Chapitre 9 (partie 2) : Treize à table

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— Cheveux !

Ouf, ce n’est que ça ! Vous savez, il n’y a pas de petite victoire.

— Bonjour, sourit Leslie. Gaby, joyeux Noël. Ah, ma coiffure ? Vous aimez ?

— C’est bien ! acquiesce John, ses mains avides tendues vers un tripotage malvenu que j’interromps d’un bond.

— I-Il est coiffeur… Il adore les cheveux ! John, voici Leslie, et mon frère, Raphaël.

— Joyeux Noël ! Je m’appelle John. Je suis coiffeur.

— Enchantée, John. Chéri, il reste un sac dans le coffre, tu veux bien aller le chercher ? John, vous pourriez peut-être l’aider, c’est assez encombrant…

D’un regard, je l’encourage à suivre Raphaël, en croisant les doigts pour qu’il n’ait pas l’air d’un… extraterrestre ?

— Dis donc, il est drôlement charmant ! souffle Leslie avec un coup de coude. Allez les enfants, on va souhaiter un joyeux Noël à Papi-Mamie ?

C’est marrant cette façon de fusionner les deux éléments d’un couple : Papa-Maman, Papi-Mamie, Raphaël-et-Leslie, Greg-et-Gaby, etc. À croire que le célibat te condamne à une demi-existence. Maintenant que me voici Gaby-sans-Greg, suis-je encore une personne à part entière ?

Je ne me sens pas à l’aise dans le flot d’embrassades et de joie qui suit. Leslie est la belle-fille parfaite : douce, prévenante, joviale. Ma mère l’adore, et il m’arrive de croire qu’elle a trouvé en elle une fille de substitution. Une bonne fille. Le pire, c'est que je n'en ressens aucune jalousie.

La cuisine est un refuge, j’y entraîne John le temps que l’agitation retombe.

— Tout va bien, John ?

— Bien.

— En général, on demande « et toi ? ». Ça permet à l’autre de vider son sac…

— Et toi ?

— Voilà, c’est ça. Puisque tu le demandes, moi, ça ne va pas très bien.

— Pourquoi ?

Il est doué ! Ou il a de la chance.

— Parce que je n’aime pas Noël.

— Pourquoi ?

— Parce que… c’est hypocrite. On n’est même pas croyants.

— Croyant ?

— Croyant, ça désigne les personnes qui pensent qu’un dieu existe. Ou plusieurs, d’ailleurs. Qu’il a créé le monde et l’humain, toute vie sur cette Terre.

— Il a créé John ?

— Ah, bonne question. Quelqu’un t’a créé, j’en suis presque convaincue. Mais je ne pense pas que c’était Dieu. Peut-être quelqu’un qui se prend pour Dieu ? Toujours est-il que Noël est censée célébrer la naissance du fils d’un dieu. Enfin, c’était surtout une fête païenne pour le solstice d’hiver, les Saturnales, ou je ne sais plus quoi… Mais disons que le christianisme se l’est bien appropriée. Et je trouve toujours un peu bizarre qu’on y accorde tant d’importance, dans cette famille.

— Pfft.

— Gaby ? m’appelle Raphaël depuis le salon. On peut ouvrir le tas de chiffons, sous le sapin ? Papa dit qu’il vient de toi.

Merde, la honte. Le pire cadeau de toute l’histoire de Noël. Piteusement, je sors de la cuisine, prête à me faire allumer par ma mère sur mon mauvais goût criant.

— Oui, c’est pour les petits… Je suis désolée, je n’ai pas eu le temps d’aller faire les magasins. Je…

— J’y crois pas ! Ce sont mes Pogs ? Mais où les as-tu trouvés ?

Au moins, je sais de qui tiennent les enfants, aucun doute quant-à un éventuel adultère.

— Docteur Maboul ! s’écrit John en me rejoignant.

— Les enfants, vous voulez faire une partie avec l’ami de tatie Gaby ? propose Leslie avec son habituel enthousiasme.

Mon grand benêt ne se fait pas prier et débute, dans un brouhaha festif, une partie qui promet d’être animée. Ma mère nous réquisitionne, Leslie et moi, pour le dressage de la table. Hop ! Hop !  Table, fais la belle ! C’est bien, brave fille…

Les hommes se détendent au salon pendant que les femmes travaillent. Ça m’rappelle un truc, mais quoi ? Ah oui, la norme.

— Gabrielle, à droite le couteau !

— Rho… Je dois tout recommencer…

— Depuis le temps, tu devrais le savoir.

« Si seulement j’en avais quelque chose à foutre. »

La frénésie décorative a gagné la table. J'essaie de dégager un petit coin pour John, ces fausses pommes me semblent bien dangereuses...

Les enfants prennent un goûter, pour patienter jusqu’au repas, et je gave John de biscuits pour qu’il se tienne tranquille. Les parties de Docteur Maboul l’ont rendu à moitié zinzin, il sourit plus que jamais et n’arrête pas de répéter qu’il est coiffeur. Sacha lui a confié ses boucles brunes qu’il a disciplinées en ce magnifique chignon-tresse que je trouvais trop clinquant.

— Dis-moi, sœurette, il est pas un peu bizarre, ton collègue ?

— Bizarre ? Je ne vois pas du tout de quoi tu veux parler.

D’une petite tape sur la tête, Raphaël me fait retomber en enfance, et j’en oublie mon dégoût de Noël. Même le vieux me paraît plus sympathique. Non, j’exagère…

— Tu veux pas me dire ce qui s’est passé, avec Greg-le-fantastique ?

— Non merci.

— Laisse-moi deviner… T’es trop froide. Ou trop casse-couille. Ou c’est lui ? Il est trop con ?

— Un peu de tout ça…

— Du coup t’as décidé de le remplacer par Thor-lobotomisé ? Lobothor ?

— C’était pourri.

— Petite peste.

— Gros naze.

— Tatie ! Tu peux nous apprendre à jouer aux poks ?

— Aux Pogs, corrige Raphaël.

— Parce que tu crois que je sais jouer aux Pogs, moi ?

— Bah sinon, tu viens, c’est pas grave, on va inventer les règles !

Cette gamine, c’est le grand amour de ma vie. Si j’étais sûre de faire exactement la même, je m’y mettrais tout de suite ! Les Pogs façon Couturier, c’est plus ou moins un jeu de visée où les fléchettes sont rondes ; on se prend des bouts de carton plein la figure, personne ne comprend rien, mais on rigole bien. Comme à son habitude, John se montre particulièrement précis et enthousiaste, et, même avec nos règles fluctuantes, il remporte la partie. Les gamins sont sous le charme de cet étrange adulte que le jeu ne lasse jamais.

Les derniers convives arrivent en début de soirée, alors que les estomacs gargouillent déjà sous l’effet du délicieux fumet qui s’échappe de la cuisine. Ça piaille dans l’entrée et j’attends que tout le monde se soit dispersé pour aller saluer ma tante, son époux et sa fille, en compagnie de John.

— Ah, ma nièce préférée ! Joyeux Noël, ma petite Gabrielle ! Dis-moi, tu es de plus en plus fine…

Deux grosses bises claquent sur mes joues sans me laisser la moindre opportunité de réponse avant qu’un bras tonique ne m’écarte du chemin.

— Et qui est ce beau garçon ? Allons-allons, on s’embrasse ! C’est Noël, que diable !

— On s’embrasse ? répète timidement John.

De ? Oh put…

— John ! Pas comme ça !!

Bon… En même temps, c’est elle qui a demandé. De toutes mes forces, je tire pour arracher John du visage de ma tante qui ne met pas beaucoup d’énergie à l’écarter.

— Son… Son père est Russe… balbutié-je quand il a enfin relâché sa proie. C’est traditionnel, en Russie.

Vrai ? Qu’est-ce que j’en sais… Mais je suis presque sûre d’avoir lu ça quelque part.

Toujours est-il que ma tante en est toute retournée. Son mari aussi, d’ailleurs. Seule ma cousine semble s’amuser de la situation.

— Enchanté. Je m’appelle John.

— Il ne maitrise pas bien les coutumes françaises… Désolée tatie, et euh… Hamid. Bon, on va aider en cuisine, installez-vous. Viens John, allez !

Je fuis aussi vite que la politesse me l’autorise.

— Ça va ? On a entendu crier…

— Oui, Papa, ça va, ce n’est rien. Un petit malentendu, c’est tout. Qu’est-ce que je peux faire pour t’aider, Maman ?

— Plus rien, tout est prêt. Tu comptes te changer ?

Aïe. À ce point ?

— Eh bien…

— Bon, peu importe. Apporte ce plateau au salon, s’il te plait. Et… John ? Vous pouvez prendre celui-là ? Avec les huîtres ?

— Regarde, comme moi. Tu le portes bien horizontal, tu prends garde à ne pas le renverser.

Ma mère soupire mais ne pipe mot ; tout est dit. Les enfants courent partout en se lançant des Pogs à la figure et la prudence est de mise. John s’en sort très bien, droit comme un i ; le plateau ne bouge pas d’un poil. Inutile de dire comme je suis fière. Mon père sert le champagne, j’autorise John a prendre un verre. Il me fixe, indécis. Mince, je crois bien que c’est la toute première fois qu’il boit.

— C’est presque comme manger, sauf qu’il ne faut pas mâcher. Tu avales le liquide.

J’essaie d’être discrète, mais je sens le regard de ma mère peser sur mon dos.

— Chère famille, Catherine et moi-même sommes ravis de vous recevoir, ce soir. Merci à celles et ceux qui sont venus de loin, nous espérons que vous ne regretterez pas votre déplacement. Joyeux Noël à tous, et surtout : bon appétit !

— Joyeux Noël ! répondent en écho une dizaine de voix.

— Vas-y, essaie. Attends ! Ne respire pas en même temps. Vas-y.

John ne sait pas trop où mettre son nez, et finit par ouvrir grand la bouche pour y caser la flûte, ce n’est pas très élégant, mais efficace.

— Drôle !

— Oui, ça pique un peu.

— Ça pique ? Pourquoi ?

Mon père distribue des petites assiettes d’huîtres à tout le monde sauf aux enfants et à moi. Honnêtement, je n’ai jamais compris le délire de bouffer ces trucs, même à l’époque où je mangeais encore des animaux.

— Tu n’en prends pas, Gabrielle ? Ahah !

Ça commence. Mes parents me foutent la paix avec ça, mais côté oncle et tante, on n’y est pas tout à fait.

— Si elle avait connu la guerre, elle ferait pas sa difficile.

Le vieux qui s’y met ; sa surdité est très sélective, dites-moi !

Scrunch, scrunch.

— Ch’est délichieux !

Pitié, personne n’a rien remarqué, n’est-ce pas ?

Oh bordel à chier… Tu parles ! Tous les yeux sont rivés sur lui !

— John, pas la coquille ! Excusez… Il… C’est pour le calcium ! Au Japon, c’est très courant de manger les huîtres entières…

— Mais il a dû se casser des dents !

— Il faut le conduire à l’hôpital, il a peut-être une perforation.

— Gabrielle ?

— John, t’as tout avalé ? Merde… B-Bon, ouvre la bouche.

— Gabrielle ?

— Non, c’est bon, tout va bien. Ses dents sont intactes. Tout va bien. Pas vrai, John ?

— Bien.

Cling-cling.

— Gabrielle, explique à ton ami qu’en France, on ne mange que l’intérieur des huîtres.

Cling-cling.

— C’est la cloche de l’entrée ? demande Raphaël. Vous attendez quelqu’un ?

— Non, pas du tout… J’y vais.

Mon père sort du salon pendant que je tente de reprendre contenance. John sourit, fier d’être au centre de l’attention. Je lui prends l’assiette des mains et la remplace par une verrine.

— Tu manges avec la cuillère, et seulement l’intérieur. Pas le verre, compris ?

— Oui.

— Gabrielle ? Tu… Tu pourrais venir ?

— John, assieds-toi, et rappelle-toi : l’intérieur.

— Ma chérie ?

— J’arrive, Papa !

J’abandonne John au salon, en implorant de toute mon âme la clémence d’un dieu auquel je ne crois pas : ayez pitié de moi, Votre Grandeur !

Enfoiré !

— Greg ?!

— Il faut qu’on parle.

— Tu n’as rien à faire ici !

— Gabrielle, il faut qu’on parle.

— Je… Je vous laisse. Ma chérie, je suis dans le salon, si tu as besoin…

— Il n’y a rien de plus à dire. C’est fini, Greg, archi-fini.

— Donc un mail suffit à tuer deux ans de relation ? Tu trouves ça correct ?

— Toujours plus correct que de tromper la personne que tu prétends aimer.

— Tromper ? Mais c’est toi qui m’as dit…

— J’ai dit que je ne te retenais pas, pas que tu étais libre de coucher à droite et à gauche alors qu’on était censé être encore en couple ! Non mais de toute façon, je ne vois même pas pourquoi je discute…

— Gabrielle, je voulais trouver une solution ; combien de fois avons-nous mis le sujet sur le tapis ? Mais c’est impossible de communiquer avec toi, tu refuses d’écouter, de faire le moindre effort, tu as toujours minimisé nos problèmes… sex…

— Tais-toi ! Par pitié, juste : tais-toi. Tu as raison, à cent pourcent ! Je ne veux pas faire d’effort, encore moins changer. Sans doute parce que je ne t’aime pas assez. Ou que je m’aime trop. Quoi qu’il en soit, ça ne s’arrangera pas…

— … Alors, c’est tout ?

— C’est tout, oui. Quelle solution au manque d’amour ? Aucune.

— On a déjà traversé des crises…

— Ce n’est pas une crise Greg, c’est la fin.

— … Tu sais… Je crois bien que tu es la personne la plus insensible que je connaisse.

Touché.

Une main se pose sur mon épaule pour m’écarter.

— Bonsoir, Grégory. Joyeux Noël…

— Catherine, je voulais vous déposer le cadeau que nous avions choisi, avec Gaby. Il… Elle l’a oublié en partant.

— Oh, c’est très aimable. Vous ne célébrez pas Noël avec vos parents ?

— Non, ils sont dans les Alpes. Je… Je passais juste pour… le cadeau. Je vous laisse.

— Grégory, attendez ! Vous n’allez pas…

Ne le dis pas, pitié !

— … passer Noël tout seul !

Bon, c’est décidé, je vais me tailler les veines.

— Non, c’est très gentil, Catherine, mais…

— J’insiste. Gabrielle, rajoute un couvert. Venez prendre un verre, Grégory.

Parfait. Sinon, ai-je mon mot à dire sur la présence de mon ex infidèle au réveillon organisé par mes parents ? Visiblement, non. Si ce n’était pour mon père, je quitterais la maison sur-le-champ. Leslie me rejoint pour le réagencement de la table et s’assurer que tout va bien. Mais rien ne va, soyons honnêtes.

— Comment s’est comporté John ?

— Euh, normalement ? Enfin, rien de particulier à signaler.

— Bien. Excuse-moi… Est-ce que ça t’embête de t’occuper de ça ? J’ai besoin d’aller aux toilettes.

J’y suis depuis, au bas mot, vingt minutes. Planquée. Paralysée. On n’aurait jamais dû venir. Qui sait ce qui se déroule au salon ? John a peut-être bouffé un coussin, ou pris feu en se tenant trop près de la cheminée, ou tabassé Greg ? Ou l’inverse ? Il m’est impossible de sortir. Recroquevillée contre le mur, j’attends que la mort me prenne. Oui, la mort. En toute simplicité.

— Gabrielle, ma chérie ? Tout va bien ? Ouvre la porte.

— J’arrive, Papa. Laisse-moi encore un peu de temps.

Merde, ma disparition a été remarquée.

— On passe à table…

Double-merde. Je n’étais donc que dans l’antichambre de l’Enfer ?

Ma mère m’a placée entre John et Greg. Ce que je perds, contre ce que je gagne ? Très subtile, Maman !

— C’est lui ? me souffle Greg avec un coup de coude.

— Non. John est un ami ; je l’héberge temporairement.

— Tu as toujours eu très bon goût en amitié, ricane-t-il.

— Meilleur qu’en amour, c’est certain.

Les entrées passent de main en main ; je surveille John, qui se comporte étrangement bien. Il a vraiment petite mine, son sourire a fondu et son visage semble de plus en plus fatigué.

— Eh alors, John ? C’est le décalage horaire qui vous met dans cet état ? interpelle Hamid, le mari de Christine.

Je ne suis donc pas la seule à l’avoir remarqué, quelque chose ne va pas.

— Décalage ?

— Jet lag, précise Greg, sournois.

— Pfft.

— Il est fatigué. Laissez-le tranquille.

— Oh ça va ! Il n’avait pas l’air si fatigué en roulant un patin à ma femme !

— Pardon ? s’étonnent en cœur mes parents et Greg.

— Oui, paraît-il que ça se fait, en Russie !

— Ah, vous êtes donc Russe ? счастливого рождества !

— Greg, tu voudrais pas la fermer ?

— Gabrielle ! s’écrit ma mère, scandalisée.

— Ça va, je lui souhaitais simplement un joyeux Noël…

— Il n’est pas Russe. Son père était Russe. Mais on s’en fout, d’accord ? Vous voulez pas parler d’autre chose… Je sais pas, de politique, de cuisine, du temps qu’il fait !

— Toujours aussi aimable cette sale gosse !

— T’es pas censé être sourdingue, toi ?!

— Gabrielle ! Assez ! Tu embarrasses tout le monde !

— Oh, vous avez vu ! Il recommence à neiger ! Qu’est-ce qu’on a eu comme neige cette année…

Merci Papa. Viens, je t’embarque toi, ma petite reine Sacha, mon John malade, et on s’enfuit à dos de licorne !

— Prends quelques légumes, John, ça te fera du bien. Oui, du pain et du beurre aussi, si tu veux. Non ! Pas tout ça de beurre !

— Il a bon appétit, commente ma tante devant la moitié de la plaquette qui trône désormais dans l’assiette de mon John.

Je coupe et remets l’excédent à sa place, sans commentaire. Mes mains tremblent, je n’ai encore rien avalé hormis quelques gorgées de champagne.

Ça parle de tout autre chose, à table. Enfin.

Les enfants refilent à John tout ce qu’ils ne veulent pas manger, sous le regard bienveillant et amusé de Leslie. L’espoir renaît en moi. Greg fait mine de m’ignorer, jusqu’à ce que :

— Donc, vous vivez au Japon, John ?

— Je suis coiffeur. J’habite au Japon.

— Et… Comment se passe Noël au Japon ? Je crois que c’est devenu une fête commerciale.

— Tu veux dire, comme ici ? demande Raphaël, narquois.

— Non mais en France, c’est historique. En Asie, hormis pour les Chrétiens, ça n’a aucun sens…

— S’il est Russe, il doit célébrer Saint-Nicolas ? N’est-ce pas, John ? Vous célébrez bien un saint ?

— John célèbre les seins de Gaby.

— Saint-Denis ? demande le vieux, mais il est bien le seul à n’avoir pas compris.

Greg s’est raidi, à côté de moi.

— Comment ?

— Greg, laisse tomber, tu veux ? Il ne comprend pas ce qu’il dit.

— Il vient bien de parler de tes seins !

— Les seins de Gaby. Drôle ! sourit l’autre idiot.

— John, tais-toi.

— Mais c’est de lui que tu parlais dans ton mail ! Tu couches avec ce débile ?! T’es vraiment tombée bien bas…

— Ta gueule ! Le jour où j’aurai besoin de ton avis, je te ferai signe.

— Les enfants, bouchez vos oreilles, ordonne Raphaël.

— Tatie elle a dit « ta gueule » !

— Bon… Je… Désolée, Papa, Maman, c’était délicieux, mais il vaut mieux qu’on parte.

— Gabrielle, assieds-toi !

— Non ! Désolée, Maman, mais là… Ce n’est pas possible. John, lève-toi.

— Oui, lève-toi, on va régler ça entre hommes.

— Greg, t’avise pas de jouer au con ! prévient Raphaël dans un bond.

— Papa il a dit « con ».

— John, debout, on s’en va.

Il se redresse, j’agrippe son bras, autant pour me retenir que pour l’entraîner vers la sortie. Greg s’interpose, furieux ; Raphaël le retient par le col. La tablée ne bronche pas, médusée ; John me fixe, inquiet.

— On vient à peine de se séparer et tu te ramènes chez tes parents avec cet abruti ?!

D'accord beau gosse ! V’là l'tableau... Si tu veux faire la cour à la donzelle, il vaut mieux pas qu'tu tires dans les coins tu piges ?

De quoi ?!

— Pitié, assez !

— Gaby, je veux pas manger. Pas manger, Gaby !

— Pas maintenant, John ! Remets tes chaussures.

— Gabrielle, ne pars pas, je t’en prie.

— Désolée, Papa.

— Gaby, pas manger !

— Il est complètement fou, ce type ! s’écrit Greg, enragé.

Je le repousse du plat de la main, attrape ma veste, mon sac, m’excuse du regard auprès de mes parents.

John ouvre la bouche, ferme les yeux.

Putain ! Pas maintenant !

Klungh.

Crâne de Greg.

Table.

Genoux de ma mère.

On dégage !

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