L'Ombre sur Palerme
La nuit, je disparais au bord de la mer, à la limite de la ville. Le souvenir de ces derniers jours me hante encore, comme s'ils n'étaient toujours pas terminés, que cela n'en finirait jamais. L'arrestation de Lopiccolo est peut-être une victoire, mais il n'a rien dit sur le Consigliere. Je n'ai jamais vu un malfrat aussi apeuré que lui, résigné. Que lui est-il arrivé ? De quoi a-t-il peur ?
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Et pourquoi a-t-il trahi les autres ? Mais après tout, faut-il une raison pour cela ? Y a-t-il une raison pour commettre autant d'atrocités ? Le Consigliere en est sans doute sorti plus fort que jamais. C'est un ennemi qui devient de plus en plus dangereux de jour en jour. Mais voilà que sort Blackill de l'obscurité ambiante.
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Il s'arrête devant moi, à quelques mètres de distance, souriant : « Vous avez fait du bon travail. Tenez, prenez ceci. Considérez-la comme un cadeau. » Il me lance à ces mots une petite boîte de la taille d'un poing.
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Une bague de fiançailles :
« Ne vous inquiétez pas ! dit-il hilare. Je n'essaye pas de vous demander en mariage !
— Comment pouvez-vous être aussi désinvolte après tout ce qui vient d'arriver ?
— Peut-être parce que la désinvolture est la seule façon que j'ai de ne pas me mettre à crier... »
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Sur le départ, il se retourne une dernière fois : « Invitez-moi au mariage, dit-il toujours aussi rieur. Vous me présenterez l'élue de votre cœur. » Son ombre disparaît dans le silence de la nuit noire. Désormais, la seule ombre qui reste est la mienne. Mais je ne peux m'empêcher de ressentir un frisson en pensant au Consigliere. Son ombre plane sur Palerme comme la mienne sur le bord de l'eau. Je suis au bord de l'abattement.
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Seul face à l'horizon, ces cinq derniers mois défilent devant moi comme le fil de ma vie. En cinq mois j'ai plus côtoyé de criminels que ma propre famille. Je n'avais plus comme amis que des hommes de main et des tueurs. Est-ce que je ne suis pas moi-même devenu l'un d'entre d'eux ? Je ressemble tellement à Giacomino que je n'arrive même plus à me regarder en face.
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Perdu dans mes pensées, je sursaute en sentant la main qui se pose sur mon bras :
« Laura !
— Qu'est-ce que tu fais là, Giovanni ? dit-elle souriante, les yeux étincelants.
— Je... Quelqu'un avait à me parler...
— Est-ce que je peux rester avec toi ? »
Mon cœur n'en peut plus, les larmes me montent aux yeux. Je serre Laura fort dans mes bras.
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Je sens sa tête s'appuyer doucement contre mon cœur. Plus rien d'autre n'a d'importance. Je revis, enfin ! Puis-je ne jamais oublier cet instant. Puis-je ne jamais plus oublier le goût du bonheur. Le monde est merveilleux. Tu es merveilleuse. Je resterai pour toujours avec toi. Je t'en fais la promesse.
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