Carthage
Est-ce qu'il sait ? Son regard parcourt l'assemblée sans trahir aucune de ses pensées. Il poursuit : « Les deux seuls dont je suis totalement sûr de leur loyauté ici, sont Dell'Angelo et Albertini. » Giacomino se lève d'un bond, d'abord sans voix, puis : « Tu rigoles ? Je n'ai rien à voir avec ça ! Ce n'est pas moi qui ai buté Santini ! L'ordure qui a fait ça m'aurait déjà tué s'il ne s'était pas trompé de cible hier ! »
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Garry, imperturbable, continue son exposé : « Comme je viens de le dire, les deux qui sont hors de cause, sont Dell'Angelo et Albertini. Et même si la probabilité que tu sois celui que je cherche est très mince, je n'en suis pas encore complètement sûr. » Poncho noir sur chemise rouge, il sort d'un geste rapide et précis, un objet métallique de sa poche. Il le jette au centre de la table.
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« Ce que vous voyez là, c'est la balle que Santini a retiré de sa voiture lorsqu'il s'est fait attaquer, il y a huit jours. Alors, je ne sais pas qui d'entre vous est le dégonflé qui a besoin de tirer au fusil antimatériel pour atteindre une cible à 40 mètres, mais je peux vous garantir qu'il ne s'en tirera pas aussi facilement. Je sais tirer à 50 mètres au pistolet sur une cible mobile. » Les bandits s'agitent.
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« Et à plus d'un kilomètre au fusil de précision. » Le curé, d'un apparent air solennel, ose alors le défier : « Sauf tout le respect que je dois au Consigliere, qu'est-ce qui me dit que ce n'est pas justement lui qui nous a vendus ? » Colonna, enhardi par le prêtre, intervient lui aussi : « C'est vrai ! On doit obéir au doigt et à l'œil, mais lui, personne ne sait ce qu'il fait ! »
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« Non, réflechissez ! Combien de personnes est-ce qu'il a tué jusqu'à présent ? » Silence gêné de l'assemblée à la réponse de Garry. « Rassurez-vous, mes sources sont sûres, et je me rapproche d'heure en heure du traître. Nos amis Genovesi et Messina nous auront au moins aidé dans leur malheur, ça ne peut pas être eux. » Deux autres victimes, donc.
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Federico Genovesi, spécialiste en extorsion, comme Santini. Toni Messina, à la tête de diverses bandes de braqueurs, cambrioleurs et autres voleurs, également proche de Santini. Impossible que Garry ne l'ait pas remarqué, à moins qu'il ne m'ait grillé. « Ce n'est qu'une question de jours avant que je ne le trouve, dit-il. Et une fois que je l'aurai trouvé, il n'en aura plus pour longtemps. »
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La réunion se termine sur une note tendue entre les huit hommes. Je suis à moitié rassuré de ne pas être suspecté par Garry. Nous nous séparons tous chacun allant de son côté. L'associé me raccompagne jusque dans le salon de l'hôtel où je loge. Avant de partir, celui-ci me transmet calmement une grande enveloppe marron : « Est-ce que Santini était au courant que tu travailles pour la police ? »
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Oui, il le savait : « C'est exactement pour ça qu'il m'a embauché, répondis-je avec surprise. Contrairement à d'autres, j'ai accès aux preuves. » Je ne peux m'empêcher de penser qu'il en sait plus qu'il ne veut le laisser croire. Le ton de sa voix change, comme impressionné : « Malin ! Voilà pourquoi tu mérites les trois millions dans l'enveloppe. Mais à partir de maintenant, on ne se connaît plus. On ne s'est jamais vu, ni parlé. »
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Je dois passer le coup de fil ! Une fois l'associé parti pour de bon, je change de chambre, me jette aussitôt sur le téléphone et compose le numéro. J'ouvre l'enveloppe et en découvre le contenu. Trois millions en diamants ! L'assistant répond en français : « Bureau de l'enquêteur Lucius, que puis-je pour vous ? »
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« Ici l'inspecteur Giovanni Ventura, expliqué-je dans la même langue. Veuillez transmettre un message à Lucius. » L'hésitation me prend, mais je n'ai d'autre choix que de continuer. Je me résigne à donner le signal : « Carthage a vaincu. »
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