La porte Jaune

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La porte jaune


Mes parents se sont installés en Bretagne lorsque mon père a hérité de la maison de ses parents. Je n'ai pas souvenir de mes grands-parents : j'étais trop jeune à leur disparition. Je ne sais même pas de quoi ils sont morts.

Ma mère est décédée à la naissance de mon petit frère, le benjamin (je suis l'aîné de trois frères) alors que j'avais six ans. Mon père nous a élevés seul et ne s'est jamais remarié.

Dans notre maison, il y a un endroit secret derrière une porte jaune, toujours fermée à clef.

Mon père avait placé un rideau devant, comme pour la faire disparaître, dans le but que nous oublions ce mystère. Ce ne fut pas une réussite : nous avons passé des années, mes frères et moi, à lui demander d'ouvrir la porte.

Mon père a toujours refusé de nous montrer ce qu'il y avait derrière cette porte, mais l'interdit attisait notre curiosité.

Pendant mes années d'enfance, j'ai imaginé toutes sortes d'histoires à propos de ce qu'il pourrait y avoir derrière cette porte. L'histoire de Barbe Bleue m'avait assez impressionné pour que je craigne finalement ce que pouvait contenir la pièce derrière la porte jaune. J'avais alors huit ans. Je passais devant le rideau en courant de peur que la porte s'ouvre subitement et qu'un géant barbu m'attrape et m'enferme avec lui !

Plus tard, j'ai dessiné le plan de la maison pour essayer de deviner la taille de cette pièce. D'après mes schémas, la pièce derrière cette porte était assez grande, de la taille d'une belle chambre à coucher, ou d'un petit studio. Regardant la maison de l'extérieur, aucune ouverture n'existe à l'endroit de la pièce. J'ai vite compris que cette endroit ne voyait jamais la lumière du jour.

Parfois, mon père s'y enfermait pendant des heures. Lorsqu'il franchissait la porte jaune en sortant, il semblait fatigué et avait toujours les yeux rougis. Par l'obscurité, sans doute.


Mon père est mort la semaine dernière. En fait, il a disparu : il a écrit à chacun de ses enfants qu'il avait décidé de partir et que nous ne le reverrions plus. Il était inutile de le rechercher, il avait préparé son départ et personne ne pourrait le retrouver. Il finissait sa lettre par un « Adieu » définitif.

Je ne sais pas pourquoi, mais je ne fus pas aussi surpris que j'aurais pu l'être. Malgré une immense tendresse et beaucoup d'affection mon père avait toujours gardé une part de mystère pour ses fils. Il parlait peu et jamais de choses intimes. Ses traits étaient peu expressifs.

Je repensais à la porte jaune… Je devais la franchir et enfin découvrir ce qui se cachait derrière depuis des années. C'est là que je trouverai toutes les réponses sur mon père et peut-être même les raisons de sa disparition soudaine.

J’entrepris de fouiller méticuleusement la maison pour trouver la clef de la porte. J'ai commencé par les cachettes évidentes puis j'ai affiné mes recherches, retourner les tableaux et les tiroirs, rouler tous les tapis, etc. En vain. Apparemment, mon paternel n'avait pas prévu de divulguer son secret, même en son absence. Ce détail exprimait-il une volonté de retour de la part de mon père ?

Après quelques coups d'épaules douloureux contre la fameuse porte, je me résolu à trouver un autre moyen d'entrer dans la pièce.

J'allai au magasin de bricolage et j'achetai un pied de biche. Avec ça, au moins, je pourrais ouvrir cette satanée porte !

En effet, le bois céda avec facilité, se fendit,et se brisa au niveau de la serrure. Je pouvais entrer.

Avant de pousser la porte jaune, je repris ma respiration.

J’ouvris franchement : la lumière qui jaillit de l'ouverture m'éblouis plusieurs secondes. La lumière du soleil… Venant d'un sombre couloir, mes yeux devaient s'adapter à une telle clarté.

Lorsque ma vue s'habitua, je fis un pas et je pénétrai dans un salon, avec des baies vitrées donnant sur un immense panorama de montagnes désertiques. Je n'y suis jamais allé, mais je pense que ça ressemble à ce que j'imaginais de l'Afghanistan… Bien loin de la Bretagne ! Un canapé spacieux occupait une partie de la pièce, face au désert, ainsi que de larges fauteuils, une table basse et un piano à queue sur le côté. Devant la porte fenêtre entrouverte, une terrasse s’étendait jusqu'à une piscine et une fontaine, un jardin vert et luxuriant finissaient le décor magique. Sur les murs de chaque côté de la pièce où je me trouvais, une double porte ouverte distribuait une salle à manger à gauche et une porte simple en bois sculpté s'entrouvrait sur un bureau à droite. À côté de la porte jaune que j'avais forcée, une autre ouverture avec une arche donnait dans un vestibule. 

Soudain, j'entendis un bruit dans le bureau. Je m'avançais vers la droite, je perçu une silhouette assise au bureau. Je poussai le battant pour entrer.

«  - Ah ! Thomas ! C'est toi ! Je me demandais lequel de vous trois viendrait en premier. Ta curiosité et ta témérité te mènera loin mon fils ! Bienvenu chez toi. »

Mon père ne semblait pas surpris de me voir et surtout : il était bien vivant !

« - Tout cela te semble incroyable… Je le vois bien à la tête que tu fais. Viens t’asseoir ! »  dit-il en me désignant un siège en cuir noir en face de lui.

J’hésitai le temps d'un respiration et je pris place.

« Je vais tout t'expliquer... »

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