Le bonheur est fragile, il a besoin de soins,
Comme un pot en argile qui naîtrait de mes mains,
Il est ce que j'en fais, prend la forme que je veux,
Celle d'un jour gai, ou d'un jour pluvieux.

Il demande des tours, et des tours et du temps,
Attention de toujours et de tous les instants,
Car si je le façonne, il peut subir aussi,
Les hivers, les automnes, aléas de la vie.

Rien qu'une maladresse et le voilà brisé,
Un moment de faiblesse, au sol, il est tombé,
Mille éclats de poterie, dans un fracas violent,
Comme autant de débris, s'y répandent maintenant.

Je pourrais les laisser joncher là où ils sont,
Paresse assumée ou manque de passion,
Renoncer à ce pot, symbole de ma joie,
Résignée à défaut de l'avoir pour moi.

Je préfère ramasser ce qu'il reste de lui,
Éviter de blesser qui marcherait ici.
Les mille et un morceaux de ce bonheur perdu
Refondus à nouveau, et dans une seule vue :

Celle d'une nouvelle faïence, plus solide, plus brillante,
Qui trônerait immense, en moi, sans que me hante
Le souvenir du pot que j'ai cassé la veille.
De magnifiques émaux, un bijou, une merveille.

Entêtée jusqu'aux os, armée des bons outils,
Il faut y croire trop, y rêver jours et nuits,
Espérer être aidée par printemps et étés,
A créer avec toi le plus beaux des objets.

MH.