Chapitre 5

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Nous nous étions réfugiées dans les égouts de Rambouillet, là où personne ne nous retrouverait. Qui penserait à chercher sous terre ? Malgré l’odeur nauséabonde et l’humidité persistante, je m’y habituais. J’avais vécu bien pire. Ma cellule était crasseuse, sombre et rongée par la moisissure. Je n’avais jamais connu rien d’autre que la noirceur du monde, alors rester ici temporairement ne me dérangeait pas.

Le gamin, en revanche, ne cessait de râler, comme l’enfant pourri gâté qu’il était. Il était davantage terrifié par les rats que par nous, et cela me vexait un peu. Non pas que mon objectif était de lui faire du mal, mais j’aurais savouré lire sa peur dans ses yeux. Ce qui n’était donc pas le cas. Il était téméraire, voire imprudent. Il avait cette hargne que je n’avais jamais vue auparavant et j’éprouvais une certaine admiration envers sa volonté de se battre contre nous lorsque nous nous en étions pris à ce type qui partageait mon pouvoir.

C’était étrange. Pourquoi lui menait-il une vie de privilèges auprès du Président tandis que moi, j’avais été enfermée dans une cage ? Pourquoi cette différence de traitement alors que nous avions, quasiment, les mêmes pouvoirs ? Certes, si j’avais bien compris ce que les scientifiques racontaient sur moi, j’étais différente, unique. Car je possédais plusieurs pouvoirs. Comme nous toutes dans cet enfer.

— Hé !

Le gosse hurlait pour attirer mon attention, et je n’avais qu’une envie : le faire taire par la force. Un bon coup de poing dans sa gueule pour le calmer. Mais je ne devais pas l’abîmer. Pas maintenant. Pas tant que je ne saurais pas ce qu’il se passait à l’extérieur, pour le Président. Je supposais qu’il avait envoyé des tas d’hommes armés nous rechercher, mais franchement, cela ne m’effrayait pas. Je savais que j’avais les pleins pouvoirs, que je pouvais les anéantir en un claquement de doigts. Mais mon but était bien plus grand : je voulais me venger. Et pour cela, je devais réfléchir à ce que j’allais faire.

— Arrête de crier putain !

— Dites-moi ce que vous allez faire de moi alors !

— Rien. Pour le moment.

Bien que ma vigilance soit portée sur cet enfant, les claquements de dents de J-Doe 47 commencèrent à me taper sur les nerfs. En la regardant de plus près, je constatai une femme apeurée, ses jambes tremblantes, son regard fuyant et les yeux remplis de larmes.

— Qu’est-ce qu’il y a, bordel ? lui demandai-je agacée par son comportement.

— Je… Ça va trop loin pour moi. On devait s’échapper, pas kidnapper le fils du Président.

— On devait se venger. On a notre vengeance. C’est parfait.

— Non. Tu devais te venger. Moi, tout ce que je veux, c’est de vivre loin d’eux.

— Tu penses qu’ils ne vont pas te retrouver et te renvoyer là-bas ? Ils vont tout faire pour remettre la main sur nous. Je suis sûre qu’en haut, ils ont déployé tous les gardes du pays dans les environs.

— Peut-être, mais je ne veux pas participer à tout ça.

J-Doe 47 tourna les talons et retourna sur nos pas. Quelle folie ! Elle comptait vraiment retourner vers Rambouillet, là où chaque recoin était sûrement fouillé ? C’était du suicide. Et Beauvilliers savait qu’ils nous tueraient s’ils nous trouvaient. Parce que nous avions compromis leur plan, leur expérience. Nous étions un trop gros danger et il était encore temps de cacher la vérité aux Français. C’était une idiote, et J-Doe 58, J-Doe 46 n’étaient pas mieux quand elles décidèrent de la suivre.

— Je suis désolée, J-Doe 54. Mais je suis d’accord avec elle. C’est trop dangereux.

— Ce qui est dangereux, ce sont eux.

— Tu as compris ce que je voulais dire. Je ne veux pas être mêlée à ça.

— Alors, partez.

Je jetai un regard vers J-Doe 55 et J-Doe 61 qui me fixaient comme si j’étais un monstre. Peut-être que j’en suis un. Après tout, j’étais celle qui avait mis la main sur l’enfant, qui l’avait capturé et bâillonné. Mais elles me firent comprendre d’un signe de la tête qu’elles comptaient rester. Bien. Nous étions trois, c’était amplement suffisant pour ce que nous avions à faire, compte tenu de notre puissance. Je le savais : nous étions intouchables.

Je me tournai vers le gosse qui me regardait d’un air satisfait. L’air de dire : « Bien fait. Tout le monde vous abandonne. Vous allez perdre. » Sauf que je ne perdais jamais. Il nous sous-estimait, et c’était normal, car il ne savait rien de nous. Mais putain, j’étais forte. Très forte. Si bien que j’étais persuadée que les gardes étaient terrifiés de nous retrouver, qu’au fond d’eux-mêmes, ils espéraient ne jamais tomber sur nous, car ils savaient qu’on les tuerait sans pitié. Comme j’avais tué cette femme aux cheveux rouge feu, qui avait tenté de m’aveugler avec son pouvoir. Tss. J’avais été entraînée pour me battre sans la vue : le nombre de fois où ces scientifiques m’avaient mis un bandeau sur mes yeux pour m’affaiblir, mais cela n’a fait que renforcer mes autres sens. Il m’avait suffi de l’ouïe et d’une bonne dose de magie pour en finir avec elle.

Oui, j’étais impitoyable. Mais je ne culpabilisais pas, parce que c’était pour le bien des Français. Ils devaient savoir.

J’avais sûrement une mine désespérée, face à cet adolescent qui me fixait avec haine, comme si j’avais détruit sa vie. C’était peut-être le cas. Sûrement. Mais je n’en avais rien à foutre. Qu’allions-nous faire de lui ? Nous devions réfléchir à un plan. Peut-être que le tuer n’était pas une si mauvaise idée. Quoi de plus cruel pour le Président que de lui enlever son fils ? Faire souffrir cet homme était mon objectif, et cela me semblait être la meilleure façon d’y parvenir.

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