Sur le banc
de Old Corille
Bonjour monsieur Göring, comment vont vos cendres ?
Il est assis près de moi sur le banc. Livide et amaigri, flottant dans son uniforme gris terne. J’avais rêvé de lui poser des questions, de lui demander des comptes et il est là, sur ce banc à l’abri du soleil dans le square du musée. Son menton repose sur sa poitrine, il semble en méditation, les yeux à demi fermés.
Oh, eh, faudrait voir à se réveiller, là, monsieur Göring ! A moins que vous préfériez que je vous appelle Hermann ? Moi, c’est Alice. Je ne vous dis pas « enchantée » car vous me fichez plutôt les jetons. C’est que c’est pas souvent que j’ai l’occasion de discuter le bout de gras avec un psychopathe célèbre. Votre œil a tressailli. Je constate qu’un mot vous a fait réagir. Célèbre, ou psychopathe ? Vous ne me répondez pas… Vous avez perdu le sens de la répartie ? Je vais vous aider en vous posant quelques questions. Vous voulez bien ? Tout d’abord, vous étiez le plus intelligent de la bande de voyous, celui qui avait le plus fort potentiel pour faire de grandes choses, d’œuvrer pour le bien. Qu’est-ce qui a foiré chez vous ? Est-ce votre addiction à la morphine qui vous a brouillé l’esprit ?
Je vois bien que mes questions ne lui plaisent pas trop. Quelque chose d’un peu plus léger, je dois lui demander quelque chose de plus léger… Que peut-il exister de léger avec un mec pareil ? Rien que son gabarit est pesant. Son passé, n’en parlons même pas. Et ce silence…
Je pense avoir trouvé : Vous avez été gravement blessé lors de la Grande Guerre, c’est depuis cette époque que vous êtes devenu accro aux drogues. Vos blessures vous font-elles toujours souffrir ? (Les vieux aiment en général parler de leurs bobos, cela les distrait). Dans votre tête, je veux dire. Un tas de cendres peut-il souffrir physiquement ? En réminiscence, comme lorsqu’un membre amputé se rappelle à notre souvenir ? Je m’enlise, je m’enlise… Bien, pas ce genre de question non plus…
Aviez-vous une sexualité épanouie ? (le sexe, tout le monde aime en parler, surtout si c’est pour se vanter. Il était homme, il ne doit pas faire exception à la règle…).
Rien, aucune réaction. Il reste assis, immobile.
Qu’aimeriez-vous me dire, monsieur Göring ? Laissez-vous aller, tout est fini pour vous, faites-moi confiance, vous ne risquez plus rien.
— J’étais dans ma cellule, j’ai croqué dans une capsule de cyanure et je me retrouve ici à subir les niaiseries d’une folle qui ferait mieux, comme toute femme qui se respecte, d’aller s’occuper de son mari, de ses enfants et de sa maison. De plus, le soir tombe et ça commence à faire frisquet. Je rentre chez moi, dans mon feu d’Enfer.
En fin de compte, Göring, il est inintéressant au possible, aucune conversation. Si vous le voyez sur un banc, passez votre chemin. Il ne m’a même pas dit adieu, ou adiable… Goujat, va.
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