Chapitre 7
Les jours s’étaient écoulés sans que je ne puisse revoir William, cloué au lit par la maladie. A présent trop grand du haut de mes cent-quarante centimètres, on m’avait interdit l’accès à la maison. Bien que toujours aux côtés de Napoléon, j’avais une oreille attentive. Bien sûr, j’aidais Madeline quand celle-ci venait me chercher. Elle ne m’accordait peut-être pas autant d’attention que mon maitre, mais depuis le labourage, elle éprouvait un certain respect vis-à-vis de moi, s’autorisant même à me flatter de temps à autres. J’avais eu la charge de l’accompagner dans le champs pour semer les graines. Ma grande robustesse avait permis de prendre quatre paniers de graines et d’effectuer le travail en seulement quelques heures, et non presque plus d’une journée habituellement avec Napoléon qui n'aurait porté que deux paniers à moitier pleins. Cela m’avait également valut d’être plus apprécié encore. La femme commençait à reconnaitre mes compétences en tant que bête à tout faire. Travailler était ma raison de vivre.
J’avais même aidé à désenliser l’automobile de la famille de William qui s’en était allée par la suite. La vie était redevenue calme et paisible sur notre domaine. Mais mon maitre me manquait et je souhaitais le revoir au plus vite.
Un soir, alors que je me reposais en bas du terrain, un sifflement s’était fait entendre. Je m’étais redressé d’un bond, tous les sens aux aguets. Un nouveau sifflement avait retentie dans l’air. Levant la tête, je l’avais aperçu là-haut, au sommet de la butte. Dans un petit rugissement, je m’étais élancé au galop. William avait sourit.
-Rex !
A sa hauteur, je m’étais cabré et il m’avait enlacé l’encolure.
-Merci mon Rex, avait-il dit. Maman m’a dit que tu avais fait de l’excellent travail pendant ma convalescence.
Puis il avait plongé son regard dans le mien. Il avait dit que grâce à moi, ils allaient enfin pouvoir couvrir toutes les dettes et remplir le contrat avec le propriétaire. Je l’ai senti empli de fierté à mon égard.
Notre petite vie avait ainsi repris son cours. Quand nous nous rendions au village, on me considérait presque comme un héros. On parlait de moi comme le plus puissant de tous les animaux, ayant abattu à lui seule le travail de plusieurs chevaux. Mais cela, je m’en fichais bien. Car je n’avais fait qu’obéir à William, lui ayant offert toute la détermination et le courage qu’une jeune bête comme moi pouvait alors avoir. Et j’étais prêt à recommencer sans hésitation.
Les semaines s’étaient ainsi succédées et j’avais atteint la taille titanesque d’un mètre soixante-cinq au garrot. A celle-ci s’ajoutais ma force devenue sans pareille. William me montait même à présent sans la moindre peur et nous partions des heures pour sillonner la région. Il n’hésitait pas à me laisser choisir le chemin quand celui-ci devenait risqué. Napoléon avait été officiellement mis à la retraite, profitant pleinement des pâturages en ma compagnie. La vie était pour ainsi dire parfaite.
Mais un matin, j’avais trouvé le vieil âne couché au sol, étendu de tout son long. Cela m’avait inquiété car il ne s’était jamais endormi de la sorte. Je m’étais donc approché pour le saluer. A mon grand soulagement, il s’était éveillé. Cependant, il ne parvenait pas à se redresser. Je l’y avait donc aider avec autant de douceur dont un mastodonte comme moi pouvait être doté. Il était fatigué et me disais qu'il sentait ses forces le quitter à chaque hivers. Peu après, William était venu nous nourrir. Il ne lui avait fallu guère longtemps pour s’apercevoir que j’étais plus proche encore de l’âne qu’à l’accoutumé.
-Eh bien, Napoléon ? Tu n’as pas l’air en force, ce matin.
Pour toute réponse, celui-ci s’était ébroué. William était resté quelques minutes afin d'osculter mon compagnon. N'ayant rien trouvé de grave, il était parti. Je m’étais élancé à sa suite pour lui donner un léger coup de museau.
-Rex, que se passe-t-il mon beau ?
J’avais tourné la tête en direction de l’équidé qui s’était lentement avancé vers ma mangeoire, installée depuis peu. Il y avait croqué un légume sans grand appétit.
-Tu t’inquiètes, pas vrai ?
J'avais poussé un grondement et il m'avait caressé, disant que tout irait bien. Puis il était parti, nous laissant seuls. J’étais retourné auprès de Napoléon, lui gratouillant l’encolure du bout du museau. Le soleil se levait doucement, nous éclairant de ses premiers rayons. William n’était pas revenu avant le début d’après-midi et souhaitait partir en ballade. J’avais eu un mouvement d’hésitation, ne sachant si je pouvais laisser mon compagnon tout seul. Heureusement, celui-ci m’avait rassuré. Il était certes vieux mais pas encore mort.
Mon maitre m’avait laissé galoper jusqu’au village. Ma bride se constituait d’un simple licol en corde et de rênes en cuir avec lesquelles il me guidait d’une main. Il avait fabriqué deux grosses sacoches en tissues fixées sur mon tapis. Lorsque nous étions arrivés, William m’avait fait reprendre le pas. Nous avons traversés la grande rue principale ainsi qu’un pont au-dessus d’une rivière. Puis j’avais repris le trot. Au bout d’un moment, mon maitre avait lâché les rênes. Cet acte était la preuve de son entière confiance en moi. J’avais monté une colline et je m’étais arrêté à son sommet. Là, nous avons observés le paysage.
-C’est beau, pas vrai ?
J’étais de son avis. Des bruits avaient alors attirés mon attention. Je m’étais donc retourné, fixant un ensemble de fourrés. William aussi avait compris.
-Des chiens de chasse.
Les aboiement incessants s’étaient faits de plus proches. Mon maitre avait saisit mes rênes avec inquiétude. Alors, une meute de molosses avait jaillit des buissons, aboyant furieusement.
-Rex !
Je m’étais élancé au galop pour leur échapper. Les animaux s’étaient aussitôt mis à me courir après. C’étaient de grands chiens tout en finesse et bien trop rapides pour moi. Ils avaient tôt faits de me rattraper, cherchant à me mordre. J’avais envoyé une ruade, me débarrassant de l’un d’eux. Nous étions arrivés au pied d’une autre colline avec un pierrier. William m’avait demandé de m’y aventurer. Sans attendre, je m’étais exécuté. Ma grande taille et ma force avait permis de dégager tout obstacle d’un coup de cornes. Les chiens, eux, avait eu plus de peine.
Au sommet de la colline, William m’avait fait tourner un instant en rond pour chercher une échappatoire. Il avait opté pour un passage abrupte, m’y lançant sans la moindre hésitation. Les pierres sous mes pattes roulaient, me déséquilibrant légèrement. Heureusement, ma queue permettait de m’équilibrer. Les chiens n’avaient pas cherchés à continuer la course poursuite. Une telle descente leur aurait été sûrement fatale. Arrivé en bas de la pente, j’avais continué ma course en adoptant un galop plus régulier mais toujours rapide. Finalement, je m’étais arrêté sous un pommier dans un sous-bois. William était descendu de mon dos, se calmant après cette folle course.
-Maudits chiens ! Nous sommes perdus mon vieux Rex.
Je n’étais pas de son avis. Il me suffisait de rebrousser chemin. Mais il fallait d’abord se remettre de nos émotions. J’avais donné un coup de tête dans l’arbre, faisant tomber quelques fruits. Mon maitre en avait saisit un et l’avait croqué, me remerciant. Puis nous étions reparti peu après au petit galop. J’avait déraciné tout arbre se dressant sur mon chemin, ce qui avais permi de retrouver le nôtre. J’avais galopé ainsi jusqu’à ce que l’on parvienne au village. William n’en revenait pas.
-Merci, Rex.
Il m’avait flatté l’encolure et nous étions retournés à la ferme. Assez de promenade pour aujourd'hui.
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