Douce France
Alors que vous contemplez médusée ce document, un drôle de personnage apparaît dans le cadre de la porte. Il se tient droit, avec vissé sur sa tête un képi tricolore à 4 étoiles d'or. Plus inquiétant, sa main droite tient une vieille pétoire. Son visage est porteur d'un air militaire et inspire le respect. De dessous sa vieille moustache blanche parfaitement lissé, il invective:
— Madame, mademoiselle, monsieur, je vous prierai de me dire si vous êtes bien Français ?, inquiète-t-il d'un ton inquisiteur.
— Oui, nous le sommes tous 3. Ma fille est née dans ce village même, et mon mari et moi, nous sommes mariés dans l'église du village voisin !, répondez-vous devant l'urgence de cette arme rouillé pointée vers vous.
— C'est bien vrai ça ? Et qu'en est-il de même pour vos parents ?, dit-il d'un air autoritaire, moyennement convaincu, tout en faisant des moulinets avec sa vieille carabine.
— Oui, oui, oui, eux aussi !, assurez-vous à coup de hochements de tête se voulant les plus catégoriques possibles.
— Les miens aussi !, embraya votre mari.
— Et vos arrière grand parents, avaient-ils aussi du sang français qui coulait dans leurs veines ?
— Je crois qu'ils avaient des racines corses... hasarda hésitant votre mari, pas très convaincu du niveau de pureté de son ascendance.
....ça ira, et vous ?
— Ils étaient Bretons... Mais c'était bien avant que la Bretagne ne prenne son indépendance par rapport à la France !, justifiez-vous en tout urgence, un peu mal à l'aise.
...vous voulez dire que le sang de potentiels traîtres à la Patrie coule dans vos veines ?!, dit-il, outré. C'est vraiment l'extrême limite de ma tolérance ; madame, je vous ai à l'oeil ! N'espérez même pas esquisser ne serait-ce qu'une seule pensée indépendantiste !
Bon, en tous cas, venez, très chers patriotes, je vous invite à partager mon souper de ce soir, chez moi. Dit-il avec un léger sourire, sans pour autant abaisser son arme.
~~~
— Je vous présente, Vichy, ma femme: un fin cordon bleu.
— Enchantée de vous connaître. Puis s'approchant de votre mari: Allez venez Milord, vous asseoir à ma table, il fait si froid dehors, et le dîner et déjà chaud. Dit-elle en prenant le bras de votre mari, chose qui vous contraria au plus haut point. Et voici mon plat favoris: Le Gigot de Brahmine cuit à la braise, avec du porto !, acheva-t-elle.
— En attendant, je vais allumer le gramophone, ça égaillera l'ambiance ! Ma petite, peux-tu venir ici, s'il te plait ?!... Demande le vieux monsieur à votre fille. Oui, voilà, tu restes ici et tu tourne la manivelle, mais attention, pas trop vite !
Alors le gramophone commença à grésiller lentement un air ancien, chargé de nostalgie et de tristesse:
♪ Douce France... ♫
— Bien chers hôtes, nous ferez-vous l'honneur de nous conter votre histoire ?, vous semblez tous trois pour le moins... inhabituel,... Vous, chère madame, par exemple, on dirai que le sculpteur de votre nez s'est permis quelques.... originalités... Et quel est cet étrange objet à vos poignets ?
♪ Cher pays de mon enfance,
Bercée de tendre insouciance... ♫
Après lui avoir raconté toute votre histoire, sans rien lui cacher, si ce n'est —par pudeur— le secret de votre "masque de beauté", vous vous familiarisez peu à peu avec ce personnage d'avant guerre. Sa voix. Oui, sa voix vous semble apaisante et même paternelle. Comme si elle vous était familière, mais vous n'arrivez pas à vous en souvenir — un problème post-traumatomique, sans doute...
♪ Je t'ai gardée dans mon cœur !♫
— Passons au dessert. Je vous ai préparer ma grande spécialité: le roquefort atomique. Vous m'en direz des nouvelles Milord. Dit-elle en clin d'œil à votre mari.
♪ Vous n'aurez pas l'Alsace et la Lorraine...♫
Vous prenez une tranche de ce nouveau met. Sa forme est inchangée, mais la moisissure rayonne d'un vert nucléaire. Pourtant, c'est plutôt bon. Comme quoi, la gastronomie française, survit à tout, et sait s'adapter.
♪ Et, malgré vous, nous resterons Français
Vous avez pu germaniser la plaine ♫
Pour faire passer le tous, votre hôtesse vous sert à tous un petit verre d'eau lourde avec des cookies au polonium, pendant que vôtre hôte allume sa vieille pipe en bois.
♪ Mais notre cœur, vous ne l'aurez jamais !♫
Alors que vous regardez pensive, les fumées s'élever, le verrou mémoriel saute, et une révélation vous foudroie:
— Vous êtes le Maréchal, non ?!, demandez-vous les yeux fiévreux.
♪Maréchal, nous...
— Hum, hum... Tu peux arrêter de tourner jeune fille s'il te plaît... Oui, c'est bien moi ! Si tant est que ce titre signifie encore quoi que ce soit aujourd'hui...
— Mais enfin, comment avez-vous survécu Maréchal ?, demandez-vous d'une voix fébrile.
— J'ai dû me replier sur Limoge. Cette ville et ses alentours étaient tellement vide et dénués de point stratégique que sur les cartes chinoises, russes, et amerloques, il figurait une grande forêt. C'est ainsi que j'ai pu échapper de justesse à toutes ces têtes atomiques. En tant que l'un des derniers survivants du gouvernement, il est de mon devoir de rallier et de réunifier les forces tricolores pour rétablir la lumière de notre glorieuse civilisation. M'aiderez-vous dans ce glorieux projet ? Accepterez vous de verser vôtre sang, de donner votre corps pour la Patrie ?
Comment dire non ? Non à une telle ferveur, non à sa propre mère Patrie ?
— Oui mon Maréchal, nous vous aiderons. Répondez votre mari et vous comme une seule voix, en vous levant au garde à vous.
— Bien. Parfait, vous ne m'avez pas déçu, vous n'avez pas déçu la France. Suivez-moi. Ma petite, tu veux bien rester avec tante Vichy ?!
Vôtre fille monte à l'étage, main dans la main avec cette inconnue croqueuse d'homme. Quant au Maréchal, il s'approche de la bibliothèque avec une agilité déconcertante pour son vieil age.
Ses doigts glissent sur les rayons, pour s'arrêter promptement sur livre précis: Homlette — un livre hautement célèbre du fait de sa fameuse réplique: Capituler ou ne pas capituler, telle est la question.
Il presse la base du livre, le haut bascule mécaniquement ; le livre tombe au sol, ouvert à plat.
À l'intérieur des pages ont été évidées pour créer un espace dans lequel est niché une clé.
— Venez, suivez moi à la cave ; je ne veux pas que notre conversation soit entendue par ma femme.
Il utilise la clé pour ouvrir la porte du la cave. Votre mari et vous le précédez. Après avoir descendu les escaliers, il se dirige vers une vieille bâche pleine de cambouis, couvrant le mur.
— J'ai toute essayé pour empêcher ma femme de venir fouiner ici — seule la saleté extrême du Cambouis et la mort-aux-rats ont jamais réussi à la repousser, soupir le vieil époux.
Il se salit les mains de découvrir la bâche ; une porte hautement blindée apparaît. Semblable à celle de votre abris, mais en plus petit, ne vous rappellant que de mauvais souvenirs.
— Ne vous en faites pas, c'est une vraie celle-là !, rigole le Maréchal.
La porte ne semble pas avoir de serrure. Mais adjacent, il y a une sorte de bénitier vide, au centre duquel pointe une petite pique. Le Maréchal approche son doigt, le sang ruisselle le long de la pique. Le socle de bénitier tremble, la porte s'ouvre en parfait silence sur ce qui semble être un ancien bunker anti-atomique.
— Allez, entrez, je vais vous mettre au parfum sur la situation mondiale.
— C'est un système sangino-métrique ! Incroyable, je n'en avais vu que des prototypes, mais de là à penser qu'ils ont réussi a le mettre en œuvre...., commente l'instinct scientifique de votre mari.
— C'est exacte, vous avez l'oeil, jeune homme ! Maintenant, suivez-moi, s'il vous plait.
Vous le suivez. Le bunker semble très grand, mais aussi en très mauvais état.
— C'est ici que tout l'état major français s'était caché. Aujourd'hui il ne reste plus qu'une poignée des plus gradés, soupira mélancoliquement le plus étoilé d'entre eux.
Vous arrivez dans le hall principal. Cinq inconnus y discutaient autour d'une grande carte du monde.
— Que s'est-il passé dans cet abris ?, demandez-vous curieuse, avant de vous faire impoliment couper:
— Mon Maréchal, invective plein d'entrain l'un des cinq, nous venons de trouver un compromis avec Napoléon. Nous sommes prêts à attaquer les Germains et prendre nôtre revanche.
— Très bien. Magnifique. Nous commenceront le plus tôt possible. À ce propos, je vous ai amené 2 nouvelles recrues. Elles ne sont pas de sang bleu, mais vert. Je suis sur que nous les apprécieront. Très chère Madame, vous vouliez savoir ce qui c'était passe, n'est-ce pas ?! Je vais vous montrer...
D'un mouvement d'une rapidité impensable tant pour son age que pour tout humain normale, il brisa les jambes de votre mari puis ses bras.
— Que faites vous Maréchal ?! Arrétez ça !, dites vous affolé en sortant votre morceau de miroir brisé.
Bien que vous ne sachiez pas vous servir d'une arme contendante, vous avez vus des films.
Vous fixez le Maréchal droit dans les yeux, tout faisant passer votre lame, d'une main à l'autre très rapidement – sans oublier de faire de petites feintes.
— Ha ha ha. Vous n'avez toujours pas compris, belle enfant ?, regardez un peu autour de vous ? Ne sentez vous pas l'odeur de la chair ? Les sanglots longs et sourd de tout ces patriotes mort pour servir leur Patrie ? N'avez-vous pas trouvez que la viande que nous vous avions servis avez un drôle de goût ? La Patrie, la France, c'est Moi !
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