Neuvième histoire: Olivier (30 Octobre 2021)

9 minutes de lecture

- Lény! Lény! Regarde-moi!

Je ne supportais plus de l’entendre sauter comme un vrai fou sur son lit, à côté de moi. J’avais les yeux rivés sur mon écran de portable, faisant défiler les conversations sur Instagram, et bientôt, je sentais que j’allais m’impatienter et sauter à la gorge de mon petit frère.

- Lény! prononça-t-il mon nom de nouveau.

J’allais m’apprêter à me redresser du lit à côté de mon frère quand, heureusement, ma mère et mon père firent leur entrer dans la chambre. Quelle chance, parce que j’aurais sérieusement pété un câble.

- Très bien les gars, nous partons, déclara ma mère sur un ton un peu trop enthousiasme.

- Ah oui, dis-je sans grande exclamation.

- Tu prendras soin de ton frère durant ces deux jours où nous serons absents, hein Lény? voulu s’assurer ma mère.

- Oui, bien sûr.

À l’intérieur de moi par contre, ce n’était pas la plus totale des joies de devoir m’occuper de mon petit frère de 6 ans qui commençait plus que tout à m’embêter. Mais bon, je n’avais pas trop le choix puisque mes parents partaient pour une fin de semaine entre amoureux au beau milieu de nulle part, en camping, privés de leurs enfants. De son côté, Olivier avait plus qu’hâte de se retrouver seul avec son frère de 17 ans.

Vous savez lorsque vous détestez quelqu’un mais qu’en retour vous ne lui démontrez aucun amour? Je ne sais pas si je suis le seul comme ça. Comment Olivier pouvait toujours être aussi collant avec moi alors qu’il savait que je le détestais? Il devait sans doute faire exprès pour que je finisse par perdre patience, et je ne voulais pas en venir à le blesser, surtout parce que je connaissais les conséquences de ce geste.

Je n’ai aucune raison de détester mon frère, pourtant, je ne l’aime tout simplement pas. Je sais que c’est sans cœur, mais il pourrait disparaître du jour au lendemain et ça ne me ferait absolument rien. Ce qui me ferait le plus de peine là-dedans, ça serait le bouleversement de mes parents.

Enfin bref, en ce moment, il sautait sur son lit et me suppliait de le regarder faire alors que j’étais étendu dans l’autre lit à côté de lui, dans sa chambre. Je ne sais pas pourquoi mes parents n’avaient pas retirer ce lit depuis que j’avais ma propre chambre. Avant, on me faisait dormir dans la même chambre que mon frère, et depuis mon départ, le lit est resté là.

Il m’embêtait avec ces trucs de débiles et sans but. Que voulait-il que je lui dise au juste?

- Lény, pourquoi tu ne me regarde pas?! s’impatienta-t-il.

- Lény, mon chéri, ton frère veux te montrer quelque chose, sympathisa ma mère avec ce petit démon.

Je soupirai et continua quand même de garder les yeux sur l’écran de mon portable. Je savais ce que ma mère en pensait de ma façon d’agir. Elle souhaitait tellement que ses deux enfants puissent s’entendre un jour, chose qui n’arrivera jamais même dans 100 ans.

Je la vis du coin de l’œil venir dans ma direction.

- Lény, j’aimerais sincèrement que tu fasses des efforts avec ton frère cette fin de semaine. Je veux dire… sinon tu trouveras les journées très longues.

- Ce n’est pas mon problème si vous avez décidé de partir tous les deux, répliquais-je.

Elle poussa un soupir de découragement. Rien de ce qu’elle pourra me proposer ne me fera changer d’avis, et pas en si peu de temps. Je n’avais aucune envie de faire des efforts, un point c’est tout.

- Très bien, soupira-t-elle. Dans ce-cas, passer une bonne fin de semaine.

- Vous aussi, dis-je brièvement.

Ma mère alla embrasser mon frère qui gigotait toujours comme un ver, et mon père nous salua tous les deux de la main juste avant qu’ils franchissent la porte de la chambre et disparaissent dans le hall pour me laisser seul avec mon frère Olivier.

Je sentais que cette fin de semaine serait la pire de toute mon existence.

***

Notre premier soir, c’est-à-dire le jour où mes parents sont partis pour leur camping avec tous leurs bagages, mon frère et moi nous sommes rivés devant la télévision pour jouer à un jeu vidéo ensemble. C’était d’ailleurs l’une des seules activités que j’aimais faire avec lui. Pour le reste, c’était un vrai combat chaque fois.

Par contre, ce genre de partie se faisait tout en silence. Olivier était concentré comme jamais lorsqu’il jouait à ses jeux vidéo, alors ça m’allait parfaitement.

Pour le souper, nos parents avaient pensés à tout. Les repas étaient prêt d’avance, donc, aucun besoin de se casser la tête pour trouver quelque chose à manger, de plus qu’Olivier était difficile. Je n’avais pas la force de me battre avec lui pour ça.

Ce soir, c’était un macaroni au fromage, celui de ma mère. Nous étions assis l’un en-face de l’autre et on mangeait en silence. Mon frère n’était pas non plus très bavard lorsqu’on mangeait. Ça me faisait encore un trouble de moins dans ce-cas.

Malheureusement, lorsqu’il venu le temps qu’il aille prendre son bain pour ensuite aller se coucher, ce petit monstre ne se laissait pas avoir facilement et c’était un cauchemar en tant que frère ainé. Je lui avais répété trois fois tandis qu’il jouait avec ses lego dans le salon, et il me répondait un NON catégorique. Après trois fois, j’avais perdu mon calme, et je pense que c’était à comprendre, déjà que je m’étais trouvé patient. La quatrième fois, je fus un peu plus sévère.

- Olivier, arrête de jouer l’imbécile maintenant et va prendre ton bain! dis-je fermement.

Il se leva alors qu’il était à genoux au sol, s’arrêta devant moi, posa ses mains sur ses hanches et me dit une autre fois NON en plein visage. Ensuite, il est partit d’un pas de course tout en riant. Je serrai les poings. Il faisait tout pour que je sorte de mes gongs.

- Olivier, je t’assure que tu n’es pas drôle!

- Essaie de m’attraper! me dit-il en riant.

Cette provocation me força à me mettre à sa poursuite à travers la cuisine et le salon. Le pire, c’est qu’il arrivait toujours à me semer. Il était rapide et agile, comme s’il s’entrainait tous les soirs à faire ce genre de truc qui me faisait le détester encore plus.

Avant de perdre le contrôle de moi-même, je m’arrêtai dans la cuisine et une idée soudain me passa par l’esprit, et je m’arrêtai de jouer à ce jeu avec lui. Oui, après tout, il y avait sans doute une façon de lui faire comprendre que j’étais le maître cette fin de semaine et que ces petits jeux ne m’amusaient pas comme il le pensait.

- Olivier, dis-je plus calmement, tu voudrais que je te montre quelque chose?

Je l’entendis arrêter de courir, puis il apparut dans le salon tandis que j’étais à l’entrée de la cuisine. Il paraissait sur ses gardes, pensant que je lui tendrais un piège. Mais cette dernière phrase l’avait attiré.

- Me montrer quoi? fût-il curieux de savoir.

- Tu me promets d’aller prendre ton bain et d’aller te mettre au lit si je te montre ce que j’ai à te montrer?

Il réfléchit un instant à ma proposition.

- D’accord, répondit-il, quand même un peu incertain.

Pour lui, ça pouvait être une tactique pour que je l’attraper en chemin et le mette moi-même dans le bain, encore là, j’avais une idée cent fois meilleures que celle-ci.

- Qu’est-ce que tu veux me montrer au juste Lény?

Pour lui faire plaisir, je décidai de lui dévoiler.

- Le grenier dans ta chambre, tu n’y as jamais accédé?

Je vis son visage s’illuminer. Il y avait un grenier dans la chambre d’Olivier, qui était ma chambre avant, et mes parents y rangeaient toute sorte de choses, dont des souvenirs, des trucs qu’on n’utilisait plus et des décorations de noël. Moi, j’avais pu y aller à de nombreuse reprise parce que je savais comment y aller et mes parents ne l’ont jamais su, cependant, Olivier lui n’avait pas eu cette chance.

Je savais que cette idée allait l’enchanter plus que tout.

- Tu sais comment y aller?

- Oui. Vient, je vais te montrer.

Olivier en oublia pourquoi il avait essayé de me fuir plus tôt et il passa devant moi, impatient de monter à sa chambre. Je le suivi derrière et nous montâmes les escaliers pour aller à sa chambre.

Une fois-là, Olivier s’arrêta juste en-dessous de la porte du grenier au plafond de la chambre. Pour ouvrir le grenier, mes parents avaient fait installer un interrupteur derrière une lampe de la chambre. En appuyant sur cet interrupteur, la porte s’ouvrait automatiquement et ensuite, on pouvait descendre l’échelle puis monter par la suite. Je les avait vus faire durant la nuit, en pensant que je dormais.

C’est ce que je fis, et une fois la porte ouverte, je fis descendre l’échelle qui, avec les années, n’étaient plus si solide qu’avant.

- Voilà, dis-je.

Olivier était impressionné, la bouche grande ouverte, regardant vers le haut l’entrée du grenier plongé dans l’obscurité.

- Est-ce qu’on peut monter? demanda-t-il.

- Oui, bien sûr, mais il faut être très prudent, le mis-je en garde. Papa et maman ne devrons rien savoir.

Il sourit et hocha la tête.

- Vas-y, monte, lui permis-je.

Il posa une main sur la première marche, puis il hésita maintenant à le faire.

- Ce n’est pas dangereux? s’inquiéta-t-il.

- Bien sûr que non. Je suis monté des centaines de fois là-haut. Je t’assure, tu ne crains rien. Et je te suivrai derrière, ne t’en fait pas.

Plus rassuré, il grimpa ainsi dans l’échelle qui branlait légèrement avec son poids. Je l’entendis s’exclamer lorsqu’il passa la tête dans le grenier :

- Wow! C’est génial ici. Il y a plein de toile d’araignée!

- C’est là où on range tout.

Et dans ma tête je me suis dit : Comme les enfants perturbants.

Il s’aida avec ses bras pour entrer enfin dans le grenier.

- Lény, tu devrais voir ça, il y a plein de vieux trucs! me dit-il de là-haut.

- Ouais, je les ait déjà vus, dis-je à voix basse.

Je pris l’échelle par en bas puis je donnai un coup pour qu’elle puisse se replier et que la porte du grenier se referme.

- Lény?

Voilà, je venais de régler mon plus gros problème.

- Lény? répéta-t-il.

Il cogna contre la porte.

- Lény, la porte s’est refermée. Ouvre-là.

- Et tu y resteras, lui dis-je. C’est là où maman devrait te ranger lorsque tu es trop perturbant et insupportable.

- Quoi?

Il se mit à paniquer et commença à frapper plus fort contre la porte du grenier.

- Tu aurais dû m’écouter Olivier. Je n’aurais pas été obligé de t’enfermer là.

- Lény, ouvre la porte, je t’en prie! Ne me laisse pas ici!

C’est ainsi que je quittai la chambre de mon frère, le laissant seul dans le grenier et à frapper et supplier que je vienne le redescendre.

J’aurais d’y faire cela il y a bien longtemps. Mais bien sûr, je devais attendre que mes parents ne soient pas présents, comme cette fin de semaine. Cette opportunité ne s’était jamais vraiment présentée avant aujourd’hui.

J’étais redescendu au salon et j’allumai la télévision, profitant enfin de l’absence de mon frère. Je pouvais enfin avoir un peu de répit. Une liberté que je savourai.

La première nuit, le soir où je l’avais enfermé dans le grenier de la maison, Olivier avait pleuré, crier, supplier et frapper contre la porte durant toute la nuit. Moi je dormais dans la chambre en diagonale, donc oui, je l’avais entendu se plaindre. Mais ça ne m’avait guère dérangé. Il était là où il devait être et j’étais bien content comme ça.

Le lendemain, dans la journée, il avait perdu un peu de force à avoir fait ça toute une nuit, si bien que je l’entendais parfois alors qu’il avait sûrement dormit un peu et reprit quelques forces pour recommencer à le faire.

La nuit du même jour, il avait arrêté de frapper, mais je l’entendais un peu pleurer encore.

Puis la dernière journée, l’épuisement était venu à bout de lui, puis je n’entendis plus rien.

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