Chapitre 18
Galopant à travers les rues de Londres, j’avais filé en direction de ce sifflement intermittent. Celui-ci s’était arrêté net, me faisant freiner des quatre membres. J’avais tourné sur moi-même, cherchant une trace olfactive. Une fois celle-ci décelée, j’étais reparti. Sur mon passages, les quelques personnes encore dehors à cette heure s’étaient écartées, hurlant de frayeur pour la plupart. J’avais fini par arriver dans une rue. Un groupe d’hommes avait assommé William ! Andrew n’était pas loin, le visage marqué. Leurs vêtements étaient déchirés. Voyant tout cela, j’étais devenu ivre de rage. Me cabrant tout en lâchant un puissant rugissement, j’avais chargé, cornes en avant. Cela avait suffit à faire fuir les agresseurs. Je m’étais arrêté, râclant le sol de mes griffes. Puis je m’étais reporté sur William. Mes coups de museau et de langues semblaient sans effet. Andrew s’était redressé avec difficulté.
-Merci d’être venu Rex.
Piaffant d’inquiétude, j’avais l’encolure arquée et les naseaux palpitant. Andrew était parvenu à m’apaiser. Hissant William sur mon dos, il était grimpé à son tour.
-Conduis-nous à la maison, Rex, je t’en supplie !
J’avais senti toute son inquiétude, et il n’avait pas besoin de me le redemander. M’élançant d’abord au trot puis au galop, je m’étais assuré qu’ils tiennent tous les deux jusqu’au logis. Là, quelle n’avait pas été notre surprise. Tous le monde nous attendait, des torches à la main.
-Rex !
- C’est William !
Mon maitre avait été emmené aussitôt par Madeline tandis qu’Andrew été parvenu à descendre.
-Merci Rex, avait-il pleuré. Sans toi…
On lui avait proposé de rentrer. Alan était resté pour me ramener au box. Napoléon était inquiet et je l’avais rassuré en lui gratouillant l’encolure.
-Brave bête, va, avait dit le garçon. Tu en as du courage. Tiens.
Ma paille était ensanglantée. Me prenant un membre, il avait découvert que le dessous de mes pattes était écorché. J’avais effectivement mal, mais rien de comparable à l’inquiétude que j’avais éprouvé pour William.
-Bouges pas, je vais te chercher de quoi soulager tout ça.
Il avait passé une bonne partie de la nuit à s’occuper de moi, désinfectant, nettoyant et pansant mes pattes tandis que j’étais couché. Napoléon était curieux, nous observant.
-Ne le lèves pas, gaillard. Tu vas avoir besoin de repos. Voilà que je parles à un dinosaure comme s’il me comprenait… Bah.
Cela l’avait fait un peu rire et il était partie, laissant une lampe à huile au-dessus de nous. J’avais avisé Napoléon et nous nous étions touchés du bout du museau. Il avait été inquiet de me voir partir aussi vite, brâmant de toutes ses forces pour espérer alerter la famille de mon départ. J’avais reposé ma tête. J’étais si inquiet pour William.
Le lendemain, une odeur que je connaissais bien était venu me chatouiller les naseaux. Et c’est en me réveillant que j’avais découvert mon maitre agenouillé devant moi, avec quelques pansements sur le visage et le bras en écharpe.
-Coucou mon Rex.
J’avais redressé l’encolure et avait exprimé ma joie de le voir sur pied. J’avais tenté de me lever mais mes pattes me faisaient mal !
-Tout doux mon beau. Alan et Andrew m’ont tout raconté.
Son visage s’était assombrit.
-Je suis désolé Rex. Hier, j’étais énervé et…
Je lui avais donné un coup de langue, lui rendant son sourire. William allait bien, et c’était l’essentiel. Il m’avait raconté que dévoiler son attirance envers les hommes avait été le moindre de ses problèmes, au vu des récents évènements. Son amour pour Andrew était d’ailleurs mieux toléré par la famille que les activités nocturnes de Madeline. A présent, un problème se posait : le travail. Dans mon état, je n’allais pas pouvoir tirer le fiacre. Mais Alan avait un projet en tête pour moi.
J’avais reçu quelques visites. Andrew m’avait infiniment remercié d’être venu à leur secours. Mais je n’avais aucun mérite. Pour mon maitre, j’aurai fait n’importe quoi. Que lui et son compagnon aillent bien était l’essentiel à mes yeux. Et j’aurai recommencé, même dans mon état actuel.
Quelques jours s’étaient écoulés, d’une façon des plus insupportables à mes yeux. Rester couché sans rien faire m’était inconcevable. Je rêvais d’un travail à accomplir aux côtés de William, si difficile puisse-t-il être. Heureusement que Napoléon était là !
Une fois mes pattes guéries, Alan m’avait posé des sortes de protections de caoutchouc avec une petite épaisseur de coton. Quoi qu’assez déstabilisant dans un premier temps, je m’y étais rapidement adapté grâce à l’aide de William. On m’avait également donné des sortes d’étuis en cuir souple pour les griffes qui ne laissaient dépasser que les extrémités. Le travail avait ainsi repris. Et Madeline, plutôt que d’offrir son corps aux hommes, selon les dires de l’oncle, travaillait comme serveuse, à l’instar de mon maitre à son arrivée. En plus de tirer le fiacre, j’avais aidé quelques temps au port pour tirer de gros wagons. La locomotive en charge de cette opération était alors en maintenance. J’effectuais cela toute la journée avec un plaisir évident. Avec William à mes côtés, je pouvais faire n’importe quelle tâche.
Nous avions récoltés suffisamment d’argent. Il était temps pour nous de partir à la recherche d’un vrai foyer. Evidemment, Andrew n’avait nullement hésité. Notre famille s’était agrandie ! C’était un jour de début d’hivers. Une saison bien mauvaise pour entreprendre ce voyage, mais qu’importe. Des rations nutritives spécialement conçues pour Napoléon avaient été chargées sur la charrette. Et c’est sous la neige tombante que nous étions parties de Londres. Adieu la ville ! A mes côtés, le vieil âne était tout aussi enjoué que moi. Nous avions pris un petit chemin longeant la mer. J’aurai aimer y galoper une dernière fois. Le comprenant, William m’avait offert ce plaisir.
Notre vie n’avait pas été facile ces derniers temps. Chassés de chez nous, nous avions dû trouver un autre foyer, et il avait été bien difficile de stabiliser notre situation. William s’était rendu compte qu’avec tout cela, nous avions oublié mon anniversaire ! car d’après lui, j’étais né en milieu de printemps. Il nous fallait trouver un endroit où s’installer, et vite, car le sommeil me gagnait de plus en plus, en raison de mon besoin d’hiberner. Mais je n’avais pas l’intention de laisser mon instinct l’emporter !
Nous avions vus tant de gens. Certains agréables, d’autres plus vilains. Mais cela importait peu. L’Humain était chaotique et chaque individu différent. Ce qui était sûr, c’est que je n’étais pas venu au monde pour réfléchir à la nature des Hommes. J’étais ici pour une raison : aider William et tous ceux qui avaient besoin de moi. J’étais sur cette terre pour travailler aux côtés des humains et leur offrir tout ce que j’avais. Je n’attendais rien en échange. J’avais mon maitre, j’avais Madeline, j’avais Napoléon et j’avais à présent Andrew. Et c’était tout ce dont j’avais besoin.
Pourquoi chercher le bonheur ailleurs quand vous l’avez autour de vous ? C’est bien un concept humain, ça...
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