Huitième histoire: Sanctification (29 Octobre 2021)
Je marchais, profitant du beau temps à l’extérieur, avec ce somptueux coucher de soleil à l’horizon qui scintillait de mille feux. Le ciel avait pris une couleur orangé, d’une façon dont je ne l’avais encore jamais vu. Je sentais l’automne approcher à grand pas, de toutes les façons, que ce soit dans l’air ou dans la température qui entrait en contact avec ma peau, sous mon manteau. Il y avait un peu de vent, mais il était réconfortant et un juste peu froid. Les feuilles qui tombaient des arbres virevoltaient devant moi au rythme du vent qui soufflait agréablement. Pourtant, malgré ces détails rassurants, aucune présence humaine à l’horizon. Il n’y avait que moi et cette odeur d’arbres brulés. Y avait-il eu un incendie tout près il y avait quelque temps?
Pas un bruit. J’étais seule, errant à travers un petit sentier, celui que j’empruntais toujours pour me rendre au lac près de ma maison.
Cet endroit où j’allais me faisait tellement de bien en moi. C’était une façon de relaxer tout mon esprit en ce moment un peu mélangé.
Sûrement étais-ce mon intuition, mais il y avait quelque chose de changer par ici. L’atmosphère n’y était pas la même. Je ne sais pas pourquoi.
J’aperçu enfin le petit pont de brique devant moi, qui s’étendait au-dessus de la petite rivière. Je trouvai cette fois l’air un peu plus désagréablement froide. Bien sûr, il n’y avait plus d’arbres autour pour faire une espèce de camouflage dans le sentier.
Le crépuscule approchait tranquillement. Cela pouvait expliquer le changement de température aussi brusque. Et au bord d’une rivière, l’air est toujours plus différent qu’à la normale.
Je fis ainsi quelques pas pour me retrouver sur le petit pont, les yeux rivés sur la rivière et le début du ciel orangé au loin. C’était d’une beauté inexplicable.
Je sentis d’emblée un courant d’air frais me traverser le corps, ce qui m’obligea même à m’arrêter presqu’au milieu du pont. J’observai autour de moi et des feuilles tombés au sol se sont tous regroupés devant moi, poussées par le vent. Bientôt, elles formèrent une minuscule tornade et quelque chose s’y forma à l’intérieur. Une très grande silhouette sous une cape noire était apparue juste devant moi, parmi ces feuilles changées par l’automne. Je fis un mouvement de recul en voyant un visage squelettique sous cette cape. Cet individu était d’une grandeur surprenante. Il n’y avait personne d’aussi grand sur cette terre. Bonté divine, je devais perdre mes esprits! Je clignai des yeux plusieurs fois, espérant voir cet être disparaître, mais, il était toujours présent. Sa cape flottait au vent et ses yeux illuminés par une petite lueur qui me fixait sans rien dire.
- D’autre gens sont morts avant toi en ayant passé sur ce pont, me dit une voix masculine, mais un peu déformer comme par une seconde voix en lui.
- Doux Jésus, dis-je, je suis sûrement au beau milieu d’un rêve.
- Non, répondit-il franchement. Tu ne rêves pas.
Peut-être faire demi-tour et revenir plus tard. Il sera probablement partit et je l’aurai oublié.
- Mais même si d’autre comme toi ont connus la mort sur ce pont, je te laisserai une chance.
- Dite-moi qui vous êtes? Un fantôme?
- Je suis la mort en personne, déclara-t-il en faisant une révérence devant moi.
C’était sans doute la chose la plus absurde et inconcevable que je n’avais jamais entendu de toute ma vie. Alors comme ça, la mort était une personne? J’avais bien de la difficulté à gober un truc pareil.
- Je vois, dis-je en rigolant un peu.
- Peut-être que tu t’amuses en ce moment, mais tu ferais mieux de réfléchir avant de croire quoi que ce soit.
Je repris vite mon sérieux. Cet être était bien sous mes yeux, je devais l’admettre, après tout.
- Très bien monsieur… la mort. Que me vaut cette visite?
- D’autre avant toi ont dû mourir à cause de ce qu’ils ont commis dans leur vie, et ce, ici même. Mais si je te donne une chance encore pour te rattraper, c’est sans doute parce que tu peux arriver à redevenir un homme saint.
- Redevenir saint? répétais-je.
- Oui, parce que tu es maudits maintenant, Ethan.
- Quoi? Comment… savez-vous mon nom?
- Les êtres venus du ciel savent ces choses-là.
Je ravalai ma salive. Si je rêvais, dans ce-cas j’étais certain qu’une fois à mon réveil, j’écrirai un scénario sur cette rencontre avec la mort en personne qui paraissait savoir tout de moi sans même m’avoir vu.
- Dis-moi, sais-tu ce que signifie la sanctification?
Je creusai un instant dans mon esprit. Si, j’avais déjà entendu ce terme employé dans des conversations, mais le sens ne m’était pas tellement clair.
- Expliquer-moi.
- La sanctification vise le processus pour rendre une personne complètement sainte. Ce qui sera ton cas, Ethan.
Très bien, néanmoins, cette brève description n’expliquait pas en quoi consistait ce processus pour me rendre saint. Et qu’avais-je fait au juste pour avoir eu droit à une visite de la mort? Elle ne m’avait certainement pas choisit par hasard pour descendre de son nuage et venir me voir sur ce pont.
- Soit saint parce que Dieu est saint, cita-t-il.
- Quoi? dis-je.
- Voilà en quoi consiste ton devoir.
- Mais… quel devoir? Expliquez-vous.
Aurais-je droit à un rituel sacré ou un truc d’église? Et puis je ne connaissais rien là-dedans. J’avais aussi le droit de savoir pourquoi on me soumettait à ce genre d’absurdité.
- Monsieur, puis-je savoir pourquoi je suis visé dans cette affaire de… sanctification?
- La seule et unique chose que tu dois savoir, c’est ce que je te dirai. Ce processus se fera en trois étapes. Ce qui signifie que tu devras accomplir trois tâches que je te donne, et tu ne dois en aucun cas les échouer.
Même si je connaissais la réponse à ma future question, je la posai quand même.
- Et si je ne le fais pas?
- Tu mourras, comme tous les autres avant toi.
C’était pourtant évident. Je m’adressais à la mort. Elle se chargerait personnellement de venir me chercher le moment venu.
- Si j’étais toi, je me définirais chanceux, parce que personne n’a eu autant de chance de pouvoir se rattraper. La vie n’est pas toujours juste.
- La mort n’est pas toujours juste, rectifiais-je.
La mort, elle-même ciblé, se tût un instant.
- C’est toi qui verras. En attendant, je te donne ta première tâche. Et une fois accomplit, tu devras revenir me voir ici, sur ce pont, et je te donnerai ta deuxième tache. Ainsi de suite, jusqu’à ce que tu sois redevenu saint.
Je ne parlai pas pendant quelques secondes. Je n’allais tout de même pas de risquer de mourir si jamais finalement ce n’était pas un stupide rêve.
- D’accord, répondis-je, sûr de moi.
- Ta première tâche consistera à tuer ton pire ennemi.
Les frissons me parcoururent le dos. Je devais vraiment faire cela, tuer mon pire ennemi? C’était sérieux?
- Ai-je un certain temps pour commettre cet acte?
Ce fût la seule chose que je me suis permis de demander.
- Si j’étais toi, je ne perdrais pas mon temps.
Je comprenais tout à fait le message. Je devais accomplir ma tâche, ou c’était la mort, point final.
Sur ce, je tournai le dos à la mort en personne, descendit du pont, ne tardant pas à aller accomplir ma première mission. Tuer mon pire ennemi à vie.
***
Sean Churchill, voilà qui était mon pire ennemi en ce monde. Nous nous connaissions depuis le secondaire, et jamais une fois nous avions éprouvés de l’affection l’un pour l’autre. Déjà, tous les deux, nous étions constamment en compétition à l’école. Qui était le plus populaire d’entre nous? Qui était le plus beau? Qui était le plus gentil? Ensuite, il y a eu toutes ces filles qu’il m’avait enlevées sans pitié. Je tombais amoureuse de l’une d’elle, il le savait, puis il faisait tout pour me la prendre. Ainsi de suite. Jamais je ne l’es aimer et jamais je ne l’apprécierai. Ce devait être réciproque de son côté.
Je savais exactement où trouver Churchill. Je le voyais toujours trainer dans ce vieux bar avec des amis à Athlone, et il portait très bien son nom. Sean’s bar, comme son prénom. Parfois, je me demandais s’il n’était pas l’heureux propriétaire.
Je rentrai dans le bar vers 20 heures et 14 précises. J’avais fait tout ce chemin, de la petite rivière jusqu’au bar qui était près de chez moi, à pied. En entrant, de nombreux regards curieux se tournèrent sur moi. C’était plein à craquer. Je restai planté dans l’entrée du bar et chercha des yeux ma cible. Je l’aperçu sans tarder, assis au bar avec quelques copains et rigolant comme un vrai fou.
Très bien, donc, je devais l’assassiner devant tout le monde? Bizarrement, je ne me sentais pas si lâche de faire un truc pareil. Je n’étais pas anxieux ni contre l’idée. Peut-être que la mort m’avait donné une espèce de… courage pour faire cette tâche. Ou c’était totalement dans ma tête.
- Hey, Churchill, l’appelais-je, restant sur place.
Instantanément, tout le monde s’était tût et ils me dévisagèrent, dont Sean. Il déposa son verre sur le comptoir et leva la tête dans ma direction.
- O’Brien, souri-t-il de façon mesquine.
Il se leva de son banc et leva les bras en l’air en disant :
- Qu’est-ce que mon vieil ami vient faire ici!? dit-il sarcastiquement.
Un sourire se dessina sur mes lèvres.
- Je me demandais la même chose que toi.
Mon plan était déjà tout fait. Je savais parfaitement comment m’y prendre.
Je quittai l’entrée et m’avança lentement dans le bar, tout le monde me regardant. On entendait seulement une mouche volé. Je m’arrêtai tandis que je fus à quelques centimètres de lui.
- Quelque chose m’est arrivée ce soir, dis-je en regardant son verre sur le comptoir.
J’ignorais son contenu, mais il me serait bien utile.
- Tu sais O’Brien, je me fiche pas mal de ce qui t’arrive en ce moment.
Ce commentaire fit rire quelques-uns de ses copains.
- Tu ne me prendrais pas pour ton psychologue privée?
- En fait, j’avais plutôt une question à te poser, Sean.
- Eh bien vas-y, dit-il en regardant les autres dans le bar, vraiment curieux de connaître la suite.
C’était comme si tout le monde savait que nous étions en rivalité. Tout compte fait, ça se voyait bien que ce n’était pas l’amour fou entre nous deux.
- J’ai un dilemme très important en ce moment. Je me demandais si toi tu choisirais la bonne option parce que c’est crucial et… j’avais besoin d’un avis.
- Pff… fit-il en riant.
Ceci causa l’hilarité dans le bar. Cela était déjà bien assez pour prendre ma décision.
- Tu es cinglé ou quoi? dit-il, toujours en rigolant. Tu sais, moi aussi j’ai un dilemme en ce moment. Ce sont deux choix très difficile. Soit je reste là à ne rien faire et à t’ignorer, ou soit je te flanque mon poing dans la figure.
Les gens se mirent de nouveau à éclater de rire.
Je fixais Sean droit dans les yeux et je ne bronchais pas. Bientôt, toute cette humiliation sera terminée. Je ne l’aurai plus dans mes pattes.
- Je vois, dis-je, très calme. Ton conseil m’a été très utile, Sean.
J’empoignai le verre de mon adversaire et lui jeta en plein visage, l’objet éclatant en morceaux sur son crâne. Le corps de Sean s’écroula au sol et il se prit la tête de douleur. Quelques-uns dans le bar s’étaient levés de leur chaise, alarmée. Étourdit par le choc reçu sur sa tête, je l’empoignai par le collet puis lui plaqua le dos contre le comptoir, et il grimaça de douleur. Je lui envoyai plusieurs coup de poings au visage alors que notre publique était scandalisé, figé par cette scène à laquelle ils ne s’attendaient aucunement.
Ensuite, je le tournai de dos à moi, de son côté, incapable de se défendre. Je lui pris la tête en le tirant par les cheveux et le frappa brusquement contre le comptoir. Il tomba raide mort sur le plancher, le crâne défoncé et en sang. J’étais essoufflé et mon poing était couvert de son sang. Les gens dans le bar me dévisageaient, leur bouche grande ouverte, ne pouvant croire qu’ils venaient d’assister à un tel truc débile. Rapidement, je me rendis compte de ce que je venais de commettre, et je fus pris par la panique. Je suis partit d’un pas de course pour sortir du bar. Bon sang, je venais vraiment de tuer un homme, et devant plein de gens en plus! Et qu’est-ce qui m’avait pris au juste?! Pourquoi est-ce que j’avais écouté cet être qui n’était peut-être même pas réel finalement?!
Allais-je avoir cette mort sur la conscience?
***
J’étais revenu au pont, au-dessus de la rivière, comme prévu, là précisément où j’avais rencontré la mort. C’était le crépuscule. Je voulais voir si je n’étais pas taré, qu’elle existait vraiment et qu’elle m’avait demandé de faire cette tâche.
Au même endroit que tout à l’heure, au milieu du pont, le vent souffla, les feuilles se regroupèrent et la silhouette sous une cape noire s’y forma à nouveau. C’était encore elle, la mort.
Mon sang se glaça. Non, je n’avais pas imaginé son apparition.
- Te revoilà, dit-il de sa voix ténébreuse.
- J’ai… accomplit la tâche que vous… que vous m’avez demandé, bafouillais-je.
- Je sais.
J’étais idiot. Cet être savait tout, bien évidemment, et il savait surtout quand venait le temps d’aller chercher les gens pour leur heure de mort.
- Que dois-je faire maintenant?
- Ta deuxième tâche.
- J’espère que ce ne sera pas encore un assassinat.
Il ne répondit pas.
C’était ridicule. À cause de ça, j’aurai la police à mes trousses. Ma vie était terminée.
- Je vous en prie, dis-je en me laissant tomber sur les genoux, devant la mort. Puis-je avoir la conviction que je serai en sécurité, que personne ne pourra m’arrêter à cause de ce que j’ai fait?
Sans expression, il me regardait et je ne savais pas ce qu’il pensait. C’était un fantôme, comment pouvait-il éprouver de la pitié pour moi, et surtout avec le genre de métier qu’il exerçait.
- Ne fait qu’accomplir ta deuxième tâche, fût sa réponse. Ce doit être la seule chose auquel tu dois te soucier.
- Je vois.
Je me relevai, me sentant tellement bouffon de m’être prosterner devant la mort pour lui demander une
faveur.
- Qu’est-ce que je dois faire? demandais-je, après m’être raclé la gorge.
- Va retrouver ta femme chez toi, et ramène-la à la vie grâce à ceci.
- Quoi? dis-je, incertain d’avoir bien saisit.
La mort fouilla de sa main squelettique dans sa cape et en sortit une pierre bleu foncé. Elle me l’a tendit
dans la paume de ma main. J’examinai cette pierre avec grande attention.
- Qu’est-ce que c’est? le questionnais-je.
- L’objet qui t’aidera à la ramener à la vie.
Ramener à la vie? J’étais perdu. Pourquoi ramener ma femme à la vie si elle était bien vivante, m’attendant chez moi?
Oh dieu du ciel… je venais de me rappeler de tout. Il y avait eu une raison pourquoi j’étais venu me promener sur ce pont ce soir. Je me souvenais ce que j’avais faire juste avant ça. J’avais assassiné ma femme, Keira! Le choc avait dû me faire oublier pourquoi j’avais quitté mon domicile.
Je me rappelais également pourquoi j’avais fait commis cet acte irréparable. J’avais appris, en rentrant du boulot, que Keira avait eu une liaison secrète avec Sean Churchill. C’était elle qui avait voulu m’en faire part, je ne sais pas pourquoi à ce moment, et elle m’avait supplié de la pardonner pour ce qu’elle avait fait et qu’elle n’avait pas voulu me blesser. Je lui avais tout raconté sur mon lien avec ce Churchill quand je l’ait connu. Elle était au courant de tout. Et voilà qu’elle m’apprenait avoir eu une relation intime avec lui? Je ne l’avais tout simplement pas pris. Après tout ce que cet être horrible être m’avait fait enduré, j’ai… j’ai dépassé les bornes, tout bonnement. J’ai pris un couteau et je l’es poignardé jusqu’à ce qu’elle meurt au bout de son sang.
Revivre cette scène me tortura plus que tout. Je refermai ma main sur la pierre et me tenu le ventre de douleur alors que je me mettais à sangloter, sans aucune pitié de la part de l’être devant moi.
- Qu’est-ce que j’ai fait! dis-je en regardant vers le ciel. Pourquoi est-ce que j’ai fait ça putain!?
Je passai de nombreuses minutes à vider mon corps de toutes les émotions possibles à avoir, chagrin, peur, désespoir, regret et frustration.
Mais tôt ou tard, j’aurai cette chance de pouvoir ramener Keira à la vie. La mort m’en donnait une chance.
Je rouvris ma main et fixa la pierre bleu en forme ovale dans ma paume. Puis je levai les yeux vers la mort, toujours là à me regarder.
- Cette pierre… vous… vous dites qu’elle peut ramener ma femme… à la vie?
Il hocha la tête.
- Garder la pierre dans votre main lorsque vous serez près de son corps. Ainsi, l’énergie de la pierre fera son devoir.
- Et ensuite?
- Une fois fait, vous reviendrai me voir une dernière fois, et je vous donnerai votre dernière tâche.
Je hochai la tête. On me donnait la chance de réparer une erreur que j’avais commise. Je ne pouvais pas rater cette occasion.
***
Était-ce pour cela que je devais être sanctifié? Parce que j’avais assassiné ma femme? Et pourquoi Sean lui, qui savait que ma femme était marié, avait osé la toucher? Et je me rappelais son meurtre dans le bar. Après tout, ce devait être ça sa punition.
Je retournais chez moi à pied. Nous habitions près de ce petit pont, dans un cottage, bien tranquille, au milieu de cette nature. Pas une seule seconde je n’avais lâché la pierre. J’avais le poing fermé, souhaitant ne pas l’échapper sur mon chemin.
Je vis enfin notre maison se dessiner, et mon cœur s’alourdit. Ma femme m’y attendait à l’intérieur, ou du moins, son cadavre m’y attendait. Je marchai sur le petit sentier qui menait jusqu’au petit cottage.
Arrivée sur le seuil, je vérifiai si la pierre bleue était toujours dans ma main. Elle y était. Inspirant, je tournai la poignée de la porte puis entra.
Il y régnait l’odeur du bois qui avait brûlé dans le foyer. Oui, je me souvenais que ma femme avait fait un feu quand je suis arrivée. Maintenant qu’il ne brûlait plus, il faisait terriblement froid.
Je vis le corps de Keira étendu par terre, sur le tapis devant le foyer en question. Elle était vêtue d’une robe blanche d’automne, mais était tâché par son sang. Oui, je me souvenais.
Je serais ma main libre contre ma poitrine et me cloua contre la porte. Les lèvres tremblantes, j’articulai :
- K… Keira…
Quand j’en eu le courage, je m’avançai très doucement vers son corps. Je m‘agenouilla près d’elle et repoussa les quelques mèches de cheveux blondes de son visage. Ses yeux étaient clos et je voyais qu’elle avait souffert tandis que je lui avais planté ce couteau dans le ventre. Mes yeux s’inondèrent d’eau tandis que je pris délicatement sa tête pour la relever et la regarder.
- Pardonne-moi chérie, dis-je en pleure.
Sa peau était tellement glacée, et étrangement, son corps était mou. Il n’était pas raide, comme il aurait dû l’être après toutes ces heures sans vie. Ce n’était pourtant pas ce qui me préoccupait.
Je restai agenouillé auprès d’elle, la serrant dans mes bras, quelques minutes, quand soudain, je sentis son cou se raidir dans ma main. Je relevai la tête, laissant tomber une larme, et je vis ses yeux bleus s’ouvrir tranquillement. Les premières secondes, elle ne savait pas où elle se trouvait, et surtout, ce qui lui était arrivée. Puis ses yeux plongèrent dans les miens une fois revenu sur terre. Un sourire radieux se dessina sur ses lèvres.
- Ethan?
- Keira?
Je touchai sa joue et elle fit de même.
Ça avait fonctionné! Je n’en revenais pas! Quel était donc cette magie!?
- Oh mon dieu!
Je la serra fortement dans mes bras, tellement content… je ne savais pas comment décrire la joie que j’éprouvais de la voir revenir à la vie comme par magie. C’était tout simplement comme un rêve, une fausse belle image qui allait disparaître.
- Je n’arrive pas à croire que tu es vivante, dis-je avec des larmes de joie.
Je la serrais si fortement contre moi qu’elle n’arrivait plus à bouger. Elle me tapota le dos en guise de réconfort.
- Je suis là maintenant, me dit-elle d’une voix rassurante.
Je la libérai pour de bon puis l’observa dans les yeux.
De son côté, Keira avait-elle oublié ce que je lui avais fait? De ce que je constatais dans son visage d’ange, blanc comme neige, elle n’avait le souvenir de rien. Et comme par enchantement, le sang sur sa robe avait disparu. Peut-être avais-ce été le but justement de recommencer à zéro, de me laisser une deuxième chance?
Je me dégageai alors qu’elle se remit debout. Nous restâmes tous les deux, l’un devant l’autre, à contempler l’autre de la tête aux pieds. Inconsciemment, j’avais toujours la pierre dans ma main, fermé comme un poing.
Elle était tellement resplendissante et souriante. Je ne l’avais pas vu comme ça depuis des lustres.
Elle leva le bras vers moi, comme une incitation à partager une danse avec elle. Je regardai sa main puis leva celle qui était libre pour prendre la sienne qui était de glace.
Puis inconsciemment, je laissai tomber la pierre de ma main et elle a rebondit sur le plancher.
Je ne pensais même plus à cet objet. Il n’y avait plus que ce moment avec ma femme qui comptait.
Nous nous sommes mis à danser un solo ensemble, sans aucune musique. C’était un instant magique, hors du commun. Comment aurais-je pu penser un jour pouvoir la ramener et pouvoir ensuite danser avec elle? Ça n’arrive jamais. Je devais me compter chanceux.
Intérieurement, je remerciais la mort.
J’approchai le corps de ma femme contre le mien et la serra dans mes bras. C’était grâce à elle tout ça.
Subitement, je sentis son corps se relâcher dans mes bras. Tout de suite, je la lâchai et constata avec inquiétude que son visage avait perdu le sourire.
- Chérie…
Son regard redevenait celui qu’elle avait lorsque je l’avais poignardé, la vie la quittant peu à peu.
Une tâche de sang se forma au milieu de son ventre, tâchant sa robe, et elle baissa la tête.
- Non! suppliais-je.
Son corps allait s’effondrer sur le sol, mais je la rattrapai juste à temps. Elle était redevenue comme une poupée de chiffon. Elle ne bougeait plus, ses yeux fixant le plafond.
- Chérie, regarde-moi!
Je savais que c’était terminé.
- Je t’en prie, ne meurs pas!
Malheureusement, je devais accepter la réalité. J’avais échoué ma tâche.
Constatant que je n’y pouvais plus rien y faire, j’éclatai en sanglot.
Tout ça était de ma faute. Keira aurait dû se taire et ne rien me dire, comme ça je n’aurais pas péter les plombs et je ne l’aurais sans doute pas tué, trop emporté par les émotions. Je ne serais pas devenu un criminel. Pourquoi est-ce que j’avais laissé tomber cette foutu pierre par terre?!
Mais bien sûr, la pierre bleue! Je reposer le corps par terre et regarda derrière moi, cherchant la pierre sur le plancher que j’avais laissé tomber. Elle n’était plus là.
- Tu as bel et bien réussis, me dit une voix ténébreuse et familière.
Je levai la tête et vis dans l’obscurité du coin de la pièce la silhouette caché sous sa cape noire, la mort. Seule la lueur de ses yeux se voyait à travers le l’obscurité.
- Où est la pierre? demandais-je.
- Tu n’en as plus aucun besoin.
- Je vous ordonne de me redonner cette pierre! criais-je, hors de moi.
- Je t’ai dit que tu avais réussis, Ethan.
Je jetai un œil au corps de ma femme derrière moi, toujours étendu par terre, sans vie.
- Mais… pourquoi dans ce-cas est-ce qu’elle… est toujours morte?
Je ne comprenais rien.
- Je t’avais bien dit de la ramener à la vie, mais ce n’était pas pour toujours.
- Juste quelques minutes. Vous vouliez que je la ramène seulement pour quelques minutes!
- Les êtres morts restent morts.
Cette fois, je fus pris d’une rage soudaine. Cet être maudit détenait ma femme, il avait choisi sa mort. Je me levai d’un bond et cria tout en fonçant droit sur cet être. Pourtant, mon corps de heurta contre un mur. Je tombai sur le sol, étourdit.
- Je suis la mort, Ethan, me dit sa voix désormais derrière moi.
Allongé à moitié par terre, je vis qu’il était maintenant devant la porte d’entrée. Ma vue était légèrement flou.
- Personne ne m’échappe.
Tout mon corps se relâcha d’un coup puis je m’allongeai sur le plancher, n’ayant plus aucune force à l’intérieur de moi pour continuer de lutter.
La mort se trouve juste à côté de moi et je vis son visage squelettique se pencher au-dessus du mien.
- Voilà ta troisième tâche, Ethan. Avec ces deux crimes que tu as commis, tu devras maintenant te cacher jusqu’à la fin de tes jours afin d’éviter qu’on te retrouve.
- Que voulez-vous dire par jusqu’à la fin de mes jours?
- Jusqu’à ce que ton temps soit venu.
Autrement dit, jusqu’à ce que la mort décide du temps où je devrai quitter cette terre.
- Et si je n’y arrive pas? questionnais-je, au désespoir.
- Tu connais dans ce-cas le sort qui t’attend.
Il me tourna le dos, puis rajouta :
- Prend la meilleure décision.
C’est ainsi que la mort me quitta.
J’étais resté longtemps songeur sur cette dernière tâche à accomplir. Parce que oui, j’avais véritablement pensé que de m’enlever la vie serait la solution la plus facile à mes problèmes. Toutefois en y pensant de façon raisonnable, je n’avais pas envie de laisser la mort gagner aussi facilement contre moi. Je croyais au début que c’était de sa faute, mais en fait, elle n’y était pour rien. J’avais moi-même provoqué cette catastrophe dans ma vie, et c’était à moi de réparer mes erreurs.
Au début, je me demandais comment j’arriverais à fuir toute ma vie pour éviter qu’on me retrouve. Puis au fil du temps, j’ai appris à rester cacher et je me suis formé une toute nouvelle vie, sous une autre identité. Ethan O’Brien était mort, dans un certain sens, et il avait renaît dans une nouvelle identité, une nouvelle personne, qui trouva l’amour ailleurs sur le globe. Et avec cette femme, j’avais eu l’être le plus cher à mes yeux. Mon petit garçon, Baylee.
Je pense avoir bien accomplit mes tâches et que j’avais fait la paix avec la mort. J’étais prêt maintenant à ce qu’elle vienne me chercher quand il sera mon tour.
C’était arrivé un soir alors que je mettais mon garçon au lit. Il n’avait que 9 ans et j’étais rendu dans la cinquantaine et je souffrais d’un cancer. Je savais que d’un jour à l’autre, ce moment viendrait.
Je me rappelle que Baylee m’avait dit ce soir-là qu’il avait peur, peur qu’on vienne m’enlever à lui. Puis, du mieux que j’ai pu, avec mon expérience, je les rassuré, juste avant qu’il s’endorme.
Ce fût la dernière chose dont je me souviens.
***
Baylee s’agita légèrement dans son lit. Il avait fini par s’endormir après que son père l’ait rassuré. Depuis quelques jours, il faisait des cauchemars où son père mourait, et ce soir-là, il avait voulu lui en parler. Bien sûr, Baylee ne comprenait pas encore tout à fait le principe que tout le monde mourait un jour, si bien que son père arrivait à lui expliquer les choses pour qu’il les comprenne mieux.
Un courant d’air glacial s’installa sous ses couvertures, ce qui le réveilla en sursaut. En ouvrant les yeux, il était du côté de la fenêtre de sa chambre. Sa fenêtre n’était pas ouverte. D’où pouvait provenir ce courant d’air froid? Il tourna la tête en direction de sa porte de chambre qui était ouverte et qui donnait sur le couloir. Il y avait quelque chose dans le couloir, devant sa porte. Un être extrêmement grand, vêtu d’une cape noir avec un visage squelettique qui le fixait de la lueur de ses yeux.
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