Soirée romantique
Dans leur limousine, Samuel profite du sourire de Lisa. Elle est si mignonne derrière ses écrans de verre fumés. Le beau blond adore la voir devenir pivoine. Mais quand elle sourit, c'est un vrai rayon de soleil. Si seulement elle n'était aussi craintive...
Sven est reconnaissant tout en étant jaloux en voyant la demoiselle si joyeuse et presque bavarde. Il ignore ce qui c'est passé cette journée et comment le brun a fait pour que Lisa oublie un peu sa timidité. D'après les textos, Maxime se serait contenté d'être gentil, serviable et de faire le pitre.
Samuel a réservé dans un petit restaurant Rodiastais après le film. Il sait que c'est la nourriture préférée de la donzelle. Pour l'instant, ils se dirigent vers la séance de 18 h 30 en courant, car ils sont un peu en retard. Heureusement, il a déjà acheté les billets. Essoufflés, ils arrivent juste à temps pour les publicités. Samuel propose d'aller chercher pop-corn ou sucreries, cependant les excès de la journée font que Lisa veut juste de l'eau. Il en profite pour changer de lunettes et enlever la buée qui s'est formée en raison du changement de température.
Le film débute enfin et Samuel a l'impression d'être redevenu un adolescent gauche et maladroit. Lisa est la seule fille avec qui il ne joue pas son rôle de play-boy. Il n'a pas besoin de cette carapace avec elle. Il peut être lui-même. Elle ne le juge pas comme le fils héritier de la cinquième fortune mondiale, mais comme Samuel, le petit con qui se chamaille tout le temps avec Maxime et Thibaut pour la faire rire.
Il ne sait pas comment faire comprendre à la jeune fille qu'elle seule compte à ses yeux. Les autres filles, qui changent tous les mois, ne sont que des coquilles vides pour plaire à son père. Sven est amoureux et il a mis plus d'un an à se l'avouer. Il ignore comment on drague une fille comme Lisa. Une fille bien avec un cerveau. Il a peur de se prendre un râteau pour la première fois de sa vie.
Alors, il avance prudemment. C'est rare qu'il soit seul avec elle et qu'elle se montre aussi enjouée. Il veut lui avouer ses sentiments, cependant, il est tétanisé. Il lui tient la main innocemment pour courir. Il choisit les sièges amoureux pour ne pas avoir d'accoudoir entre eux.
Pour l'instant, Lisa reste sur le registre amical et ne semble pas percevoir ses tentatives dans les compliments dont il la couvre. Ce n'est pas possible. Lui le beau gosse est dans la friend-zone de la seule fille qui fait battre son cœur. Un an qu'il la drague ouvertement à la moindre occasion et c'est la première fois qu'il la voit signer des phrases à son intention.
Ses gestes lents et sa patience, quand il ne comprend pas, sont trop mignons d'ailleurs. Il se fait gronder gentiment. Le film commence et il est en train de parler. En retenant sa respiration, il passe à l'attaque et suçote le doigt qu'elle vient de placer sur ses lèvres pour le faire taire. Il la voit déglutir, et même dans le noir, il sait qu'elle a rougi. Au moins, elle n'est pas insensible. Sven commençait à se demander. Courageusement, il passe son bras autour des épaules de la jeune fille et l'attire contre lui. Elle ne se débat pas, habituée aux câlins des trois garçons.
Elle est captivée par le film et n'a pas réagi quand il a commencé à lui caresser l'épaule et le bras. Bon sang ! Samuel ne sait plus quoi faire. Toutes les autres se seraient déjà jetées sur ses lèvres. La douce enfant est fascinée par les images. Elle sursaute aux moments de surprise, frissonne dans les moments angoissants et rit dans les parties drôles. Tout cela en étant parfaitement insensible aux avances du blond.
La ventilation de la salle se déclenche et le courant d'air froid fait se rapprocher Lisa qui pose sa tête sur l'épaule de son ami. Il la serre plus fort. Son cœur tambourine comme jamais. Il commence à suer et à avoir le souffle court de peur de faire une gaffe. Les lumières finissent par se rallumer et brisent cet instant magique. Lisa se détache et récupère sa veste. Il n'a rien suivi du film. Il en sera quitte pour revenir une autre fois ou pour acheter le DVD.
Samuel lui prend la main pour la conduire à la voiture. Il ne lui lâche pas et quand ils arrivent au petit restaurant, il savoure le sourire de son amie. Il a demandé un coin discret. Tandis qu'elle lit la carte, elle le gronde pour sa gentillesse, croyant qu'il fait encore un de ses défis stupides avec Maxime sur celui qui sera le plus adorable avec elle. Il la rassure sur l'absence de pari et avec une pointe de jalousie dans la voix, il se renseigne sur le déroulement du samedi.
Les propos élogieux et rieurs ne le rassurent guère. Samuel décide de faire la totale à Lisa. Il couvre sa main et son poignet de bisous. Il achète toutes les roses du fleuriste qui passe et demande aux musiciens de jouer un slow et l'invite entre le plat et le dessert. Troublée, Lisa perd par moments le fil de la discussion, mais se rattrape en le frappant doucement pour lui signifier sa gêne. Elle n'a toujours pas compris et croit qu'il fait exprès pour la faire rougir.
Samuel se tape le front contre la table pendant qu'elle va se rafraîchir aux toilettes. Il n'a jamais autant ramé ni était si maladroit. Il est en stress et se mélange les pinceaux dans ses phrases. Dire qu'elle va dormir chez lui ce soir et qu'il sait déjà qu'il ne fera rien. La douche, demain matin, sera glaciale s'il veut se calmer. Il respire profondément pour essayer de se détendre. Ses mains tremblent de nervosité.
Le repas se termine. Lisa a trop mangé et sourit comme un gosse qui a abusé du chocolat. Ils rentrent chez Samuel. Il lui fait visiter sommairement la maison, y compris sa propre chambre avant de lui montrer la chambre d'amis. Si seulement elle savait. Très peu de filles ont franchi les murs de sa maison et toujours lors de fêtes organisées par sa famille. Mis à part sa mère Sarah et sa grand-mère, aucune fille n'est jamais rentré dans la chambre de Sven. Aucune n'a pu inspecter son dressing en quête d'un pyjama décent. Lisa est spéciale et elle l'ignore totalement.
Il attend qu'elle ait pu prendre sa douche et se changer pour l'inviter à voir un dernier film dans sa chambre. La demoiselle est fatiguée, il le sait et compte bien qu'elle s'endorme à côté de lui devant l'écran. Elle n'ose pas refuser, de peur d'offenser son ami si gentil. Comme il l'avait prédit, Lisa sombre dans un profond sommeil en à peine quelques minutes et lui se sent le roi du monde quand elle se blottit contre lui en quête de chaleur.
Il se tourne afin qu'elle enfouisse son visage dans le creux de son torse et il l'enlace un sourire niais aux lèvres. Le blondinet fait un dernier bisou dans les cheveux de la petite souris et s'endort paisible et heureux, les lunettes sur le nez. C'est la première fois qu'une fille entre dans sa chambre. C'est la première fois qu'une fille dort sans ses bras. Les autres, il les renvoit après s'être amusés. Elle ne sont rien à ses yeux. Lisa, il n'a absolument rien fait et la regarde dormir.
Thibaut suit la journée de Lisa par texto interposés. Aujourd'hui, un grand repas est organisé pour les quatre-vingt ans de son papy. L'homme est d'une grande gentillesse. Tout le monde, famille comme voisins, l'apprécie. Toujours en train de jardiner, il régale les habitants de son village de fruits et de légumes. Pour son petit-fils, il fait les meilleurs soufflés au fromage du monde. Le petit blond aime énormément son grand-père.
Toujours de bon conseil et très diplomate, l'homme prodigue son savoir et sa sagesse à qui veut bien l'entendre. Thibaut boit ses paroles depuis tout bébé. Il l'aide aussi à entretenir son potager bien qu'il ne soit pas très sportif ou doué avec les plantes. Son grand-père l'a gardé très souvent quand il était jeune, ses parents travaillant beaucoup. Il lui a transmis la passion du savoir à travers la lecture.
Le papy lui a également enseigné la langue des signes par jeu dès le berceau. Avant de savoir correctement parlé, Thibaut connaissait déjà quelques signes pour communiquer avec les adultes. C'est pourquoi il a pu communiquer tout de suite avec Lisa lors de la première journée d'éveil, ayant tout de suite perçu sa réserve.
Thibaut s'est levé à l'aube pour organiser la journée. Bien que son grand-père ait des goûts simples, il a voulu faire quelque chose d'extraordinaire. La salle des fêtes a été décorée et tout le village apporte de la nourriture et des cadeaux. Un repas sous forme de buffet est prévu. Le monde se presse et participe. Le maire du village a prévu de faire un discours de remerciement.
Le jeune homme a prévu un cadeau un peu spécial pour son papy. Le vieux homme est passionné de voyage, malheureusement sa santé ne lui permet plus de se déplacer trop longtemps. Avec son club de sciences, il a travaillé depuis plus de deux ans sur un programme de jeu virtuel. Perfectionné par les équipes de sa mère, et relié à un casque de réalité virtuelle, le programme permet de visiter virtuellement les plus importants lieux de tourisme. La qualité des images et du son rendent l'illusion très réaliste.
Thibaut sait que cette fête et surtout ce cadeau si personnel vont faire pleurer son grand-père. Pour l'instant, il gère un troupeau de petits monstres qui préparent un spectacle de danse pour le gentil monsieur qui entretient le potager de l'école. Dissipés et turbulents, les bambins veulent toucher à toutes les décorations et courent partout. Mais le jeune homme a la parade. Il lance un dessin animé sur l'écran géant et tous les enfants s'assoient en cercle, captivés par les images.
Une petite fille de cinq ans suit le jeune homme partout. Elle est clairement amoureuse et babille joyeusement. Son papotage divertit Thibaut qui, attendri, se laisse aller à quelques marques affectueuses comme un ébouriffage de cheveux ou un bisou sur la joue. La petite est adorable et le jeune homme aime la compagnie des enfants, si innocents et si naturels.
Elle lui pose des tonnes de questions indiscrètes pour savoir s'il a une copine ou comment le séduire. Sa jalousie enfantine, quand il montre la photo de Lisa et de sa licorne rose, fait craquer totalement le garçon. Il la rassure tout de suite en présentant la jeune fille comme sa meilleure amie, presque une sœur. Il gagne un câlin déguisé en fatigue et continue de préparer la salle en portant la demoiselle d'un bras. Sa petite admiratrice le fait sourire et il ne peut s'empêcher de la prendre en photo pour l'envoyer à ses potes.
S'il disparaît quelques instants pour accueillir son papy, Thibaut revient vite auprès des bambins et assiste la maîtresse avec une autorité naturelle et bienveillante. Répétant la chorégraphie avec les petits, il n'a pas peur du ridicule et ajuste les pétales des petites filles déguisées en fleurs ou les branches des garçons arbres.
Pour le plus grand plaisir des gamins, il improvise ensuite des petits tours de magie qui les font beaucoup rire. Le discours du maire n'intéresse pas grand monde et de nombreux adultes préfèrent suivre l'apprenti magicien sous prétexte de surveiller les enfants. Inventant mille jeux pour eux, Thibaut est le grand frère idéal pour les bambins. Certaines très jeunes demoiselles veulent lui faire des déclarations d'amour, mais son admiratrice jalouse veille au grain et repousse les prétendantes au trône des genoux du petit blond.
Le dernier gadget de sa mère est testé par les grands enfants que représentent les villageois. Papy est ravi de toutes les attentions dont il est l'objet. Son beau-fils lui a offert des livres de collection collector. Ce qui rend le grand-père le plus heureux est de passer une journée entière avec sa fille et le reste de sa famille, de sang ou de cœur. Il est si fier d'eux. Il a encore de belles années pour profiter de beaux moments comme celui-ci et il savoure avec toute la sagesse de ses quatre-vingts ans.
À distance, il communique avec son petit-fils à travers les signes. C'est leur petit truc à eux. Rares sont ceux qui comprennent ce qu'ils se disent. Cela renforce leur complicité. Même loin, un regard suffit parfois pour qu'ils se comprennent. Papy n'a pas transmis que la langue des signes à Thibaut. Il lui a enseigné bien des choses et surtout les ficelles de son ancien métier de médiateur.
En fin de journée, fourbus, ils rangent la salle. Le grand-père en profite pour passer du temps seul à seul avec Thibaut. Discrètement, il se renseigne sur les sentiments fraternels du jeune homme envers Lisa et veut savoir si une demoiselle fait battre le cœur du petit blond. Il s'inquiète pour lui, ne voulant pas le voir rester seul. Thibaut est encore jeune et rassure son papy en riant.
Il en profite pour le serrer dans ses bras, avec toute la tendresse possible. Le jeune homme est anxieux depuis l'accident de dos de son grand-père. Bien qu'il n'a pas eu d'autres soucis que de ne pouvoir voyager, Thibaut craint que l'état de santé de son papy s'aggrave un jour. Dès qu'il le peut, il le couve d'attentions, surveille son alimentation ou fait ses courses. Il le préserve de son mieux, voulant ne jamais le voir disparaître.
Les médecins sont optimistes et voient papy comme un potentiel centenaire. Il respire la santé et la joie de vivre. Entretenir son potager et celui de l'école lui font faire l'exercice physique nécessaire à ses muscles. Manger ses légumes et ses fruits est un régime idéal, et le vin qu'il s'autorise chaque midi lui procure le petit plaisir quotidien qu'il lui faut.
Quand la nuit tombe, Thibaut et papy rêvassent côte à côte dans le jardin et contemplent les étoiles en bavardant des mystères de ce monde. Le jeune homme raconte tous ses tracas et ses victoires, le vieux partage ses souvenirs. Ils se moquent tout les deux de Maxime et Samuel, si gamins et prévisibles. Ils élaborent ensemble le prochain exposé pour le cours de merken. Thibaut va faire un cours d'histoire et retracer les grands moments de gloire ou de malheurs de ce peuple. Son papy, passionné d'Histoire, lui dicte quasiment tout son discours.
Quand la lune est au plus haut, ils vont dormir dans la paisible demeure du sommeil du juste. Heureux et rêvant de cette merveilleuse journée, ils pensent à ce qui se fera pour les quatre vingt dix ou les cent ans. Le maire a promis de baptiser une rue à son nom pour le centenaire, bien qu'il ne sera probablement plus à son poste. Promesse de politicien ne valent que pour ceux qui les croient.
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