Quatrième histoire: Le chat noir (25 Octobre 2021)

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Chloé était concentrée dans ce qu’elle écrivait. Elle adorait écrire ce qui se passait dans ses journées depuis qu’elle avait appris sa grossesse, il y avait deux mois de ça. Elle décrivait ce qu’elle ressentait chaque jour tandis que son bébé grandissait peu à peu dans son ventre. C’était quelque chose de tout nouveau pour elle et pour son mari Bryce. Certes, elle adorait l’écriture et pouvait rester des heures perdu là-dedans, sauf quand son chat noir, Aramis, s’appelait-il, ne cessait de la fixer depuis qu’elle avait appris sa grossesse. Elle était assise dans leur lit, écrivant et perdue dans ses pensées, quand ce dernier était entré dans la chambre, c’était assis en-face du lit et la dévisagea de ses yeux jaune, presque vert, se léchant à plusieurs reprises les babines. Maintenant, lorsque Chloé la voyait faire ça, elle le faisait déguerpir au plus vite. Comme à ce moment, quand elle le remarqua du coin de l’œil dans son champ de vision, elle arrêta d’écrire et lui fit un signe de la main avec son crayon pour la faire partir.

- Dégage Aramis! Lui ordonna-t-elle.

Au même moment, Bryce fît son entrée dans leur chambre. Aramis partit d’un pas de course et faillit presque le renverser en chemin.

- Bon sang! Fit Bryce en regardant l’animal partir en courant dans le couloir.

Chloé soupira de découragement face à l’agissement de son chat.

- Je ne sais pas ce qu’il lui prend, avoua Chloé en reprenant son écriture. Il est tellement bizarre depuis le début de ma grossesse.

- Enfin, il ne fait que te fixer, rien de plus, voulu-t-il dédramatisé la situation.

- Tu crois qu’il est jaloux? S’inquiéta-t-elle en levant les yeux vers lui.

- Peut-être, répondit-il en rigolant. Mais en ce qui me concerne, ce chat est toujours bien attaché à moi.

Il vint prendre place dans le lit, à côté de sa femme et enroula un bras autour de ses épaules.

- Et dire que tu avais peur des chats noir avant de te retrouver avec Aramis.

- J’ai appris à mieux le connaître. Et ce ne sont que des superstitions que j’avais, rien de plus.

- Comme tout le monde.

De son côté, Chloé ne croyait aucunement en ce genre de truc qu’on rapportait à propos des chats noir, comme du fait qu’ils étaient les animaux domestiques des sorcières et de leur couleur noir et on les associait au diable. Tous ces trucs étaient stupides et sans fondement.

- Je t’ai rapporté quelque chose, dit soudain Bryce en retirant son bras d’autour de son cou.

Il fouilla dans la poche de son veston noir et en sortit une petite boîte grise qui avait tout l’air d’y renfermer un bijou. Chloé laissa de côté son journal et examina des yeux la boîte.

- Qu’est-ce que c’est? Demanda-t-elle.

- Un cadeau pour toi. Je l’ai vu dans une boutique tout à l’heure et j’ai tout de suite pensé à toi.

Il laissa l’honneur à sa femme d’ouvrir la boîte en lui tendant dans sa main. Elle lui sourit puis ouvrit le petit couvercle. C’était un collier en or avec une perle mauve au bout. Elle le sortit de la boîte et s’exclama de joie en apercevant cette pierre qui paraissait vraie à ses yeux, et non comme un faux bijou.

- Ça alors, c’est un… collier sublime. Ne me dis pas que c’est un vrai? Dit-elle en tournant la tête vers lui.

- Si, c’est bien un vrai.

Elle ouvrit la bouche de stupeur et observa de nouveau ce splendide bijou.

- Tu… tu n’es pas du tout obligé de me donner ça, tu le sais?

- Je sais. Mais ma femme mérite ce qu’il y a de mieux.

Elle lui sourit puis ils s’embrassèrent tous les deux.

- Tu voudrais peut-être le mettre maintenant? Lui proposa Bryce.

- D’accord.

Elle lui remit le collier et lui tourna le dos tout en retirant sa chevelure blonde de son dos pour qu’il puisse lui mettre son collier. Bryce le détacha, l’enroula autour du cou de sa femme et l’attacha. Chloé se retourna vers lui pour lui montrer le résultat.

- C’est parfait, répondit-il.

Elle adorait en particulier ce bijou aussi parce qu’il était très discret, pas trop voyant.

- Je l’adore, dit-elle.

Celle-ci fût déconcentrée par la présence de son chat noir dans l’entrebâillement de la porte. Il était de retour, assis et les fixait tous les deux, se léchant encore les babines. Chloé poussa un soupir. Quand Bryce se retourna, Aramis se leva et quitta l’entrée de la chambre pour disparaitre dans le couloir. Il se retourna ensuite vers sa femme qui paraissait décontenancer par le comportement de son animal, mais ne dit rien et elle non plus.

Après tout, ce n’était qu’un animal.

***

Elle courait à travers le bois. Elle n’arrêtait plus de courir. Sa longue robe se prenait dans les branches des buissons, dans les épines et se déchiraient, ses pieds étaient devenus douloureux à force de courir les pieds nus à travers la forêt. Elles les entendaient toujours derrière elle, cherchant sa présence et criant de vérifier partout pour ne pas la laisser s’échapper. Tout en courant, elle portait une main à son ventre devenu rond à cause de sa grossesse, et elle avait les yeux inondés par les larmes. S’ils la trouvaient, elle savait qu’elle pourrait perdre cet être cher qui grandissait en elle et d’autre part, qu’elle pourrait elle aussi y passer. Elle connaissait trop bien son mari et savait qu’il réagirait de façon trop excessive une fois qu’il la trouverait.

Elle sortit enfin du boisé et se retrouva dans un grand champ de blé, les herbes brûlés par un récent incendie. Elle aperçut la présence d’une vieille maison en ruine au loin qui avait été calciné par le feu. Mais il n’y avait pas que cela qui l’avait obligé à stoppé. Il y avait ce chat noir…

***

Chloé se réveilla après cet étrange rêve. Depuis quelques jours déjà, elle se rappelait exactement tous les détails de ces rêves qu’elle faisait, et c’était toujours le même. Une jeune femme fuyant dans les bois, vêtu d’une longue robe déchirée et portant un enfant dans son ventre, poursuivit par un groupe d’hommes. De ce qu’elle comprenait, cette femme avait commis un mauvais acte et son mari en avait été frustré. C’est pourquoi elle s’enfuyait comme ça, sachant que son acte serait puni gravement.

Enfin bref, ce rêve ne la réveillait jamais très bien le matin.

Elle descendit pour aller se préparer un café, la tête ailleurs et vêtu de sa longue robe de nuit blanche antique. Tout en préparant ce qu’il lui fallait, elle se remémorait sans cesse son rêve. Elle se rappela qu’elle était comme dans la peau de cette femme lorsqu’elle était en plein sommeil. Parfois, elle se voyait elle-même courir, et parfois de même, elle voyait cette femme sous un autre angle, comme celui d’une caméra qui enregistrait son déplacement. Elle se sentait sans doute mal justement parce qu’elle avait comme vécu ce stress dans son rêve, d’être poursuivit par des hommes. Elle avait véritablement vécu l’émotion, la peur, et avait senti les larmes brûlantes sur ses propres joues.

Son café prêt, elle se servit et se dirigea vers la porte coulissante pour aller à l’extérieur et prendre l’air avec sa tasse de café. Elle avait la tête baissée, et en ouvrant la porte, elle leva les yeux. Elle vit son chat noir, Aramis, de dos à elle, sur le sol et en train de dévorer quelque chose. Elle fronça les sourcils, se demandant ce qu’il avait pu attraper. Peut-être un oiseau, encore. En s’approchant de lui, Aramis se retourna, tenant sa proie dans sa gueule. Chloé poussa un cri de terreur quand elle se rendit compte que ce que son chat tenait, c’était une espèce de cadavre de bébé, et pas n’importe lequel. C’était celui d’un humain, un nouveau-né ensanglanté que son chat avait massacré et qu’il apportait ensuite dans sa bouche comme un fier trophée.

Elle laissa tomber sa tasse sur le sol dehors qui éclata en morceau et le café éclaboussa partout tandis que son chat lui frôla la jambe pour retourner à l’intérieur avec sa proie en sang. Son cœur débattit et elle posa une main sur sa poitrine, les yeux remplit d’effroi. Un instant plus tard, Bryce arriva en courant dans la cuisine et vit sa femme dehors, à l’arrière, le visage déformé par la peur. Il courut pour aller la retrouver à l’extérieur.

- Chérie, que se passe-t-il? S’inquiéta-t-il de son état de panique.

- Ara… Aramis! Bafouilla-t-elle, incapable quasiment d’articuler quoi que ce soit. Il… il tenait un… enfant! Il avait un enfant dans sa gueule!

Bryce dévisagea sa femme, n’étant pas certain de comprendre ce qu’elle racontait. Bryce l’avait pourtant bien vu, le chat. Il était passé juste à côté de lui et il n’avait eu aucune réaction.

- Chloé, de quoi est-ce que tu parles?

- Tu l’as vu comme moi, n’est-ce pas?! Cria-t-elle, ce qui saisit Bryce.

Il retenu sa femme par les épaules et voulut la ramener sur terre, voyant qu’elle perdait les pédales.

- Hey hey, du calme, d’accord! Calme-toi. Tout va bien.

- Non, bien sûr que non! Continua-t-elle d’hurler. Mon chat vient d’entrer dans notre maison avec un cadavre humain dans la gueule et tu me demande de ne pas paniquer!

Elle se mit à pleurer alors que Bryce était sincèrement scandalisé par l’agissement incompréhensible de sa femme.

- Chérie, suis-moi, lui dit-elle tout et la prenant par la hanche pour qu’elle entre à l’intérieur et qu’ils discutent de tout ça dans le calme.

Tremblante, Bryce l’emmena à la cuisine, là où Aramis était. Il dégustait sa proie au beau milieu de la cuisine, ne se préoccupant pas de ce qui se passait derrière lui.

- Enfin, ce n’est pas la première fois qu’Aramis rapporte un oiseau, lui dit bryce. D’accord, d’habitude il ne l’emporte pas à l’intérieur.

Chloé se pencha et pu bien confirmer que son mari ne disait pas faux. Aramis avait bien capturé un oiseau et non un nouveau-née. Elle se redressa et arrêta de pleurer, sans mot. Elle fixait le vide, cherchant une explication à la vision qu’elle avait eue. Son mari lui toucha l’épaule pour qu’elle réagisse.

- Chérie, je vais m’en occuper, d’accord?

Il vit sa lèvre inférieure qui tremblait. Il se mit en travers de son chemin pour qu’elle le regarde dans les yeux.

- Hey, regarde-moi.

Elle plongea ses yeux bleus dans les siens.

- Est-ce que tout va bien?

Elle ravala sa salive, ne sachant pas comment expliquer une telle chose à son mari.

- Je… je n’en sais rien. Je t’assure, je l’ait vu, c’était bel et bien un enfant qu’il avait, pas un oiseau!

- Peu importe, l’arrêta Bryce avant qu’elle se remette à divaguer. Écoute, je pense que tu dois aller t’étendre. Je vais remettre Aramis dehors pour qu’il mange et ensuite je vais ramasser ce dégât.

Elle hocha la tête, d’accord avec cette idée. Le mieux était sûrement qu’elle aille dormir, son sommeil n’ayant pas été réparateur. Elle avait probablement des visions à cause de ce mauvais rêve qu’elle faisait depuis quelques jours et ça se confondait avec la réalité.

Sans insister plus sur ce qu’elle avait véritablement vu, elle retourna à leur chambre, laissant Bryce s’occuper du reste, bouleversé et anéantit.

Chloé n’avait pu fermer l’œil pendant tout ce temps où son mari s’était occupé du chat et des dégâts du café et du sang de l’oiseau dans la cuisine. Certes, Aramis était un vrai chasseur. Il adorait tuer les souris dans la maison et capturé les oiseaux sur le balcon de leur appartement. Cependant, jamais une fois son chat n’était entré dans la maison et dévorer sa proie comme il l’avait fait. Ses visions pouvaient s’expliquer, cette image d’un nouveau-née dans la bouche de son chat alors qu’elle venait de faire un rêve qui avait tout de même un rapport, avec une femme enceinte et un chat noir. Mais le fait qu’Aramis soit entré avec son oiseau dans la gueule, c’était déjà plus inhabituel. On aurait dit qu’il était fière de son coup et qu’il voulait leur montrer.

Pendant qu’elle réfléchissait à tout ça, elle entendit la porte de leur chambre s’ouvrir derrière elle. Quelques secondes ensuite, elle sentit le lit à côté d’elle s’enfoncer et fût rassuré par la présence de son mari. Il posa une main sur son épaule et puis l’embrassa.

- Tu vas mieux chéri? Demanda-t-il.

Elle hocha la tête, même si ce n’était pas tellement le cas.

- Tu voudrais me parler de ce qui est arrivée peut-être?

Honnêtement, elle ne savait pas si elle voulait vraiment en parler. Elle pensait plutôt à oublier cela et passer à autre chose. Elle garda encore le silence.

- Chérie, parle-moi, insista-t-il encore plus.

- Bryce, finit-elle par lui dire. Je n’ai pas envie d’en parler maintenant. Peut-être plus tard.

Voyant que sa femme n’avait toujours pas envie d’en faire part avec lui, il n’insista donc plus.

Il commençant à embrasser son bras. Elle savait qu’il cherchait à la réconforter, toutefois, elle avait envie d’être seule pour le moment.

- Bryce, je t’en prie, lui dit-elle, pas maintenant.

Celui-ci la fixa un instant puis poussa un soupir.

- D’accord, comme tu voudras. Je te laisse seul.

Il débarqua du lit puis il quitta leur chambre en fermant la porte derrière lui. Elle savait qu’il était un peu fâché par sa façon d’agir, surtout parce qu’elle ne voulait pas lui dire pourquoi elle était dans cet état. Mais en même temps, Bryce pouvait comprendre qu’elle avait envie d’être seule avant d’en reparler avec lui.

Laissant sa femme réfléchir et se reposer, Bryce lui écrivit un mot sur un bout de papier qu’il laissa sur le comptoir de la cuisine pour lui dire qu’il allait prendre l’air un peu. Il prit seulement ses clefs et son téléphone puis il quitta la maison.

Il se rendit à l’Old Hollywwod Beerhouse, à quelques rues de sa maison. Lorsqu’il allait prendre un verre ou voulait un temps mort, il se rendait toujours dans ce bar.

En entrant, il fût un peu stupéfait qu’il n’y ait que trois clients seulement, trois hommes seuls, puisqu’à l’habitude, il y avait plus de gens lorsqu’il venait. Il se dirigea tout de suite vers le comptoir et prit place à un banc vide et reculé des autres. Les trois clients présents avaient tous observé Bryce entrer et venir s’assoir. Les trois hommes paraissaient ennuyer à être ici, prenant un verre, solitaire. Peut-être avaient-ils eux aussi des problèmes et venaient se réconforter avec l’alcool?

Le jeune serveur venu voir Bryce et lui demanda ce qu’il désirait boire.

- Whiskey s’il te plaît, dit-il.

Le serveur alla tout de suite lui servir un verre. Bryce sentait les regards de ces trois hommes fixés sur lui, mais ce n’était pas ce qui le dérangeait le plus. Il avait bien sûr autre chose en tête en ce moment, comme l’état de sa femme qui était seule à la maison. L’un de ces vieux hommes se leva de son siège et venu prendre place à quelques bancs de celui de Bryce, emportant son verre avec lui. Il poussa un soupir d’aisance tout en s’assoyant, un peu comme pour attirer son attention. Bryce ne se retourna pas vers ce dernier.

- Dure journée? Commença le vieil homme.

Les deux autres écoutaient leur conversation. Ne répondant rien, le serveur venu lui servir son verre de whiskey. Bryce le cala en une seule gorgée et déposa son verre sur le comptoir.

- Je crois qu’on s’est tous retrouvé ici aujourd’hui parce qu’on en avait besoin, continua l’homme en prenant une gorgée de sa boisson.

Bryce le regarda pour de bon, voyant que cette personne désirait vraiment faire la conversation, sûrement pour passer le temps. Cet homme portait une espèce de chapeau de cowboy sur sa tête, ses cheveux blancs dépassant du chapeau. En fait, il était pratiquement déguisé, prêt à tourner un film dans le far West. Il n’avait pas remarqué en entrant, mais les trois hommes étaient habillés semblablement. Soit c’était une simple coïncidence, ou soit ils se connaissaient tous.

- Ce n’est que passager, répondit Bryce. Ma femme s’en remettra bien.

Le vieillard fût intéressé.

- Vous avez des ennuis avec votre femme? Fût-il curieux de savoir.

Bryce fronça les sourcils et regarda le vieil homme. Pourquoi au juste était-il si curieux de savoir à propos de sa vie privée? Ils ne se connaissaient même pas.

- Mais ce ne sont pas mes affaires, s’empressa-t-il de dire tout en reprenant son verre dans ses mains.

Bryce se laissa par contre emporter dans la conversation, malgré tout.

***

En apercevant ce chat noir dans les herbes hautes, celui responsable de tous ses malheurs depuis sa grossesse, elle fit demi-tour, quand elle vit que les hommes qui la pourchassaient sortaient d’entre les arbres et l’avaient enfin retrouvé. Les yeux inondés par la peine, elle ne sut par où partir. Le groupe d’hommes s’emparèrent finalement de la femme et ils la laissèrent à son sort, son mari se chargeant d’elle.

Quant à ce chat noir, après que le mari se soit occupé de sa femme, l’ayant pratiquement battu jusqu’à mort, il sollicita à ce qu’on brûle cet animal vif. Les hommes se chargèrent ainsi de capturer le chat noir, de le brûler comme convenu, afin que la malédiction s’arrête.

La femme avait perdu son enfant à cause de son mari, prétendant que cet être allait être maudit à cause de ses visions d’un chat noir qu’il croyait responsable du comportement de sa femme…

***

Chloé se réveilla en ouvrant tranquillement les yeux. L’histoire était terminée. Elle s’achevait ainsi, avec une femme perdant son enfant, tout ça à cause de visions d’un chat noir qu’elle se mettait à voir partout. Elle se releva dans le lit, encore comme si c’était elle qu’on avait battue, à qui on avait enlevé son enfant et qu’on s’était ensuite débarrassé d’Aramis. Elle toucha son ventre. Prise d’un coup de panique, elle se leva d’un bond, se rendit à la salle de bain puis ouvrit le robinet pour s’asperger le visage avec de l’eau froide. Elle prit ensuite quelques respirations puis regarda son reflet dans le miroir, la nausée se calmant peu à peu. Elle avait les yeux cernés. Elle manquait de repos.

Tout à coup, sans prévenir, Chloé sentit une légère douleur à son ventre. Pas assez pour en être insupportable, mais assez pour qu’elle se pose des questions. Elle baissa alors la tête et vis quelques gouttes de sang sur le plancher de la salle de bain.

***

- C’est sans doute sa grossesse qui la rend comme ça, commença Bryce à dire aux hommes présents. Au début, tout se passait très bien, mais depuis quelques jours, je le sens plus… différente. Elle refuse encore là de m’en parler

- Ah oui, dit le vieillard près de lui.

- Ça doit être normal, rajouta l’un des autres, assis un peu plus loin dans le bar.

Tout le monde tourna la tête pour le regarder.

Il devait avoir raison. Le comportement de sa femme pouvait très bien s’expliquer. Personne ne savait ce que ça faisait d’être enceinte, sauf les femmes elle-même, bien sûr.

- Peut-être que je devrais lui faire voir un spécialiste pour qu’il examine lui-même son état et dire ce qu’il en pense.

- Croyez-moi, je suis certain que c’est une partie normale de la grossesse, déclara le vieillard près de lui. Je n’y connais rien là-dedans, mais j’ai entendu beaucoup de chose là-dessus.

- Vous pouvez vous imaginez qu’elle craint maintenant son propre chat? C’est vrai, il la fixe tout le temps, mais c’est un chat. Je ne pense pas qu’un animal ait de mauvaise intention envers l’être humain.

- Vous dites qu’elle a peur de son chat? Répéta ce dernier près de lui.

- Ouais, son chat noir, Aramis. Tenez, ce matin, elle était en crise, pensant qu’il s’en était pris à un nouveau-née alors que ce n’était qu’un oiseau. J’ai trouvé cela plutôt curieux comme réaction.

Le vieillard fronça les sourcils face à cette déclaration.

- Je ne sais pas ce qui a pu lui donner une telle vision absurde. Ça m’inquiète, je dois l’avouer.

- J’ai déjà entendu un truc semblable, commença le dernier homme qui n’avait toujours pas parlé.

Ce devait être le plus jeune des trois, sans doute dans la quarantaine, un peu plus vieux que Bryce. Tout en parlant, il gardait les yeux fixé sur son verre sur la table.

- J’ignore par contre si ce truc est vraiment arrivée. Du moins, de ce qu’on dit, c’est une légende de campagne.

- D’où venez-vous? Le questionna le vieil homme.

- Kentucky, répondit-il. C’est justement une histoire que j’ai entendu de là, de ma ville natale.

Bryce était attentif et prêt à entendre ce récit à propos d’une légende qui ressemblait à ce que sa femme vivait.

- On raconte que dans le début des années 1900 je crois, du moins, juste un peu avant la première guerre mondiale, il y avait une femme au village qu’on a qualifié de démon à cause des visions troublantes qu’elle avait au sujet d’un chat noir. Elle était avant tout la femme d’un fermier dans un champ de citrouilles et était ce qu’il y a de plus normale dans le village. Enfin, jusqu’à ce qu’elle se mette à délirer complètement, dit-il avec un petit fou rire.

Bryce ne voyait absolument rien d’amusant dans ce détail, mais il ne répliqua rien, continuant d’écouter.

- Tout ça a commencé après quelques mois de sa grossesse, selon ce qu’on raconte.

***

Elle se mit à respirer plus fort en voyant ces gouttes de sang sur le plancher. Bien évidemment, ça venait d’elle. Elle fût cette fois prise de grosse crampe et elle poussa un cri de douleur, l’obligeant à se mettre à quatre pattes sur le sol. Cette douleur était venue sans prévenir et elle ignorait ce que c’était. Tout de suite, elle pensa à son enfant qu’elle portait dans son ventre. Elle vit maintenant une mare de sang qui s’étendait derrière elle, et rapidement, sa vue commença à se brouiller. Elle se glissa jusqu’à côté de la baignoire puis s’est assis pour tenter de reprendre ses esprits.

Son corps tremblait tellement elle avait peur et qu’elle ignorait ce qui lui arrivait. Elle aurait voulu se remettre sur pied et appeler d’urgence le 911, si bien qu’elle était paralysée par l’affolement, et elle se sentait trop étourdit pour se lever. Elle craignait de tourner de l’œil avant d’avoir atteint le téléphone. Elle se contenta de laisser passer le malaise avant d’essayer de se lever.

***

- Elle n’a rien dit d’abord à son mari, parce qu’elle savait qu’il ne la croirait pas. Mais… dit-il en soupirant… ces hallucinations n’ont pas cessé de la suivre partout, et rapidement, cette gonzesse est devenu cinglé. Elle pouvait l’apercevoir en publique et se mettre à hurler de l’aider.

Bryce se demandait si cet homme n’avait pas inventé toute cette histoire juste pour avoir une conversation amusante et captivante avec les autres dans le bar. Du moins, il en déduit que cet homme n’avait pas toute sa tête et il avait l’allure d’une personne qui voulait attirer l’attention sur lui avec de fausses histoires comme celle-là.

- Et après? Voulu quand même savoir la suite Bryce.

- Eh bien son mari l’a forcé à parler. N’ayant pas eu d’autre choix, elle lui a dit ce qu’elle voyait, et il l’a immédiatement prise pour une folle. Il y avait des gens sur la plantation ce jour-là, tous des fermiers, et il s’est mis à battre sa femme sous leurs yeux. Elle a réussi à s’enfuir, mais son mari a ordonner au fermier de la poursuivre et de la rattraper, chose qu’ils ont fait.

***

Ça ne passait pas. Elle était toujours appuyé le dos contre la baignoire, perdant son sang. À un moment, elle baissa la tête et vit à travers cette espèce de brouillard qui se formait devant ses yeux que son chat était planté devant la porte de la salle de bain, léchant ses babines, encore. Elle était faible. Elle n’arrivait plus à se relever, comme étant cloué sur le sol. Tranquillement, elle se sentait partir dans l’assoupissement. Elle aurait voulu appeler à l’aide, or, personne ne l’aurait entendu.

***

- Ils l’ont poursuivi pendant longtemps dans la forêt. Jusqu’à ce qu’elle s’arrête au beau milieu d’un autre champ, là où une maison calcinée avait brûlé il y avait quelques jours déjà. L’odeur de la fumée se sentait encore. Quand ils l’ont capturé, le mari ordonna à ce qu’on la ramène chez elle, et juste avant de partir, il aurait vu ce chat en question, celui dont sa femme disait avoir eu des visions. Vous savez ce qu’on croit des chats noir, bien sûr? Demanda-t-il en regardant tout le monde.

- Ouais, ces foutus bestioles! Dit celui assis plus loin dans le bar.

Certes, Bryce savait de quoi il parlait. Il avait été l’un d’eux auparavant qui avait cru aux mauvaises choses à propos de ce félin, ces trucs idiots, jusqu’à ce qu’il s’attache à Aramis.

- Eh bien, pensant que sa femme était devenue possédé par le diable, à cause de cet animal, il a ordonné à ce qu’on retrouve le chat et qu’on le brûle vif.

- Et ils l’ont fait? Demanda le vieillard.

- Ouais. Ils lui ont jetés de la paille et l’ont ensuite embrasé avec leur torche en feu.

Bryce poussa un soupir discret et demanda au serveur de lui apporter un autre verre. Les deux autres hommes eux, comparer à Bryce, était perdu dans ce récit qui n’avait plus aucun sens.

- Le mari lui a battu sa femme, presque à mort. Elle a ainsi perdu son enfant.

Puis il arrêta de parler.

- C’est une histoire bien bizarre et surtout très stupide, déclara-t-il, son histoire terminé.

Rapidement, ces hommes entamèrent une toute nouvelle conversation qui n’avait plus aucun lien avec ce dont ils parlaient. Bryce en avait assez d’être dans ce bar. Il cala son verre que le serveur venait de lui apporter et il laissa l’argent avant de repartir.

Il retourna tout de suite chez lui. En entrant dans l’appartement, Bryce appela sa femme.

- Chloé? C’est moi!

Elle ne lui répondit pas. Il jeta les clefs sur le divan du salon en passant devant la pièce et jeta un œil dans la cuisine. Sa femme n’était pas là. Elle devait sans doute s’être endormit. Il passa par le réfrigérateur pour se prendre une bière. Il ferma la porte, retira le bouchon tout en se dirigeant vers leur chambre. Il ouvrit la porte et vit qu’il faisait toujours noir dans la pièce, que le rideau n’était pas ouvert. Aucune présence de sa femme dans leur lit. Elle devait être partit à la salle de bain dans ce-cas. Il longea le même couloir et remarqua que la porte de la salle de bain, c’est-à-dire elle tout au fond, était ouverte et que de la lumière en sortait.

- Chérie, je suis là, dit-il, sa bière à la main et se dirigeant vers la salle de bain.

Il arrêta de marcher en entendant un drôle de bruit provenant de cette pièce. C’était à peine perceptible, mais ça le laissa perplexe. C’était un espèce de bruit de mastication. Il s’approcha lentement de la salle de bain. Il n’avait pas encore passé l’entrebâillement de la porte qu’il vit une mare de sang provenant de la pièce et qui coulait presque sur le plancher hors de la salle de bain. Son cœur débattit en voyant une telle chose. Il se précipita donc dans la pièce. Plus jamais il n’allait oublier cette image horrible. Ça le hanterait à jamais. Chloé était morte au bout de son sang. Elle avait fait une fausse couche. La salle de bain baignait dans son sang, mais ce n’était pas le plus horrible de l’histoire. Le pire, c’était qu’Aramis était là, près de son corps et qu’il dégustait avec grande appétit quelque chose qui avait tout l’air d’être son fœtus sur le plancher, l’enfant que sa femme aurait mis au monde. Ses deux jambes furent comme coupée. Il se laissa tomber à genou, devenu muet. Le chat noir se retourna vers lui, le visage barbouiller de sang et léchant avec vigueur ses babine. Ce dernier marcha dans le sang par terre, passa à côté de Bryce et disparut dans le couloir, laissant des traces de trainée rouge derrière lui, et un homme au bord du gouffre.

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