Chapitre 9
Il avait fallu quelques jours à William pour réorganiser la grande stalle de la grange. Cependant, je ne souhaitais pas encore y emménager. Je continuais à travailler mais je n’avais plus autant d’énergie. Quant à Napoléon, il avait délaissé le pré pour le confort et la chaleur de la grange.
Un beau jour, des particules blanches étaient tombées du ciel. J’étais couché à l’entrée du bâtiment. En peu de temps, elles avaient recouvert le sol. Je m’étais redressé pour m’avancer. C’était froid et humide. William était sorti, disant que c’était de la neige. Je me sentais plus fatigué qu’à l’accoutumé. J’avais la tête basse, la queue trainant au sol et les voilures tombantes. Il s’était agenouillé face à moi. Son pantalon était trempé. Aussitôt, je l’avais redressé, le faisant sourire.
-Rex, tu nous as bien aidé, et tu as le droit à un bon repos.
Il avait raison. Je devais me rendre à l’évidence. L’hiver allait forcément réduire les activités agricoles. William m’avait remmené dans la grange puis m’avait guidé dans la stalle. Je m’y étais aussitôt couché. Le tapis de paille était épais et confortable. Je m’étais roulé en boule.
-Je reviendrai te voir, mon vieux. Napoléon te tiendra compagnie.
Celui-ci arrivait justement. Il m’avait donné quelques gratouilles du bout des lèvres, me souhaitant un bon repos.
-Allez mon grand, je te laisse.
Il s’en était allé. Quant à moi, je luttais encore contre le sommeil. Mais celui-ci était plus fort. Mon instinct l’emportait toujours sur ma volonté. Je m’étais donc endormi, non sans promettre qu’au moindre problème, je protégerai William. Voilà quel était mon but.
L’hiver s’était ainsi écoulé. William était souvent venu me voir. A son approche, je me réveillais toujours pour m’assurer qu’il aille bien. Quant à Napoléon, il menait sa petite vie. On m’apportait une ration de légumes crus tous les jours et ma paille était régulièrement changée. Elle était en fait mélangée à d’autres herbes et plantes qui, une fois fanées et séchées, étaient retirées et remplacées. Mais trouver les matériaux les plus confortables n’étaient pas facile.
Et puis le printemps avait succédé à la période de froid. La neige avait fondue et la nature s'éveillait doucement. A peine étais-je sorti de ma longue torpeur que je m’étais dirigé vers la maison de mon maitre. J’avais gratté à la porte avec mes griffes tel un chien. William était rapidement venu m’ouvrir, et il était heureux de me voir à nouveau debout. Mais l’hiver avait été rude pour sa mère et lui. Je sentais qu’ils n’allaient pas bien. Il était plutôt maigre.
-Tu tombes bien, Rex, avait-il dit. Maman est malade, et nous devons aller en ville pour acheter les médicaments. Tu crois pouvoir m’y emmener ?
Je n’avais pas tout compris, mais je savais que la situation était grave. Je m’étais cabré en rugissant. William m’avait ensuite préparé.
-La ville est bien différente du village, disait-il en me sellant. Tu auras sûrement peur, mais je comptes sur toi, d’accord ?
Il avait mis son visage près de mon œil. J’étais prêt à partir. Pour William, je traverserai le monde s’il le fallait. Et il le savait. Nous étions sortis et il m’avait enfourché. Napoléon était venu nous saluer. Lui qui n'avait jamais connu la ville ne pouvait me donner aucun conseil. Nous serions de retour au soir, d’après mon maitre. Celui-ci m’avait lancé au galop et j’avais franchi le muret sans difficulté.
-Allez Rex, file comme le vent !
Sans attendre, j’avais pris un galop rapide tout en m’assurant du confort de William. Nous avions traversés le village encore endormi à vive allure. Il m’avait fait suivre une route goudronnée pendant plusieurs heures sans que je ne ralentisse le rythme. Nous avions croisés plusieurs automobiles, et même un ou deux engins bien plus gros et bien plus bruyant. Sur mon dos, j’avais senti que William commençait à fatiguer.
Je m’étais donc arrêté quelques instants près d’une rivière pour qu’il s’y abreuve avant de reprendre notre folle galopade. En fin de matinée, nous avons aperçus de grands bâtiments au loin. Autour de nous, déjà, les maisons étaient plus présentes et d’une conception meilleure que ce que j’avais déjà vu, de toute évidence. Nous étions donc entrés dans un immense ensemble d’habitations avec de grandes allées sur lesquelles circulaient chevaux, calèches et véhicules à moteurs. William m’avait fait repassé au trot et on circulait ainsi. Autour, les gens nous portaient d’étranges regards, mais je m’en fichais bien ! Mon maitre m’avait alors arrêté.
-Nous y sommes, Rex. Voici la ville !
Cet endroit ne me plaisait guère. Toute cette agitation et ces bruits en tout sens m'effrayaient. Mais pour William et sa mère, j’allais devoir prendre sur moi. Nous nous étions arrêtés devant un grand bâtiment. Là, William était descendu. Avec les rênes, il m’avait attaché à un grand anneau de métal fixé au mur. Jamais il n’avait fait ça ! J’étais intrigué d’un tel acte.
-Désolé, mon vieux Rex, mais ici, les montures doivent être attachées, c’est la loi. En attendant mon retour, soit sage, d’accord ? Je reviens vite.
Et il était entré, me laissant seul avec deux chevaux bien moins gros que moi. Ils se demandaient sûrement d’où je venait et ce que j’étais. Leurs cavaliers ainsi que les passants aussi, d’ailleurs. Et lorsque William était enfin sorti, il m’avait détaché. Pour l’aider à monter, j’avais légèrement plié l’un de mes membres antérieurs. Mon maitre avait été surpris d’un tel acte de ma part mais était monté en selle sans attendre.
-Allez, Rex, il faut récupérer les médicaments, maintenant !
Il m’avait lancé au trot jusqu’à un autre bâtiment. Là encore, j’avais été attaché et j’avais dû attendre. William était ressorti avec des sachets et les avais mis dans mes sacoches. C’est alors qu’un homme l’avais interpelé.
-Eh, petit.
Cet individu, debout à quelques mètres de là, ne me disait rien qui vaille. Il portait un grand manteau beige d'où émanaient de fortes odeurs de plantes. Il avait demandé à mon maitre de s’approcher et ils avaient commencé à parler. Quant à moi, j’étais de plus en plus agité. Cet homme avait des attentions hostiles envers mon maitre. Heureusement, celui-ci avait été alerté par mon attitude et avait délaissé l’individu pour venir me voir.
-Tout va bien, Rex, disait-il.
- C’est ton… ta monture ?
L’homme s’était approché. J’avais alors fait quelque chose que jamais je n’aurai pensé effectuer : j’avais montré les crocs en émettant une sorte de grondement mélangé à un sifflement. L’individu avait reculé, effrayé.
-Rex ? Qu’est-ce que ça veut dire ? S’était insurgé mon maitre.
Je m’étais aussitôt calmé. William avait compris que quelque chose clochait. Sans attendre, il m’avait détaché et était monté sur mon dos.
-Allez, Rex, filons.
Il n’avait pas besoin de le répéter. Sans attendre, j’étais parti. Nous avions quitté la ville et ses dangers sans perdre de temps. J’avais galopé toute l’après-midi pour regagner le village. Et c’est dans la soirée que nous avons atteint le domaine. A peine m’étais-je arrêté que William avait bondit de mon dos, avait saisi les médicaments dans les sacoches et était entré en promettant de s’occuper de moi dans peu de temps. Napoléon s’était approché et nous nous étions gratouillés. Qu’il était petit du haut de ses cent-trente-cinq centimètres. Je lui avais conté mes aventures en ville et il avait semblé surpris. Il n'était pas si désireux de s'y rendre, après mes récits.
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