ?

Comme dans d'autres articles (Marie, Nicolas, Maël, plus ou moins Cécile) je vais diviser ma partie ''quels personnages nommer Agnès ?'' selon les genres littéraires.

Pour un roman contemporain, je ne peux que recommander une personne âgée, en raison de la démographie du prénom. Si vous vous moquez complètement de la démographie du prénom toutefois, donnez le prénom à n'importe qui. Le principal est d'avoir une personne candide, mais noble, de coeur sinon de lignage, et ferme dans ses convictions. Ce personnage peut être l'opposant politique (ou dans tout autre domaine) avec lequel on n'est pas d'accord, mais qu'on ne peut s'empêcher de respecter pour la solidité de ses opinions.

Pour un roman historique, je recommanderais de profiter du côté ancien du prénom pour l'utiliser pour un enfant, et presser à fond le côté ''agneau innocent''. Si c'est un adulte, une femme noble et belle.

Pour un roman de fantaisie, un conte ou du fantastique, le rôle qui conviendrait le mieux, à mes yeux, serait celui de l'innocente emportée malgré elle dans un monde étrange, mais qui finit par en devenir une figure phare - en mourant en héros, en devenant reine, peu importe.

Pour un thriller, le rôle un peu cliché de l'inspectrice que sa direction essaie d'enfermer dans un placard parce qu'elle fait des vagues, mais qui connaît la vérité et qui n'abandonne pas ses idéaux pour la tranquillité.

Pour de la science-fiction, à moins de l'utiliser pour l'ironie du nom un peu vieillot dans un monde futuriste (comme suggéré dans mon article sur Blandine), je ne recommande pas Agnès. Je ne saurais pas dire pourquoi, c'est tout simplement un prénom qui ne colle pas avec des voitures volantes ou des gouvernements totalitaires (à cause peut-être de son innocence, pour le second cas ?) mais bien sûr, en tant que nom de code pour un résistant, c'est top !

Ensuite bien sûr, sans forcément avoir la même connotation datée, on a les dérivés étrangers de ce prénom.

Agnieszka (polonais), Ines (espagnol), Agnesa (allemand et albanais), Oanell (breton), Aune (finnois), Agnese (italien et letton), Nesta (gallois), Agnetha (suédois).

(petite note : Nesta et Oanell sonnent particulièrement adaptées à un contexte de fantasy, cf mon article sur les prénoms bretons)

Enfin, les Agnès célèbres :

Sainte Agnès de Rome, déjà évoquée

Agnès Sorel, déjà évoquée

Agnès de Meran, reine de France et épouse de Philippe-Auguste

Agnes, chanteuse suédoise

Agnès Varda, réalisatrice française

Agnès Troublé, créatrice de mode